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Récolte du bois brûlé : la course contre la montre est commencée

24 août, 2023  par Guillaume Roy. Initiative de journalisme local



La récolte de bois brûlée est bien entamée, même s’il reste encore des équipes à déployer dans les feux. C’est une véritable course contre la montre qui se déroule alors que les insectes s’attaquent déjà à la fibre.

Des tiges carbonisées s’étendent à perte de vue sur le territoire, signe des traces laissées par les feux historiques qui ont ravagé le Québec en juin dernier. Moins de deux mois après le passage du feu, la nature a déjà commencé à reprendre ses droits. Les plants de bleuets, le kalmia à feuille étroite et le thé du Labrador tapissent déjà une bonne partie du sol forestier.

« Les insectes ont commencé à laisser des traces depuis environ une semaine », remarque Francis Minier, copropriétaire de Forestier MF Minier avec son frère Maxime, en pointant vers de petits copeaux de bois qui se trouvent aux pieds des arbres. Plus les arbres sont gros, plus on retrouve des signes des insectes, a remarqué le forestier qui s’attarde à récolter le bois incendié plus tôt cette année pendant qu’il est encore bon.

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Le temps presse, car les longicornes attaquent le bois à une vitesse redoutable. Les adultes pondent des œufs dans l’écorce et les larves creusent ensuite des galeries dans la fibre. Éventuellement, le bois devient troué comme du fromage suisse et devient invendable, remarque Guillaume Bouchard, le directeur des opérations forestières de Produits forestiers Résolu (PFR).
Le bois doit être récolté avant que les insectes ne fassent des ravages.

Récolter après une saison de feux historiques

Près de 1,5 million d’hectares de forêts commerciales sont partis en fumée cette année, un record en plus de 100 ans (5,3 millions d’hectares brûlés si l’on inclut les forêts nordiques). « Pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, il y a eu 76 feux depuis le début de la saison, ils ont brûlé 176 641 hectares », souligne Philippe Bergeron, responsable des communications à la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU). Au cours des 10 dernières années, la moyenne était de 7080 hectares de forêt brûlée par année. À l’échelle provinciale, la moyenne annuelle au cours pendant la même période était de 15 749 hectares par année.

Lors de feu de forêt, l’effort de récolte de bois est redirigé dans le bois brûlé pour récolter un maximum d’arbres morts au lieu de prélever des arbres vivants. Le ministère des Ressources naturelles et des forêts (MRNF) réalise alors des plans d’aménagements spéciaux. Comme il faut un certain délai pour produire ces plans, notamment pour permettre différentes étapes de consultation, les forestiers n’ont pas pu commencer la récolte de bois brûlé immédiatement après l’extinction des feux.

Au cours des derniers mois, de plus en plus de forestiers sont donc réaffectés vers la récolte de bois brûlé. Selon les données du MRNF, les 18 plans d’aménagement spéciaux autorisent à ce jour la récupération de plus de 7 millions de mètres cubes de bois affectés par le feu pour l’année 2023-2024, dans le Nord-du-Québec, en Mauricie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en Abitibi-Témiscamingue, en l’Outaouais et dans les Laurentides. Ce volume représente actuellement plus de 20% de la possibilité forestière du Québec pour une année.

Alors que plusieurs personnes demandent un moratoire sur la coupe de bois vert au Québec, cette idée n’est pas possible sur un plan logistique, car les feux sont concentrés dans quelques régions du Québec, très loin des usines du sud. De plus, certaines usines transforment des bois feuillus, comme c’est le cas avec l’usine de West Fraser à Chambord, qui utilise le peuplier faux-tremble pour faire des panneaux OSB, ou encore avec Bois Francs Bio Serra, qui transforme le bouleau blanc pour en faire du plancher.

Pour que toutes les usines puissent recevoir leur approvisionnement, la récolte de bois vert doit continuer à certains endroits, explique Guillaume Bouchard. « La recette de récolte est révisée pour tenir compte des besoins de tous les bénéficiaires », explique-t-il.

À l’heure actuelle, plus de la moitié des équipes de récolte de PFR se trouvent dans les feux de forêt et cette proportion grimpera à plus de 75% au cours des prochaines semaines, mais elle n’atteindra pas 100%, pour les raisons évoquées ci-haut, soutient Guillaume Bouchard. L’effort dévolu à la récolte du bois brûlé durera au moins jusqu’au printemps 2024.

« On sera en mesure de récolter la très grande majorité des arbres brûlés dans la région. »

—  Guillaume Bouchard

Quelques difficultés et des inquiétudes

La récolte de bois brûlé amène certaines contraintes pour les forestiers et les usines de sciage, mais ce qui inquiète davantage, c’est la perte des jeunes forêts qui sont parties en flammes.

La perte de jeunes forêts cause des inquiétudes.

En se promenant sur les parterres de coupe, on remarque rapidement que le feu a brûlé de manière inégale. « À certains endroits, seulement la mousse a brûlé et les cimes sont intactes, mais à d’autres places, les arbres sont complètement carbonisés », soutient Francis Minier, qui récolte du bois au nord de Dolbeau-Mistassini pour la coopérative forestière de Girardville, qui réalise un contrat pour PFR.

Certains arbres déjà affectés par la tordeuse des bourgeons de l’épinette étaient déjà si secs qu’ils ont été complètement dégradés par le passage du feu. Ces arbres doivent être laissés de côté, tout comme les arbres de 10 centimètres de diamètre et moins.


Comme toute la végétation est brûlée, la vision est meilleure pour voir chaque arbre à couper, mais la récolte dans les secteurs incendiés est plus dure pour la machinerie. « Ça use les machines plus vite, parce que c’est abrasif, soutien Francis Minier. C’est surtout exigeant pour les filtres à air qu’il faut changer deux ou trois fois plus souvent ». Pour les opérateurs, il est aussi plus difficile de séparer les essences de bois.

Étant donné que la quantité de bois récoltée n’est pas la même que dans les forêts matures, les taux payés aux entrepreneurs forestiers sont ajustés, selon une grille de taux définie par le gouvernement et diffusée sur le Bureau de mise en marché des bois.

C’est la première fois que le forestier âgé de 31 ans doit récolter du bois dans les forêts brûlées, mais tout se passe bien jusqu’à maintenant. « Avant, on récoltait du bois affecté par la tordeuse, dit-il. C’est similaire parce que dans les deux cas, on récolte des arbres le plus vite possible avant que la fibre ne soit plus bonne ».

La récolte en forêt brûlé pose des problèmes aux entreprises forestières.

Dans le secteur où il récoltait la semaine dernière, le peuplement est très beau… mais il aurait dû pousser encore 25 ans avant d’atteindre sa pleine maturité. En regardant les vastes étendues de jeunes forêts brûlées, Maxime Minier ressent une certaine forme d’inquiétude. « Ça fait mal au secteur parce qu’on a perdu 20 ans d’aménagement forestier », dit-il, espérant que ces pertes n’affectent pas trop la possibilité forestière. Malgré tout, il estime que le Saguenay-Lac-Saint-Jean est tout de même chanceux, car la région a été beaucoup moins touchée qu’en Abitibi-Témiscamingue ou dans le Nord-du-Québec, plus particulièrement près de Chibougamau.

Une fois rendu à l’usine de sciage, il faut aussi traiter les billots brûlés différemment pour éviter de contaminer les produits du bois et les copeaux avec des rejets carbonisés, explique Guillaume Bouchard. Le travail d’écorçage est alors critique, car il faut enlever l’écorce et toutes les parties de fibre brûlée.


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