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Créer plus de valeur en usine

Chantier Chibougamau a investi 20 M$ dans la construction modulaire et dans l’intelligence artificielle.

6 Décembre, 2023  par Guillaume Roy


Adriane Bernardo, un travailleur philippin, opère le nouveau robot CNC.

Créer plus de valeur avec les produits du bois fait partie de l’ADN de Chantiers Chibougamau, une entreprise qui se trouve tout près de la limite nordique de récolte des arbres. En plein cœur de la forêt boréale, on retrouve des épinettes à perte de vue, mais les arbres croissent lentement à ces latitudes. 

Malgré cette contrainte, l’entreprise a toujours su tirer son épingle du jeu en créant le maximum de valeur avec les petites épinettes. Bien que chétives, les épinettes nordiques possèdent d’excellentes caractéristiques mécaniques recherchées dans le monde de la construction. 

Alors que l’usine de sciage a été fondée en 1961, c’est au tournant des années 2000, que Chantier Chibougamau a investi dans la fabrication de poutrelles en I. Quelques années plus tard, l’entreprise familiale s’est lancée dans la fabrication de panneaux lamellés-collés et de panneaux structuraux, appelés CLT (pour Cross Laminated Timber), dans le jargon.

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Au cours de la dernière décennie, l’entreprise a continué de se diversifier, faisant l’acquisition de la scierie Landrienne en 2015, avant de relancer l’usine de pâte Kraft de Lebel-sur-Quévillon 2020. Plus récemment, en 2023, les scieries de Béarn et de La Sarre se sont ajoutées au groupe.

Investir dans la construction modulaire
Même s’il y a beaucoup d’action en Abitibi-Témiscamingue, l’usine de Chibougamau n’est pas en reste, car plus de 20 millions de dollars y ont été investis au cours de la dernière année. 

« Nous avons agrandi l’usine, en construisant un nouveau bâtiment pour accueillir un nouveau robot d’usinage CNC, une sableuse, d’énormes ponts roulants et beaucoup d’espace pour construire des bâtiments modulaires », résume Olivier Fillion, conseiller en ressources humaines pour Chantier Chibougamau.

Depuis plusieurs années, la filiale Nordic Structure s’est démarquée sur le marché avec ses énormes poutrelles et structures de bois lamellés collées. « Ça fait déjà 12 ans que l’on produit des panneaux de bois CLT (Cross-laminated timber) qui servent dans différents projets de construction en bois massif, dit-il. Depuis quelque temps, on essaie un nouveau concept, c’est-à-dire que l’onconstruit des modules déjà assemblés en usine qu’on livre sur le chantier ». 

Plomberie, électricité, gypse, tout est déjà installé, prêt à la construction. « Les vanités et les cabinets de cuisine sont déjà posés quand ça part de l’usine », soutient Olivier Filion. De tels modules ont d’ailleurs servi à la construction d’un bâtiment de quatre étages avec une vingtaine de logements à Chibougamau. Le tout a été construit en seulement cinq jours! Lors de la visite d’Opérations forestières, un deuxième bâtiment similaire était en construction. Ces projets ont été financés par les fonds publics pour lutter contre la pénurie de logements à Chibougamau.

Selon les promoteurs, ce type de construction fait d’ailleurs partie des solutions pour offrir de nouveaux logements rapidement. L’entreprise y croit tellement qu’elle a même décidé de construire un quartier de 39 maisons modulaires pour loger une partie de la centaine de travailleurs étrangers qui ont intégré les équipes de travail depuis 2019. Une dizaine de maisons sont déjà en place dans le futur quartier et neuf devraient être prêtes d’ici les fêtes. 

Selon Chantiers Chibougamau, il existe une belle occasion d’affaires à saisir avec la construction modulaire, car les besoins de logements sont énormes au Québec. « La demande est forte et on fait nos tests de marché pour voir quelle est la rentabilité », explique Olivier Filion. 

