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Développer la biomasse de manière exemplaire

Le Québec a le potentiel de développer une filière d'exploitation de la biomasse forestière exemplaire. D'ici 2025, 4000 GWh d'énergie renouvelable pourrait remplacer l'utilisation de combustibles fossiles et ainsi éviter l'émission d'un million de tonnes de CO2.

13 mars, 2015  par Guillaume Roy


Le Québec a le potentiel de développer une filière d’exploitation de la biomasse forestière exemplaire. D’ici 2025, 4000 GWh d’énergie renouvelable pourrait remplacer l’utilisation de combustibles fossiles et ainsi éviter l’émission d’un million de tonnes de CO2.

Après une sortie-choc de Greenpeace l’an dernier dénonçant la biomascarade, un regroupement d’industriels, de coopératives, du milieu municipal, d’organismes environnementaux, sociaux et de recherche s’unissent pour faire la promotion de la Vision Biomasse Québec.

Non seulement l’organisation environnementale Nature Québec fait elle partie du regroupement, mais c’est un des leaders et porte-parole du regroupement. « La biomasse fait partie du portefeuille des énergies renouvelables au Québec. Pour remplacer les produits pétroliers, sources d’énergie polluantes, dans des circuits courts, c’est une excellente solution pour en créer des emplois en région », lance Christian Simard, directeur général de Nature Québec.

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Selon l’autre porte-parole du regroupement, Eugène Gagné, directeur adjoint et du développement pour la Fédération québécoise des coopératives forestières, « Greenpeace a dénoncé des situations extrêmes d’utilisation et de récolte de la biomasse. Ce n’est pas de ça que l’on parle. » L’utilisation de la biomasse pour la création de chaleur dans des projets locaux est justement une des manières optimales d’utiliser la biomasse selon Greenpeace.

« Pour réussir à percer, la filière biomasse doit répondre au plus hauts standards environnementaux de récolte et d’utilisation », croit Christian Simard. Pour bâtir des projets exemplaires et s’assurer une forte acceptabilité sociale, la Vision Biomasse Québec met l’emphase sur les projets qui ont une portée environnementale intéressante. Au niveau de la récolte, des seuils de prélèvement ont été fixés (selon les types de sols et de peuplements). De plus, l’accent doit être mis sur l’utilisation des résidus de coupe et sur le bois post-consommation. Oubliez donc la récolte d’arbres verts pour les transformer en biomasse.

Selon Nature Québec, l’exportation massive de biomasse et la production d’électricité à partir de la biomasse ne sont pas des options intéressantes d’un point de vue environnemental. Mieux vaut se concentrer sur la substitution d’énergie polluante et non compétitive.

D’ailleurs, le potentiel d’utilisation de la biomasse est énorme en tenant seulement compte de la capacité de substituer cette source d’énergie au propane et au mazout (lourd et léger). Au Québec, le potentiel total de substitution énergétique dans les bâtiments commerciaux, institutionnels et industriels s’élève à 11 848 GWh, alors que l’offre de biomasse forestière résiduelle s’élève à 21 456 GWh (4,29 Mtma), selon une étude réalisée par Écoressources pour le compte de la FQCF.

En se concentrant sur la substitution de ces deux sources d’énergies non renouvelables, le Québec a le potentiel de produire 4000 GWh d’énergie renouvelable d’ici 2025. Dans le secteur industriel, la vision à comme objectif de faire passer la consommation de biomasse de 9750 GWh à 12 750 GWh, une augmentation de 19,5% à 25,5% de la consommation totale d’énergie excluant l’électricité. D’importants gains peuvent également être réalisés dans le secteur institutionnel et commercial, où la consommation pourrait décupler, passant de 150 GWh actuellement à 1150 GWh en 2025. Si ces chiffres sont atteints, la biomasse occupera alors 9,9% de l’assiette énergétique du secteur institutionnel et commercial.

Des arguments qui parlent !
Les arguments pour faciliter ces substitutions sont nombreux. D’une part, les énergies fossiles comme le mazout léger (30,52 $/GJ), le mazout lourd (17,63 $/GJ) et le propane (31,01 $/GJ) coutent beaucoup plus cher que les plaquettes (8,76 $/GJ) et les granules de bois (12,83 $/GJ) (NDLR : ces prix datent de 2010). De plus, les prévisions laissent croire que ces écarts s’accroitront avec le temps

Au lieu d’importer des ressources non renouvelables et générer une balance commerciale déficitaire, le Québec pourrait produire de l’énergie renouvelable en créer une industrie locale de production de chaleur à partir de la biomasse forestière résiduelle. Une conversion de 4000 GWh permettrait d’améliorer la balance commerciale du Québec à la hauteur de 225 M$ et d’éviter l’émission de 1M de tonnes de CO2. De plus, ces projets de valorisation de la biomasse permettraient de créer 12 500 emplois pendant la phase de construction et de générer 3600 emplois récurrents.

