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Lumière sur les entrepreneurs forestiers

Le chercheur Luc Lebel dévoile les résultats du sondage réalisé auprès de 206 entrepreneurs forestiers pour ForêtCompétences.

30 mars, 2023  par Luc Lebel, Dominique Nadeau et Jean-Michel Beaudoin, professeurs à l’Université Laval


En 2021, l’âge moyen de l’entrepreneur forestier s’établit à 47 ans.

On répète souvent que les entrepreneurs forestiers sont le premier maillon de la chaîne de création de valeur des produits forestiers. Qu’ils sont la force motrice derrière tous les travaux en forêt, allant du reboisement, jusqu’au transport des bois récoltés. Cependant, peu d’études portent spécifiquement sur la réalité de l’entrepreneur et de son entreprise. En 2006, le Programme de recherche sur les entrepreneurs forestiers de récolte et de transport (PREFORT) avait réalisé un premier sondage national auquel avaient participé 537 entrepreneurs forestiers réalisant de la récolte, du transport ou de la voirie forestière. Deux ans plus tard, en 2009, 212 de ces mêmes participants avaient rempli un sondage de suivi. La vision des forestiers sur leur environnement de travail était plutôt favorable. Malgré tout, dans le climat de l’époque, 61 % des entrepreneurs n’auraient pas encouragé leur enfant à prendre la relève de l’entreprise. Près de la moitié des répondants (48%) prévoyaient ne plus être entrepreneurs cinq ans plus tard. La fin des années 2000 était un moment de grandes difficultés économiques. Pour la foresterie, on parlait d’une tempête parfaite qui causait une réduction de la demande pour le bois et des prix historiquement bas. Depuis, la demande et les prix ont lentement progressé et ont ensuite atteint des sommets au cours de l’année 2022. C’est donc dans le but de documenter la nouvelle situation des entrepreneurs qu’un sondage a été réalisé lors de l’été et de l’automne 2021. Ce sondage a permis de rejoindre 206 entrepreneurs forestiers œuvrant en récolte, en transport, en voirie et en sylviculture. 

Des entrepreneurs plus jeunes et « bûchant » davantage

En 2021, 37% des dirigeants de PME forestières jugeaient positivement de doubler le volume d’activité.

En 2006, l’entrepreneur moyen avait 49 ans. En 2009, à la suite de nombreux départ, l’âge moyen passait à 54 ans. En 2021, l’âge moyen de l’entrepreneur forestier s’établit à 47 ans. De plus, une plus grande proportion d’entrepreneurs est âgée de moins de 45 ans (48 %) par rapport aux sondages précédents (17 % en 2009; 28 % en 2006). Il y aurait donc eu un rajeunissement marqué de la population des entrepreneurs forestiers . Il est intéressant de constater qu’une proportion importante d’entrepreneurs ne provient pas d’une famille œuvrant en foresterie. En effet, 56% des entrepreneurs en sylviculture et 41 % des entrepreneurs en récolte déclarent être la première génération travaillant en forêt. En plus d’avoir des entrepreneurs plus jeunes, il est positif de voir que des individus ne provenant pas d’une famille d’entrepreneurs souhaitent lancer une PME forestière. 

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Quiconque a côtoyé des entrepreneurs forestiers sait que ce sont des gens hautement motivés prêts à travailler de longues heures. En moyenne, tous secteurs confondus, les entrepreneurs forestiers travaillent 60 heures par semaine. Phénomène intéressant, le nombre de semaines productives par année a augmenté significativement depuis 2009. À l’époque, la médiane se situait à 40 semaines par année, alors qu’elle est maintenant de 45 semaines productives pour les entrepreneurs en récolte et même de 48 semaines pour les entrepreneurs en voirie et en transport. Cela n’inclut pas les semaines d’arrêts obligatoires ni les semaines dédiées à l’entretien. L’entrepreneur forestier travaille donc autant d’heures par semaine que dans le passé, mais plus longtemps durant l’année. L’allongement de la saison ne se traduit pas nécessairement par une augmentation de la marge bénéficiaire. En effet, 31 % des répondants rapportaient une augmentation de leur marge bénéficiaire au cours des cinq dernières années, tandis que 26 % notaient une diminution de celle-ci. Pour 44 % des répondants, la marge bénéficiaire était restée stable.

