Opérations Forestières

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Des Autochtones bloquent la forêt dans le nord du Lac-Saint-Jean

3 août, 2023  par Guillaume Roy. Initiative de journalisme local



Le collectif Mashk Assi, un groupe autochtone non affilié au conseil de bande de Mashteuiatsh, bloque la forêt dans le nord du Lac-Saint-Jean, exigeant l’arrêt des coupes forestières dans le bois vert, ainsi que toutes les activités de prospection minière. Plus de 70 machines d’entreprises forestières et de la Coopérative forestière de Girardville travaillant pour Produits forestiers Résolu sont ainsi arrêtées.


Depuis dimanche après-midi, une dizaine d’Autochtones, Innus et Attikameks, ont érigé un campement au kilomètre 9 du chemin Caribou, auquel on peut accéder à partir du km 59 sur le chemin de la Domtar, dans le nord du Lac-Saint-Jean.

« On veut empêcher les coupes forestières parce que l’avis d’éviction qu’on a envoyé le 1er juin dernier n’a pas été respecté », lance d’emblée Mike Paul, un des porte-parole du collectif Mashk Assi. « On demande l’arrêt de toutes les activités forestières dans le secteur, tant et aussi longtemps que toutes les machines qui récoltent le bois vert ne sont pas sorties du bois ».

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Denise Xavier et Mike Paul, deux membre du collectif Mashk Assi.

Ce sont ainsi que plus de 70 de machines d’abattage, de voirie et de transport, ont été forcées à l’arrêt lundi matin. De ce nombre, on compte 50 machines d’entrepreneurs affiliés à la Coopérative forestière de Girardville, qui récoltait du bois pour Produits forestiers Résolu (PFR).

Dès que PFR a appris la nouvelle du blocage, l’entreprise a demandé aux entreprises d’arrêter les opérations, explique le porte-parole de l’entreprise, Louis Bouchard. « Notre position est d’éviter la confrontation et de suivre l’évolution de la situation pour arranger ça au mieux », dit-il, ajoutant qu’il attendait des nouvelles du terrain pour en savoir plus sur les revendications du collectif.

Le collectif a aussi bloqué les activités de prospection minière ont également été bloquées dans le secteur, faisant allusion aux activités de First Phosphate, ainsi qu’aux activités au lac Grimard. « Je viens de les sortir de là », a soutenu Denise Xavier, une membre du collectif qui occupe le secteur du lac Grimard.

Au moment de la visite du Quotidien, une dizaine de personnes participaient au blocage et selon les représentants. Lorsque questionné sur la portée du collectif, Mike Paul mentionne qu’une cinquantaine de personnes ont signé une pétition contre le traité Petapan (un projet de traité entre trois communautés innues et les gouvernements provincial et fédéral) et que le regroupement compte plusieurs alliés dans les communautés attikameks et mohawks.

Le collectif est contre le traité, notamment parce que les communautés innues revendiquent le droit de coupe de 250 000 mètres cubes de bois, car la récolte est contradictoire avec la protection du caribou forestier.

Plusieurs machines forestières étaient à l'arrêt dans le secteur, même celles oeuvrant dans le bois brûlé, car le collectif demande l'arrêt de toutes les opérations jusqu'à ce que toutes les machines sortent du secteur où le bois est vert.

Aucun appui des élus de Mashteuiatsh

« Pekuakamiulnuatsh Takuhikan n’est aucunement impliqué dans le blocage de la route forestière située au nord de Dolbeau-Mistassini ni dans les démarches du collectif Mashk Assi, remarque pour sa part Mélodie S. Lapointe la conseillère au communications du conseil de bande. Il ne cautionne pas ni n’appuie les actions qui sont menées actuellement par ce collectif. »

Par ailleurs, le collectif ne reconnaît pas l’autorité du conseil de bande en dehors de la réserve. « Le Conseil négocie le territoire sans qu’on soit à la table de négociation, mentionne Benoit Thisselmagan en faisant référence au processus de consultation fait pour la récolte forestière. C’est illégal. Le conseil de bon n’a aucune juridiction légale en dehors de la réserve. »

Mike Paul déplore également que l’industrie forestière détruise des sépultures autochtones sur le territoire, tout en ajoutant que le collectif ne veut pas dévoiler où se trouvent ces sépultures aux autorités pour les protéger, préférant faire le travail par eux-mêmes.

