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Résidus forestiers: un potentiel élevé pour le gaz naturel renouvelable

17 janvier, 2019  par Guillaume Roy


Selon une étude commandée par Énergir, 66 % du gaz naturel pourrait provenir de sources renouvelables, dont près de 50 % serait issu de résidus forestiers, d’ici 2030. Et c’est au Saguenay–Lac-Saint-Jean que ce potentiel de production est le plus élevé.

En 2030, le potentiel technico-économique de gaz naturel renouvelable (GNR) s’élève à 144 millions de gigajoules (GJ), soit près des deux tiers de la consommation actuelle de gaz naturel au Québec, révèle une étude de WSP, réalisée pour le compte d’Énergir. Remplacer une telle quantité de gaz naturel de source fossile par du GNR permettrait d’éliminer 7,2 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES) annuellement, soit l’équivalent des émissions de 1,5 million de voitures sur les routes.

« Cette étude-là n’est pas une feuille de route et ce n’est pas notre plan d’entreprise pour augmenter la quantité de GNR que l’on distribue, mentionne d’emblée Mathieu Johnson, directeur du développement du gaz naturel renouvelable pour Énergir. Cette étude recense plutôt le potentiel de production GNR au Québec. »

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En ce moment, à peine 1 % du gaz naturel distribué par Énergir provient de sources renouvelables. Ce GNR est produit par des usines de biométhanisation, qui transforme les déchets compostables en méthane. C’est la ville de Saint-Hyacinthe qui est la plus grosse productrice avec un volume de 13 millions de mètres cubes de GNR. Ce gaz renouvelable est identique au gaz de source fossile et il est injecté dans le réseau de distribution d’Énergir. Un système d’audit permet d’assurer aux clients qui achètent du GNR que les quantités obtenues correspondent bien avec les quantités achetées, explique Mathieu Johnson.

Le potentiel de production de GNR au Québec est toutefois de 12 %, car il existe un énorme potentiel de valorisation des déchets compostables et des résidus agricoles. « Il existe plus de 400 sites de production de GNR à partir des résidus agricoles en Europe, mais ce secteur est inexploité au Québec. À court terme, ça représente notre plus gros potentiel de croissance pour le GNR », ajoute-t-il. 

Résidus forestiers

D’ici quelques années, ce sont toutefois les résidus forestiers qui représentent le plus gros potentiel de croissance pour le GNR, car ils pourraient devenir la source d’approvisionnement pour plus de 80 % du GNR en 2030, souligne l’étude. Toutefois, la technologie pour transformer le bois en gaz naturel ne sera mature que dans quelques années.

Alors que les technologies de première génération transforment le bois, grâce à la biométhanisation, avec un taux de conversion de 55 à 60 %, Énergir mise plutôt sur une technologie de deuxième génération, l’hydrogénation pyrocatalytique, développée par l’entreprise britanno-colombienne G4 Insights. « Au lieu de transformer le bois en méthane en deux étapes, nous le faisons en une seule étape, ce qui nous permet d’augmenter le taux de conversion énergétique à 70 % », explique Edson Ng, directeur de G4 Insights. 

Après avoir testé une unité qui est en mesure de transformer 100 kg de biomasse par jour avec Énergir, son entreprise compte maintenant accroître la production, grâce à la construction d’une usine pilote qui en transformera deux tonnes par jour. « Par la suite, on aimerait construire une usine de démonstration », ajoute l’homme qui aimerait la construire au Québec, d’ici deux ou trois ans. 

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UNE OPPORTUNITÉ À SAISIR POUR LE SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN

Avec ses énormes ressources forestières, les plus grandes du Québec, le Saguenay–Lac-Saint-Jean pourrait produire plus du quart du gaz naturel renouvelable (GNR) identifié dans l’étude commandée par Énergir.

« Il y aura beaucoup d’opportunités à saisir dans ce secteur-là, parce qu’il y a beaucoup de résidus à valoriser », soutient Mathieu Johnson, directeur du développement du gaz naturel renouvelable pour Énergir. Ce dernier estime qu’Énergir n’est pas une menace pour les entreprises forestières, car le géant énergétique québécois souhaite plutôt acheter le GNR. « On investit de l’argent au bénéfice du secteur forestier et on recherche des acteurs intéressés à produire du GNR au Québec, précise ce dernier. C’est pourquoi on travaille avec le Conseil de l’industrie forestière du Québec. »

L’entreprise G4 Insights, un partenaire d’Énergir qui développe une technologie de conversion de la biomasse forestière, est pour sa part intéressée à produire le GNR. « Nous voulons travailler avec des partenaires stratégiques pour développer et opérer des usines au Québec », remarque Edson Ng, qui souhaite payer entre 50 et 60 dollars par tonne de biomasse, un prix qu’il estime compétitif sur les marchés. 

