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Avec du bois plus 30 % plus petit à transformer, l’optimisation et l’innovation fait partie de l’ADN de Chantiers Chibougamau. Pour continuer à se démarquer, l’entreprise souhaite construire le plus haut bâtiment en bois au monde à Québec.

20 janvier, 2015  par Guillaume Roy


Un édifice à condo construit avec des panneaux lamellés croisés à Chibougamau. La maquette de la tour à bois de Québec devrait être divulguée en janvier 2015.

Dans la cour à bois de Chantiers Chibougamau, une quantité impressionnante de billots de bois en longueur sont empilés à perte de vue. Mais un facteur important différencie le bois d’ailleurs au Québec : sa taille. À cette latitude, près de la limite nordique de récolte, les arbres sont environ 30 % plus petits qu’ailleurs au Québec. En fait, on y récolte principalement de l’épinette noire de 125 à 175 ans.

Alors que certains considéreraient cette caractéristique comme un irritant de taille, Chantiers Chibougamau l’a transformé en avantage concurrentiel. « Plus la fibre est dense et plus les performances physiques et mécaniques sont grandes », souligne Frédéric Verreault, le porte-parole de l’entreprise. C’est pourquoi elle mise sur la construction non résidentielle pour développer des produits à valeur ajoutée depuis plusieurs années.

Après avoir réalisé plusieurs stades de soccer, des bâtiments institutionnels (Fondaction) et des ponts en bois, voilà que l’entreprise continue de repousser les limites en proposant de construire la plus haute tour en bois au monde dans l’Écoquartier de la Pointe-aux-Lièvres à Québec. Le bâtiment de 13 étages comprendra 12 étages en panneaux lamellés-croisés (cross laminated timber – CLT) et mesurera 40 m. Le plus haut bâtiment en bois, le Murray Groove, fait  actuellement 34 mètres de hauteur sur neuf étages à Londres.

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Le projet est mené par la Société en commandite NEB qui regroupe Nordic Structures Bois, (une filiale de Chantiers Chibougamau) EBC Construction et Gestion Yvan Blouin. Selon Yvan Blouin, l’architecte responsable du projet, « le bois est une richesse naturelle de la province et ça fait travailler les gens d’ici. C’est aussi un matériau écologique, car il séquestre le carbone. La construction d’un immeuble en bois est plus rapide. Finalement, comme il y a moins de ponts thermiques, c’est plus avantageux énergétiquement et c’est plus confortable, car il y a moins de variation d’humidité », explique-t-il.

En fait, lors de la construction, un étage de 850 m2 sera érigé par semaine, ce qui réduira la durée du chantier d’environ 25 % selon ce dernier. Le bois est également moins lourd à supporter. « On sauve de l’argent sur les fondations, car on a 40 % moins de poids à soutenir », ajoute M. Blouin.

Selon Frédéric Verreault, « ce projet comporte un volet démonstration non négligeable pour faire une affirmation sans équivoque du sérieux du produit. Une fois érigé, un projet comme celui-là fera la démonstration que c’est faisable et crédible. Notre but dans la vie ce n’est pas d’envoyer des messages, mais de générer des opportunités pour qu’il y ait des volumes de bois qui se retrouvent dans ces projets là ». Pour Yvan Blouin, c’est une opportunité de démontrer que le prix d’une telle construction est comparable à des bâtiments en béton, et qu’il est encore meilleur si l’on tient compte des performances énergétiques du bois.

Pour les entreprises de construction, l’érection de bâtiments en bois en hiver serait également facilitée, car contrairement au béton, le bois ne gèle pas. « Pas besoin de chauffer le béton avec du propane, ou d’arrêter parce qu’il fait trop froid », note l’architecte.

Des derniers tests pour le risque d’incendie ont été conduits à la fin novembre, ou un bâtiment de trois étages a été incendié au Conseil national de la recherche scientifique à Ottawa. Ces tests permettront d’obtenir l’accréditation de la Régie du bâtiment du Québec avant de faire le lancement officiel qui devrait avoir lieu à la mi-janvier, moment où la maquette du projet sera dévoilée.

Un marché en émergence

Un gros plan
Un gros plan d’un panneau lamellé croisé (CLT). Selon les besoins, le panneau peut avoir jusqu’à 7 plis et 16 pouces d’épaisseur.

Même si le marché de la construction résidentielle est en émergence, il y a toujours beaucoup d’instabilité lors de l’introduction d’un nouveau produit comme les panneaux lamellés-croisés. Après avoir connu une certaine effervescence, Chantiers Chibougamau connaissait une période plutôt calme lors de notre visite en juin dernier. Le projet de la tour à bois pourrait changer la donne.

« Dès que nous aurons le go pour ce projet, nous avons déjà pour au moins 15 millions $ en contrats d’autres projets s’inspirant de cette manière de construire. Dès le lendemain du OK de la RBQ, on pourra enclencher tous ces projets », souligne Frédéric Verreault.

L’entreprise souhaite d’abord se concentrer sur le marché québécois pour ensuite rayonner partout en Amérique du Nord. Pour l’instant, elle a fourni le bois pour la construction de l’aréna de pratique des Sabres de Buffalo et pour un autre projet dans le sud des États-Unis.