Les dirigeants sont bien conscients que l’approvisionnement de l’usine pourrait être affecté au cours des prochaines années avec les différentes menaces à l’horizon, comme la protection du caribou forestier et l’impact des feux de forêt. « On a tout intérêt à créer de la valeur ajoutée, d’autant plus que les coûts d’approvisionnement explosent », ajoute ce dernier.

Des investissements majeurs
« Innover a toujours fait partie de notre stratégie, note Olivier Filion. On veut toujours être un pas en avant. » Pour arriver à développer la capacité de construction modulaire, Chantiers Chibougamau a investi 20 millions de dollars. 

Un des plus gros morceaux est le robot d’usinage CNC du manufacturier italien SCM. « C’est un robot qui nous permet de travailler sur de plus longues pièces sans les déplacer », explique Olivier Filion. 

Lors de la visite d’Opérations forestières, c’est Adriane Bernardo, un travailleur philippin de 34 ans arrivé à Chibougamau il y a deux ans, qui opérait cette machine spécialisée. « J’étais électromécanicien aux Philippines », dit-il, dans un excellent français. « J’aime beaucoup mon expérience ici. J’apprends tous les jours ». Habitué au milieu rural, il se plaît beaucoup à Chibougamau.

Il faut dire qu’il n’est pas seul, car Chantiers Chibougamau a recruté une centaine de travailleurs philippins depuis mai 2019, en travaillant avec RM Recrutement. Jusqu’à maintenant, la compétence des travailleurs recrutée a toujours été excellente, mais l’enjeu principal est la francisation. Des cours sont offerts aux Philippines dès leur recrutement ainsi qu’au Québec, mais le niveau de réussite est variable d’un individu à l’autre. « C’est très inégal, parce que certains parlent très bien, alors que c’est difficile pour d’autres », remarque Olivier Filion. Et même lorsque les conversations sont fluides, comme ce fut le cas avec Adriane, il n’est pas facile de passer le test de français pour obtenir sa résidence permanente. « On travaille très fort pour les garder ici, ajoute-t-il. Près de la moitié des travailleurs ont pu faire venir leurs familles et on a embauché une dizaine de conjointes. » Pour favoriser leur rétention à long terme, Chantier Chibougamau construit même un quartier de 39 maisons, qui seront louées à un prix raisonnable aux travailleurs philippins. 

Outre le robot d’usinage, les convoyeurs et les équipements de manutention de bois ont été fournis par Jamec, un partenaire de longue date de Chantiers Chibougamau, qui a également investi dans les ponts roulants Premium, une sableuse IMEAS et une emballeuse DO2 de Dolbeau Oxygène.

L’autre volet important de l’investissement a été réalisé en intégrant une solution d’intelligence artificielle de Vooban. « Dès l’étape du sciage, on doit penser aux besoins qu’on a pour les poutrelles en « i »et pour le lamellé-collé, pour le lamellé croisé et pour nos constructions modulaires. Avant, la gestion des inventaires se faisait par notre équipe de travail, mais ça va se faire de plus en plus de façon optimisée et automatisée avec l’intelligence artificielle. Maintenant, tout se parle », explique Olivier Filion.

Le séquençage de chacune des étapes est aussi optimisé, ce qui permet de travailler sur plusieurs projets en même temps, tout en maximisant le taux d’occupation de l’espace de travail. « On est plus efficace et on évite les erreurs », ajoute-t-il.

Maximiser la valeur ajoutée
La création de valeur ajoutée fait partie de l’ADN de Chantier Chibougamau. L’entreprise transforme aujourd’hui 70% de sa production de 2×3 en poutrelle en « i » et cette proportion est en croissance. Par moment, la production de 2×3 de la scierie Landrienne est mise à profit pour ce type de produit.

En tout et partout, Chantiers Chibougamau emploie aujourd’hui près de 1500 personnes, transformant au passage 2,7 millions de mètres cubes de bois pour la production de 600 millions de pmp de bois d’œuvre. Avec l’usine Nordic Kraft, elle produit aussi 300 000 tonnes de pâte kraft et plus de 32 MW d’énergie renouvelable.  


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