Le potentiel identifié dans cette étude tient compte de la quantité de biomasse en forêt et les résidus issus de la transformation du bois disponible qui permettra de vendre le GNR à 15 $ par gigajoules (GJ), tout en assurant une marge de profit. « Dans les faits, on ne sait pas quel sera le prix dans le futur, mais nous on est confortable avec un prix de 15 $, parce que c’est un prix qui est concurrentiel avec les autres alternatives renouvelables », remarque Mathieu Johnson, alors que le prix actuel du GNR se chiffre à 10,56 $/GJ, un prix de vente qui a été déposé à la Régie de l’énergie pour approbation. Si des entreprises sont prêtes à payer plus cher, le potentiel technico-économique sera beaucoup plus élevé. De plus, les subventions actuelles ou futures pour de tels projets et le potentiel de production des nouvelles technologies de troisième génération, dénommé Power-to-Gas, ne sont pas inclus dans l’étude.

À terme, Énergir souhaite distribuer exclusivement du GNR, mais l’entreprise devra procéder par étape. « On a un très grand potentiel au Québec, note Mathieu Johnson, mais pour l’instant, on s’aligne pour atteindre la cible fixée par le gouvernement, soit 5 % d’ici 2025. Par la suite, on va s’ajuster en fonction des succès qu’on va avoir et de la réponse du marché. »

Cette unité de démonstration permet de transformer la biomasse forestière en gaz naturel.Cette unité de démonstration permet de transformer la biomasse forestière en gaz naturel.

GROUPE CNW/GAZ MÉTRO

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PLUS CHER, MAIS EN DEMANDE

Même si le gaz naturel renouvelable (GNR) coûte plus de deux fois plus cher que le gaz naturel issu de sources fossiles, plusieurs clients sont prêts à payer le prix pour réduire leur empreinte carbone.

Au moment d’écrire ces lignes, le GNR se vendait à 10,56 $ par gigajoule (GJ), alors que le gaz naturel de source fossile coûtait 4,53 $/GJ au 1er janvier selon le site d’Énergir. Malgré ce prix, « le défi n’est pas du côté commercialisation », mentionne Sophie Brochu, présidente-directrice générale d’Énergir, qui souhaite mettre à profit son réseau de distribution pour faciliter la vie à ses clients qui souhaitent prendre le virage vert, comme L’Oréal Canada, qui a été le premier client à convertir son approvisionnement en GNR. « Pour nous, c’est plus qu’une priorité, c’est une valeur, soutient Jean Victor Pycke, vice-président industrie chez L’Oréal. On doit être cohérent et ça serait incompatible d’offrir des produits de belle qualité qui détruisent l’environnement. »

« La demande des clients pour le gaz naturel renouvelable est tellement forte que nous n’en avons pas assez pour desservir la clientèle qui souhaite être carboneutre », renchérit Mathieu Johnson, directeur du développement du gaz naturel renouvelable pour Énergir.

Et l’Université Laval fait partie des organisations qui souhaitent réduire son empreinte carbone. En octobre dernier, l’institution d’enseignement a conclu une entente avec Énergir pour l’achat d’un million de mètres cubes de GNR, ce qui représente 8 % de sa consommation de gaz naturel. Et une facture supplémentaire de près de 250 000 $ par année ! « Ces sommes ont été dégagées par d’autres projets réalisés en efficacité énergétique au cours des dernières années, note André Darveau, vice-recteur à l’administration à l’Université Laval. Dans un contexte global d’économie énergie, ce projet devient rentable. »

Selon le biologiste Claude Villeneuve, l’essor du GNR est une excellente nouvelle pour la région, qui pourrait devenir un pôle de production d’énergie renouvelable, « mais cela ne peut pas être intéressant du point de vue économique s’il n’y a pas un prix fort pour les émissions de CO2 dans un marché du carbone », dit-il. En ce moment, le prix de la tonne de carbone s’élève à près de 12 dollars. Pas assez pour rendre le GNR compétitif, selon ce dernier. « En revanche, si le prix du carbone monte à 50 $ ou à 100 $/tonne, l’équation sera différente. »

Au lieu d’importer de l’énergie, le Québec a l’opportunité de produire sa propre énergie renouvelable en générant des retombées localement, remarque Mathieu Johnson. « En plus d’éviter des millions de tonnes de GES, le gaz naturel renouvelable peut être un “game changer” d’un point de vue économique parce que ça produira des effets structurants dans toutes les régions du Québec, dit-il. Au lieu d’exporter des milliards de dollars, on peut investir cet argent-là dans l’économie du Québec. »

La biomasse forestière peut être utilisée sous différentes formes pour réduire l’empreinte carbone, mais Mathieu Johnson estime qu’Énergir détient une longueur d’avance, car le distributeur énergétique détient déjà un réseau de 11 000 km desservant plus de 200 000 clients dans 300 communautés.

« Avec notre réseau, 100 % de la production peut être valorisée parce qu’on est bien positionnés pour mettre en relation les producteurs d’énergie et les consommateurs. »



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