Selon le porte-parole de Chantiers Chibougamau, l’enjeu n’est pas d’attendre une croissance du secteur de la construction non résidentielle, mais bien d’augmenter la proportion d’utilisation du bois dans le secteur. « Il faut déplacer d’autres matériaux en mettant l’emphase sur la compétitivité de notre produit. Il ne faut pas lancer le message qu’on doit construire en bois pour aider industrie forestière. Ça ne nous rend pas service. On a aucune raison de faire pitié, car on a un produit super intéressant à offrir aussi », ajoute-t-il.

« Il y a un intérêt mondial pour construction en bois grandeur », soutien Richard Desjardins, chercheur pour FPInnovations. Au mois d’août dernier, la World Conference on Timber Engineering a attiré 953 délégués de 40 pays. Alors que l’Europe se tourne vers le bois pour ses propriétés écologiques, de plus en plus d’architecte découvrent les possibilités d’innovation structurale qu’offrent le bois. « On a construit des bâtiments spectaculaires au cours des dernières années », ajoute le chercheur. C’est en quelque sorte la renaissance de la construction en bois ou le bois massif fait un retour en force.

Des coûts de développement important

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Chantiers Chibougamau doit travailler avec du bois 30 % plus petit qu’ailleurs au Québec. C’est pourquoi l’optimisation fait partie intégrante de l’entreprise

Le développement de nouveaux produits ne se fait pas sans effort. « Les coûts d’introduction du nouveau système CLT ont été très élevés et ce n’est pas encore rentable. Dans un horizon d’un à trois ans, on espère avoir développé une certaine maturité et atteindre une vitesse de croisière viable », mentionne M. Verreault.

Pour parvenir à cette percée technologique, l’entreprise a investi plus de 15 M$ en 2008 et 2009 pour faire l’achat de deux robots d’usinage extrêmement précis et d’un planeur surdimensionné fabriqués par l’entreprise italienne CMS. « C’est un des plus gros planeurs au monde. On tenait absolument à ce qu’il puisse planer des pièces allant jusqu’à 8 pieds de hauteur pour faire des ponts de grande portée », note M. Verreault. Ces équipements sont distribués par Drolet machinerie au Québec.

« Avec ces machines de guerre, on est encore de produire à notre plein potentiel », lance M. Verreault.

En plus de plancher sur des projets de construction non résidentielle, Chantiers Chibougamau souhaite également développer le marché de la construction de ponts en bois. Selon Frédéric Verrault, il y aurait une économie de 3 à 5 % à faire avec les ponts de 15 m et moins et cette économie atteindrait jusqu’à 15 % pour les ponts de 20 à 25 m. De plus, la construction de tels ponts est de deux à quatre fois plus rapide. Un pont de 160 m a d’ailleurs été complété dans la communauté Cris de Mistissini l’an dernier.

Condamnée à optimiser
Avec des arbres 30 % plus petits, Chantiers Chibougamau est condamnée à optimiser ses opérations depuis 1961. C’est une obsession pour les gains d’efficacité de chaque milliseconde qui a fait tripler la productivité. « Il y a 10 ans, on produisait 300 pi/min alors qu’aujourd’hui, on atteint les 900 pi/min », lance Frédéric Verreault.

Le processus d’optimisation démarre dès le parterre de récolte, où la planification du transport vise à équilibrer l’entrée des grumes en fonction des besoins des deux lignes de sciage pour le petit bois Hewsaw et une ligne Enducker pour le gros bois.

En amont du sciage, l’optimiseur Prologix, qui comprend 25 scanneurs, a également amélioré le rendement. Le système « 3D log optimisation » permet de définir des valeurs à chaque produit afin que le système réponde le mieux aux besoins du marché tout en maximisant les revenus.

En 2011, l’entreprise a fait l’ajout d’un classificateur numérique Comact, qui a permis d’importants gains de valeur, en détectant les défauts et la pourriture avec plus de précision et en offrant une vitesse de travail incomparable, soutient M. Verreault.

Dans la section de bois d’ingénierie de l’usine, on retrouve plusieurs équipements de Jamec, dont les serre-joints format géant qui permettent de courber les pièces de bois qui font jusqu’à 80 pieds en longueur.

Trois lignes d’assemblage lamellé-collé de Conception RP sont également installées dans l’usine qui produit jusqu’à 90 millions de pieds linéaires de poutrelle en I par an, soit l’équivalent de cinq traversées du Canada d’un océan à l’autre!

Bon an mal an, Chantiers Chibougamau transforme entre 750 000 et 850 000 m3, dont 85 % d’épinette noire. En 2013, les revenus générés par les produits de construction non résidentielle ont dépassé pour la première fois les revenus générés par les copeaux.

Près de 600 personnes travaillent dans les différentes installations de la scierie Chantiers Chibougamau, ce qui représente le quart de la population active de Chibougamau! L’entreprise génère des retombées locales de 25 M$ par an dans la communauté et plus de 20 M$ au Lac-Saint-Jean.

 

 


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