Stratégies et enjeux des entrepreneurs

Pour 68 % des entrepreneurs forestiers, l’incapacité de trouver des opérateurs qualifiés est un obstacle très ou extrêmement important au développement de l’entreprise.

Malgré une charge de travail importante, les dirigeants de PME forestières semblent positifs quant à leur avenir : 67% se voient œuvrer dans le secteur forestier dans cinq ans. Ce résultat peut résulter de l’âge actuel des entrepreneurs ainsi que d’une lecture plus favorable de l’environnement d’affaires. Il faut se rappeler que cette proportion était passée de 68% en 2006 à seulement 48% en 2009. L’entrepreneur forestier actuel voit aussi la croissance de son entreprise comme une éventualité positive. En 2021, 37% des dirigeants de PME forestières jugeaient positivement de doubler le volume d’activité. Cette proportion était de 35% en 2009. Encore plus marquant est le fait que 34 % des entrepreneurs sondés en 2021 rapportaient vouloir élargir la taille de leur entreprise, contre seulement 14 % en 2009. La diversification fait aussi partie des aspirations de ces entrepreneurs. En 2009, 25% des entrepreneurs rapportaient vouloir réaliser une diversification dans le milieu forestier et 22 % voulaient se diversifier à l’extérieur de la foresterie. En 2021, ces deux proportions s’élèvent à 28% et 25%, respectivement. 

Cependant, tout n’est pas rose en forêt. La foresterie n’échappe pas à la pénurie de main-d’œuvre. Pour 68 % des entrepreneurs forestiers, l’incapacité de trouver des opérateurs qualifiés est un obstacle très ou extrêmement important au développement de l’entreprise. C’est d’ailleurs le facteur qui est le plus souvent mentionné comme frein au développement de l’entreprise. Le second facteur négatif le plus fréquent identifié est l’avenir incertain de l’exploitation forestière (40 %), suivi du risque associé aux nouveaux investissements (37 %). En lien avec la pénurie de main-d’œuvre, il est notable que la très grande majorité des répondants rapportent n’avoir aucun employé autochtone (95 %) ou immigrant (97 %). Par ailleurs, 67 % des entrepreneurs forestiers démontrent de l’intérêt pour des formations traitant des collaborations et des partenariats avec les Premières Nations. Sans vouloir minimiser les obstacles liés au recrutement dans ces populations de travailleur, notamment l’éloignement et le peu d’expérience en opération de machinerie, il semble pertinent de soutenir des initiatives de formation ciblée.  

L’entrepreneur et son client

: Les entrepreneurs forestiers se déclarent généralement satisfaits de leur relation avec le donneur d’ouvrage.

Les entrepreneurs forestiers se déclarent généralement satisfaits de leur relation avec le donneur d’ouvrage. Le taux de satisfaction est d’ailleurs plus élevé en 2021 (78%) qu’en 2009 (63%). Lors de groupes de discussion réalisés avec des entrepreneurs forestiers à l’été 2022, plusieurs mentionnaient que cette satisfaction découle d’une communication efficace et d’une réactivité face aux problèmes opérationnels ou administratifs que peuvent éprouver les entrepreneurs. La qualité des infrastructures (camps, chemin) et la compétence des superviseurs de première ligne ont également été mentionnées.

Le sondage sur les entrepreneurs forestiers comportait plus de 60 questions et visait les entreprises actives en travaux non commerciaux, en récolte, en transport et en voirie. Des analyses plus approfondies permettront d’identifier les différences pouvant exister entre ces groupes. De même, des facteurs comme l’âge, le type de donneur d’ouvrage, la région ou le fait de travailler en forêt privée ou publique seront explorés.

Tout est bien ?
À la lumière des résultats du sondage 2021, la population des entrepreneurs forestiers semble en meilleure posture qu’elle ne l’était il y a 15 ans. Il y a eu un rajeunissement de la population et elle est plus favorable au développement de leurs activités. En revanche, la pénurie de main-d’œuvre est à un niveau critique. Réaliser la croissance désirée nécessite d’attirer et de former de nouveaux employés. Enfin, il faut reconnaître que le secteur forestier subit régulièrement de grandes perturbations. Les conditions de 2022, au moment où l’inflation atteignait des sommets, peuvent déjà amener des changements dans la situation des entrepreneurs. Il est donc important de rester à l’écoute des entrepreneurs et de ne jamais tenir pour acquises les conditions de leurs réussites ou les causes de leurs difficultés.


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