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Enjeu du caribou, une solution pérenne en 2023?

Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps, en cette nouvelle année 2023, pour que la question du caribou forestier reprenne là où elle en était en 2022.

16 mars, 2023  par Michel Paradis, conseiller stratège et médiateur en matière civile et commerciale, anciennement conseillé spécial du ministre responsable de la Forêt, de la Faune et des Parcs.


L’auteur a occupé les fonctions de conseiller spécial et de directeur aux politiques au sein des gouvernements du Canada et du Québec, notamment au sein du cabinet du ministre responsable de la Forêt, de la Faune et des Parcs.

Le 17 janvier dernier, La Presse publiait sous la plume de Jean-Thomas Léveillé un article précisant que « Le gouvernement québécois doit urgemment protéger l’habitat du caribou, réitère un expert dans la foulée de la publication de nouvelles données alarmantes sur différentes populations de ce grand cervidé. » » (Nouveaux inventaires de caribous | Québec doit « protéger l’habitat » de l’espèce | La Presse)

L’article faisait mention des derniers inventaires relatifs non seulement à des hardes de caribous localisées en Gaspésie, mais à deux autres présentes dans le Nord-du-Québec ainsi que sur la Côte-Nord et au Saguenay–Lac-Saint-Jean. À la lecture de l’article, on y retrouve de nouveau cette exigence d’un moratoire sur la coupe forestière dans les secteurs qui restent afin de protéger l’habitat du caribou, c’est-à-dire, les grands massifs de forêts matures, qui constituent l’habitat essentiel de ce grand cervidé comme le suggère la Commission.

Par ailleurs, il demeure surprenant qu’une fois de plus on ne fasse pas mention de l’enjeu des impacts des changements climatiques, question pour laquelle aucune instance gouvernementale ne peut prétendre « contrôler » les effets, mais uniquement de s’y adapter. 

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Pourtant, un article fort intéressant d’Alexandre Shields ans Le Devoir du 17 septembre 2022, suivant son passage au Parc National des Pingualuit, exposait l’impact des changements climatiques sur, cette fois-ci, le caribou migrateur. 

Comme il était mentionné dans cet article « (…) Selon le chapitre portant sur le Québec du rapport fédéral « sur les perspectives régionales » en matière de bouleversements climatiques, publié au mois d’août, le réchauffement très rapide des régions nordiques menace directement l’espèce.        « La hausse des températures a contribué à la survie des prédateurs, à la propagation des maladies, à l’instabilité de la glace ainsi qu’à la diminution des lichens. Ces impacts semblent modifier les tendances migratoires saisonnières des troupeaux et accentuer la contraction de leur aire de répartition vers le nord », soulignent les scientifiques qui ont rédigé le document. »

Sur la base de ce qui précède, prétendre que le seul rétablissement de l’habitat corrigera la situation semble perdre un peu de son lustre. Si le rétablissement avait pour effet de freiner les impacts des prédateurs et autres activités sur l’espèce, elle subirait indéniablement les contrecoups des impacts des changements climatiques.

C’est dans ce contexte que les questions de la préservation de l’espèce et celle des activités forestières dans nos régions deviennent si sensibles. De surcroît, nous ne pouvons occulter l’apport bénéfique de nos forêts dans ce combat contre les changements climatiques. En bref, ce qui semble évident ne l’est pas totalement.

Aménagement forestier « climatiquement responsable »
Il semble bien que l’exploitation forestière ait été portée au rang de la raison première pouvant contribuer aux effets négatifs sur l’espèce. En revanche, elle n’est pas la seule. Vouloir uniquement s’y limiter est un chemin un peu court.

Si la question des impacts des changements climatiques était absente, la proposition de mettre en place un moratoire sur les coupes forestières pourrait être une avenue si on faisait volontairement abstraction des conséquences dans les régions concernées sur le plan social et économique.  À sa face même, il m’apparait inconcevable d’agir de la sorte. De surcroît, il semble bien qu’il est démontré qu’un aménagement forestier responsable est ce qui est priorisé afin que la forêt puisse jouer pleinement son rôle dans le combat titanesque contre les changements climatiques et, par conséquent, la préservation de l’espèce (caribou).

Ne serait-ce que pour les raisons qui précèdent, il semble préférable de nous questionner sur l’à-propos de cette seule option qui est proposée comme piste de solution. La forêt et son aménagement font maintenant partie des dispositifs pour combattre ou du moins ralentir les effets des changements climatiques, non seulement pour les hardes actuellement présentes sur le territoire, mais pour l’ensemble de nos écosystèmes et la préservation de leur biodiversité.

Ce qui suit vous est fort probablement connu, mais il importe de nous rappeler que   : 

Les forêts séquestrent et stockent le carbone (temporairement) dans les arbres, le sol et la matière organique. De plus, les produits du bois récoltés stockent également le carbone. En effet, un arbre ne relâche pas de carbone avant son dernier souffle. Ce n’est que lorsqu’il brûle dans un incendie ou se décompose qu’il libère du CO2 dans l’atmosphère. Et s’il est coupé et transformé en planches? Il emprisonne alors son carbone plus longtemps que les autres arbres livrés à eux-mêmes dans la forêt.

