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Feux de forêt : 50 M$ de prêts inutiles pour plusieurs forestiers

12 juillet, 2023  par Guillaume Roy. Initiative de journalisme local



Pour plusieurs forestiers, le programme de prêts de 50 millions de dollars annoncé pour venir en aide aux entreprises touchées par les feux de forêt sera inutile. Des mesures rapides et des subventions pour la main-d’œuvre, similaires à celles offertes pendant la pandémie, auraient été préférables.

Le 5 juillet, le gouvernement du Québec a fait l’annonce d’une aide de 50 millions de dollars pour les entreprises touchées par les feux de forêt, sous la forme de prêts ou de garanties de prêts. Ce type d’aide est froidement accueilli par l’industrie forestière.

« Ça ne répond pas du tout à mes besoins en tant qu’entrepreneur général ni aux besoins des entreprises qui travaillent pour la coopérative, lance d’emblée Stéphane Gagnon, le directeur général de la Coopérative forestière de Girardville, qui travaille avec une quarantaine d’entreprises forestières. Dès que j’ai vu que le programme offrait seulement des prêts, j’ai laissé tomber, parce qu’on ne perdra pas de temps à remplir de la paperasse pour obtenir un prêt en septembre ou en octobre, alors que j’ai besoin d’argent la semaine prochaine pour payer mon monde. Rendues à l’automne, les entreprises auront peut-être déjà fermé ».


Ce dernier souligne qu’il peut déjà obtenir des prêts à 4,75 %, comme ceux offerts par Québec, auprès des institutions financières avec qui il fait affaire. De plus, le programme d’aide de Québec ne propose rien pour aider les emplois, ajoute-t-il.

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Fabien Simard, le directeur général de l’Association des entrepreneurs en travaux sylvicoles du Québec (AETSQ), abonde dans le même sens. « Il n’y a aucune aide pour nous », dit-il. Bien qu’il voie la bonne intention de Québec, la mesure est mal ciblée pour répondre aux besoins réels des entreprises.

« On demandait un programme d’aide rapide, simple, léger, qui amène des liquidités aux entreprises, mais on ne nous offre rien de simple, avec les entreprises qui peuvent espérer avoir de l’argent en septembre ou octobre dans les meilleurs délais », ajoute Fabien Simard. Le programme exigera par ailleurs de présenter des vérifications comptables, ce qui alourdira la tâche des forestiers qui sont déjà surmenés alors qu’ils reprennent le travail en forêt. « Les entreprises avaient besoin de liquidités maintenant pour repartir la saison », dit-il.

Martin Bouchard, le porte-parole de l’Association des entrepreneurs forestiers du Québec, estime pour sa part que le programme pourra répondre aux besoins de certaines entreprises, alors que plusieurs sont laissées de côté. « Je crois qu’il faudra étendre les formes d’aides pour couvrir les différents besoins des entreprises », dit-il.


Par exemple, le gouvernement a fixé des conditions pour obtenir un prêt ou une garantie de prêt, dont celle d’avoir « une impossibilité de livrer 50 % des produits sur une période de quatre semaines consécutives ».

Le Groupe Forestra, qui récolte 400000 mètres cubes de bois par année, se retrouve en deçà de ce seuil. « L’aide n’est pas applicable pour nous, parce qu’on a été arrêté juste deux semaines », remarque le directeur général Claude Dupuis, du Groupe Forestra. Selon ce dernier, les prêts ne seraient d’aucune utilité de toute façon.

Le Groupe Forestra sera en mesure d’absorber les pertes de revenus pendant les deux semaines d’inactivité, mais d’autres entreprises de plus petite taille seront beaucoup plus fragilisées, estime ce dernier.

Frédéric Verreault, le directeur exécutif de Chantiers Chibougamau, estime que tous les outils financiers seront utiles pour aider les entreprises forestières pour qui l’arrêt de travail a eu des conséquences catastrophiques.

Étant donné que l’usine de Chibougamau a arrêté ses opérations seulement une semaine, elle ne nécessitera pas d’aide gouvernementale, note ce dernier. En ce qui a trait à l’usine de pâte de Lebel-sur-Quévillon, le programme est mal adapté à la réalité d’une usine d’une telle ampleur, car l’aide maximale est d’un million de dollars. « On veut prendre le temps de bien analyser la situation pour savoir à quelle porte frapper », note Frédéric Verreault.

Selon Stéphane Gagnon, des mesures d’aides similaires à celles offertes pendant la pandémie auraient été plus utiles pour assurer la survie des entreprises forestières. Bien que les programmes d’aide étaient imparfaits, ils ont permis de garder les entreprises en vie. « Les aides ont permis de passer à travers la pandémie sans trop de difficultés, même si ça n’a pas tout couvert », dit-il, ajoutant qu’il ne demande pas la charité, mais seulement de l’aide rapide et concrète pour assurer la survie de la coopérative et des entreprises avec qui il travaille.

Il est important de noter que les subventions directes aux entreprises, dont la subvention salariale, pendant la pandémie ont été offertes par le gouvernement fédéral, alors que Québec a plutôt offert des prêts.

De l’aide rapide et efficace en sylviculture

Alors que l’aide à toutes les entreprises touchées par les feux est accueillie froidement, l’aide particulière aux entreprises sylvicoles, annoncée le 4 juillet, est bien accueillie.

Par exemple, une avance de 25 % de la valeur des contrats de reboisement et de débroussaillage a été offerte aux entreprises. « Rexforêt nous a envoyé une lettre avec la marche à suivre indiquant le montant auquel on avait droit », explique Stéphane Gagnon, qui réalise aussi des travaux sylvicoles en plus des activités de récolte.

Fabien Simard se réjouit aussi de cette annonce, soulignant que les pénalités ne s’appliqueront pas si les travaux ne peuvent être réalisés, car les feux ont amputé une grande partie de la saison. « C’est un pas dans la bonne direction », dit-il, espérant que d’autres programmes d’aide spécifiques du même genre verront le jour pour aider d’autres secteurs forestiers.


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