« On veut jouer notre rôle de gardien du territoire ancestral millénaire », dit-il.

Le campement érigé par le collectif Mashk Assi.

Ce dernier soutient que le collectif est l’opposition officielle au conseil de bande, un organisme imposé par le colonialisme, « en toute légalité selon l’exercice de nos droits », mais qu’il ne veut pas participer aux élections. « On n’a pas à se présenter aux élections à un organisme fédéral. On est un organisme tribal qui applique la loi juridique ancestrale sur le territoire. On ne peut pas négocier l’eau, la terre, la forêt, parce que c’est sacré pour nous. On applique l’autodétermination directement selon les principes de l’ONU. »

La lutte aux changements climatiques et aux inégalités sociales dans les communautés autochtones font aussi partie des revendications du collectif, qui considère la foresterie et les mines comme des secteurs d’emploi archaïques.

Des forestiers forcés à l’arrêt

« Les Autochtones ont bloqué la forêt parce qu’ils veulent qu’on aille bûcher le bois brûlé, mais on attend les autorisations gouvernementales pour y aller, explique Robin Saint-Pierre, un entrepreneur à la tête d’Excavation Gaétan Girard et de Forestiers SGB. Il faut que Legault se réveille ».

Robin Saint-Pierre, un entrepreneur à la tête d’Excavation Gaétan Girard et de Forestiers SGB.

Ce dernier est exaspéré de voir qu’une douzaine de ses machines sont encore forcées à l’arrêt, après avoir vécu une pause d’un mois pendant les feux de forêt en juin. De plus, Robin Saint-Pierre et d’autres entrepreneurs travaillaient déjà dans les secteurs affectés par les feux. « Ce n’est pas après nous qu’ils doivent s’en prendre, mais après le gouvernement », ajoute l’entrepreneur.

En après-midi lundi, un négociateur devait se rendre sur le terrain avec des responsables de Produits forestiers Résolu. « On ne négocie pas », souligne toutefois Mike Paul, ajoutant que la récolte dans le secteur, même dans les forêts brûlées, pourra reprendre lorsque toutes les machines seront sorties du bois vert.

La majorité des machines dont il parle appartiennent aux entrepreneurs forestiers travaillant pour la Coopérative de Girardville. « On récolte du bois de tordeuse avant qu’il meure », souligne le directeur général Stéphane Gagnon, ajoutant que ce travail ressemble beaucoup à la récolte de bois brûlé.

Les membres du collectif Mashk Assi estiment toutefois que ce secteur de forêt n’est pas affecté par la tordeuse des bourgeons de l’épinette. « On est cinq témoins et il n’y a pas de tordeuse en haut », remarque Mike Paul.

Stéphane Gagnon s’impatiente de voir que les opérations forestières sont à nouveau arrêtées, soit l’équivalent d’une cinquantaine de machines, en incluant le transport. « Mon monde est arrêté et je n’ai aucun contrôle sur la situation, dit-il. On veut juste faire travailler notre monde ».

Ce dernier souligne que sa coopérative a par ailleurs lancé une division avec une la coopérative autochtone, la coopérative Inter-Nations, qui détient 55% des parts du Groupe Inter-Nations. « C’est un beau partenariat pour développer la main-d’œuvre et l’entrepreneuriat pour la voirie et la récolte chez les Atikamekw », souligne Stéphane Gagnon, qui déplore la tournure des événements.



Les entrepreneurs souhaitent que le gouvernement débloque les autorisations pour la récolte dans les forêts brûlées le plus rapidement possible afin de dénouer cette situation et pour récolter le maximum de bois avant que les insectes ne ravagent le bois incendié.

Questionnée à ce sujet, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina a fourni cette réponse par courriel au Quotidien.

« La saison 2023 des feux de forêt a eu un impact inédit sur plusieurs secteurs d’activité au Québec, notamment le secteur sylvicole. C’est important de mentionner que des travaux de cartographie doivent être effectués avant d’autoriser la récupération des bois brûlés et nos équipes y travaillent sans relâche depuis plusieurs semaines déjà. À cet effet, plusieurs entreprises ont déjà entamé la récupération du bois brûlé sur certains territoires et d’autres autorisations seront délivrées sous peu. Nous restons à l’écoute des besoins et des préoccupations et nous poursuivons le travail afin de permettre la récupération rapide des bois brûlés sur le territoire touché par les feux de forêt. »


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