Autrement dit, quand on utilise le bois comme matériau (notamment dans la construction), on prolonge sa durée de rétention du CO2.

Les forêts plus âgées renferment plus de carbone total, mais le rythme de séquestration est lent et compensé par le carbone libéré par des arbres qui meurent et se décomposent. Les jeunes forêts retiennent moins de carbone total, mais séquestrent le carbone à un rythme plus élevé que les forêts plus âgées.

Les forêts émettent également du carbone durant les perturbations naturelles comme des feux, des insectes, des maladies et le vent.

Nous pouvons donc retenir qu’à la fois les produits du bois récoltés (dont l’introduction plus poussée du bois dans la construction) ainsi que les jeunes forêts sont aussi contributifs (par la régénération), voire nécessaires au combat contre les changements climatiques.

Dans ce contexte, les seules demandes de moratoires de récoltes et leurs impacts dans les régions sont-ils à propos? Des approches mieux adaptées peuvent-elles être discutées? La question mérite d’être posée.

Est-ce qu’un aménagement plus intensif sur un territoire plus restreint est une option qui pourrait être analysée alors que l’objectif d’atteindre 30% d’aires protégées a été publiquement annoncé ?

Aménagement forestier et préservation de l’espèce (caribou)
Force est d’admettre qu’en ce moment, il semble y avoir cette polarisation des positions, ce qui est fort dommage. Somme toute, outre le caribou (j’aurais aussi pu aborder avec le même angle la question des aires protégées à venir), il y a aussi l’enjeu des impacts des décisions à prendre qui toucheront des centaines de personnes qui travaillent dans nos régions forestières.

Sur ce point, cette réalité semble avoir laissé place à la seule importance de préserver l’espèce. Pour en faire foi, les pistes de solutions émises semblent se limiter à des compensations financières aux entreprises qui subiraient des pertes, c’est du moins ce qui semble être véhiculé, sauf erreur, ou encore l’implantation d’un grand chantier de transition économique.  

D’autres parlent de réaménagement forestier (c.-à-d. une restauration du territoire),  mais on peut lire que « (…) le réaménagement du territoire n’est pas une solution à long terme pour empêcher la diminution de la population de caribous des bois et doit être accompagné d’autres mesures. » Ce commentaire concernant l’Alberta peut fort probablement s’appliquer au contexte québécois.

En revanche et je me répète, s’attarde-t-on aux impacts socioéconomiques chez les personnes travaillant depuis des générations dans le secteur forestier tout comme nos entreprises implantées dans nos régions qui contribuent à la vitalité des communautés?  

Par exemple, si nous parlons de transition économique comme choix à prendre, il demeure difficile de mesurer tous les enjeux qui devront être pris en compte. Si, en théorie, cette approche n’est pas à être mise de côté, au contraire, et est une voie à  explorer, son application représente un défi majeur, à savoir, ne pas oublier quiconque dans cette démarche et sa durée dans le temps. 

Ou encore, est-ce qu’un aménagement plus intensif sur un territoire plus restreint est une option qui pourrait être analysée alors que l’objectif d’atteindre 30% d’aires protégées a été publiquement annoncé (aires qui auront pour effet de protéger davantage l’espèce)? La question mérite aussi d’être posée.

Est-ce que d’autres avenues doivent être explorées? Si la question des personnes touchées par des décisions à venir revêt une importance, la réponse est assurément «oui». Nous avons donc tout intérêt à avoir une vision en hauteur et à long terme.

Bref, un dialogue plus fécond semble nécessaire entre et avec tous les intervenants (table ronde au lieu des seules consultations?) alors que personne ne conteste le fait qu’il y aura des impacts dans les régions concernées. 

Espoir en 2023
Il a été mentionné au grand public que juin 2023 serait le moment du dévoilement d’une stratégie (caribou). Je nous souhaite une approche qui embrassera plus globalement le sujet en tenant compte de ce qui est objectivement possible. D’autres variables telles que les changements climatiques (l’hiver actuel en est un bel exemple) ne peuvent être exclues tout comme le rôle de la forêt et de l’aménagement forestier comme moyens permettant de combattre les changements climatiques. 

Sur ce point, le secteur forestier est un acteur de premier plan et à titre de référence, Groupe Boisaco, groupe d’entreprises en propriété collective fortement enracinée dans son milieu, a démontré que les intervenants du secteur doivent être considérés comme des partenaires et non des adversaires.

De plus, la santé sur le plan social et économique au sein des communautés de nos régions forestières demeure et demeurera sensible. Rappelons-nous que « Le secteur forestier est actif dans plus de 900 municipalités, soit environ 83 % des municipalités du Québec, et y génère des retombées économiques importantes». On ne peut donc pas ignorer tout cet écosystème qui assure cette présence sur tout le territoire du Québec.

Finalement, souhaitons-nous de l’écoute afin que le bon sens ait voix au chapitre. 


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