Des retombées pour les régions
Dans une perspective de développement durable, l’utilisation de la biomasse forestière à des fins énergétiques a une longueur d’avance, car cette énergie renouvelable permet de créer beaucoup plus d’emplois que toute autre forme d’énergie. « L’utilisation de la biomasse apporte des retombées sociales, économiques et environnementales importantes. Pour une petite communauté forestière, cette filière peut créer plusieurs emplois et générer d’importants bénéfices économiques », explique Eugène Gagné.

C’est dans les régions du Québec que le développement de la filière biomasse suscite le plus d’intérêt. Et c’est pour cette raison que plusieurs partenaires du milieu municipal sont signataires de la Vision Biomasse Québec. « C’est une belle avenue à favoriser pour les municipalités, car ça permet une utilisation maximale de la ressource », souligne Dany Rousseau, de la Fédération québécoise des municipalités (FQM).

La Coop fédérée, qui représente plus de 100 000 membres, s’intéresse à la biomasse depuis 2008. « On a étudié différentes filières énergétiques et on est venu à la conclusion que l’utilisation de la biomasse forestière résiduelle pour la production de chaleur est la solution à privilégier. Dans un contexte de développement durable, c’est une source énergie renouvelable qui crée le plus de valeur », mentionne Cyril Néron, directeur du Service innovation et croissance de La Coop fédérée. La filiale énergétique de la Coop fédérée, Sonic, souhaite également profiter des opportunités liées au développement de la filière biomasse.

Même si la production de biomasse en forêt privée est marginale pour l’instant, la Fédération des producteurs de forêt privée du Québec (FPFQ) soutient la Vision Biomasse Québec. « Les producteurs forestiers sont toujours partenaires dans le développement et l’utilisation des produits du bois. La filière biomasse commence à prendre son envol et ça peut devenir une avenue intéressante pour les producteurs en forêt privée », atteste Marc-André Rhéaume, ingénieur forestier à la FPFQ.

La Vision Biomasse Québec rallie plusieurs acteurs importants du milieu industriel, forestier et environnemental. Le soutien de l’organisme environnemental Nature Québec ajoute de la crédibilité à la valeur environnementale de la filière. « On veut travailler en amont pour s’assurer que la production de chaleur à partir de la biomasse forestière devienne une filière exemplaire », explique Amélie St-Laurent Samuel, chargée de projet Biomasse. « Nous avons réussi à rallier un grand nombre d’organisations autour de notre vision. Ça démontre la forte acceptabilité sociale qui se dégage de cette initiative », ajoute Eugène Gagné.

Atteindre la masse critique
Alors que le coût de consommation de la biomasse est très compétitif comparativement au prix du mazout ou du propane, les investissements initiaux nécessaires pour l’installation de chaudières nuit au développement de la filière. C’est la raison pour laquelle le gouvernement doit lancer un message clair pour soutenir son développement, estime Eugène Gagné. « Le gouvernement est un grand consommateur énergétique institutionnel. Il doit faire partie prenante de la filière pour y donner de la crédibilité et permettre d’atteindre une masse critique suffisante à son développement », dit-il.

Dans certaines régions du Québec, les volumes sont trop petits pour préparer et conditionner adéquatement le combustible nécessaire. « Un projet d’envergure, comme la conversion de l’hôpital d’Amqui qui nécessitait un volume 1500 tonnes en partant, a permis de créer une masse critique dans ce secteur. Par la suite, plusieurs petits projets se sont ajoutés et l’expertise s’est développée », commente M. Gagné.

Pour obtenir des performances et les bénéfices économiques et environnementaux maximaux, la biomasse doit être préparée adéquatement par des entreprises spécialisées dans la préparation du combustible. L’atteinte d’une masse critique d’utilisation permet aussi de développer une expertise qualifiée.

Le programme de biomasse forestière résiduelle relancé par Québec en 2013 et qui aide les entreprises ou les institutions à convertir leurs systèmes est un excellent outil pour développer une masse critique d’utilisateurs. « Le contexte actuel est très positif, estime Eugène Gagné. Dans le dernier budget, le gouvernement a annoncé mise en place d’un fonds investissement de 20 M$ pour réaliser projets clés en main. » Ces investissements permettront d’investir dans des chaufferies et vendre de l’énergie aux clients au lieu de la biomasse. « En contrôlant tous les aspects de production de la chaine, ces projets performants qui donneront de la crédibilité à la filière », ajoute ce dernier.

Toutefois, la production de chaleur avec de la biomasse ne fait pas partie du plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques. Avec un budget de 2 milliards de dollars attaché à ce plan, d’importantes sommes seraient disponibles pour aider au développement de la biomasse forestière.

Liste des partenaires de la Vision Biomasse Québec
Le Bureau de promotion des produits du Québec (QWEB), la Fédération québécoise des coopératives forestières, l’Union des municipalités du Québec, la Coop fédérée, l’Association des centres locaux de développement du Québec, Nature Québec, le Regroupement des conseils régionaux de l’environnement du Québec, la Fédération des producteurs forestiers du Québec, Fondaction, Solidarité Rurale du Québec, la Fédération québécoise des municipalités, L’Union des producteurs agricoles, Sonic et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.


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