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Sur la ligne de feu

Des dizaines de forestiers ont travaillé d’arrache-pied pour aménager des coupe-feux le printemps dernier pour protéger les communautés.

6 septembre, 2023  par Guillaume Roy


37 kilomètres de coupe-feu ont été aménagés dans le secteur de Chibougamau en juin dernier. PHOTOS: Chantiers Chibougamau

Les feux ont menacé plusieurs communautés ce printemps, notamment à Chibougamau, à Chapais, Lebel-sur-Quévillon, Oujé-Bougoumou et à Mistissini. Pour protéger les villages et les infrastructures, la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a demandé l’aide des forestiers lorsque les flammes se sont approchées à une vingtaine de kilomètres de Chibougamau en juin dernier. 

« Nous avons coordonné les travaux avec Chantiers Chibougamau et Barrette-Chapais pour aménager des lignes mécanisées », explique Frédéric André, le directeur régional par intérim région centre pour la SOPFEU. Le terme ligne mécanisée fait référence à une zone tampon de 40 mètres, aussi appelé coupe-feux, où les arbres sont récoltés pour éviter la propagation du feu. 

Les lignes mécanisées sont parfois utilisées en forêt, comme moyen d’appui à d’autres techniques de combat, afin de ceinturer le feu, poursuit-il, mais c’est plus rarement utilisé près des villes, comme ce fut le cas cette année.

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Selon Frédéric André, ce type d’aménagement est une mesure de la dernière chance, car elle permet de sauver seulement une partie des infrastructures. « Selon les expériences passées avec les gros feux ailleurs dans le monde, on estime que ça permet de sauver 30% des maisons », souligne l’homme qui a travaillé sur les feux de forêt historiques en Australie en 2019 et 2020 et en Colombie-Britannique. Par exemple, les vents forts et les tisons peuvent permettre de sauter l’espace coupe-feu.

Il n’existe pas de distance définie pour aménager un coupe-feu, car chaque feu est différent. « Un feu a franchi 50 km en 24 heures à la Baie-James cette année », lance-t-il en exemple, ajoutant que les travailleurs doivent avoir du temps devant eux pour faire le boulot. 

À Chibougamau, les travaux pour aménager les espaces tampons ont été réalisés lorsque le feu se trouvait à une vingtaine kilomètres de la communauté et des infrastructures. 

« Nos équipes se sont consacrées à répondre aux besoins de la SOPFEU du 31 mai au 10 juin », soutient Frédéric Verreault, le directeur exécutif, développement corporatif, pour Chantiers Chibougamau. Pendant 11 jours, la machinerie a réalisé plus de 3000 heures de travail pour aménager 37 km de coupe-feu, à raison d’environ 3,4 km par jour.  

« L’intensité et l’efficacité du travail sont le reflet de l’énergie avec laquelle travaillent nos équipes à l’année, mais, dans le cadre de cette opération d’aide aux besoins de la SOPFEU, il y avait une grosse coche d’investissement supplémentaire qui résulte de l’attachement profond de toute notre gang pour la forêt », remarque Frédéric Verreault. 

Un travail valorisant

Martin Paquet était heureux de participer aux efforts pour importants pour limiter les dégâts des feux de forêt.

Martin Paquet, le propriétaire de Forestiers MF Paquet, a été appelé sur la ligne de feu par Chantiers Chibougamau. Pour l’occasion, ce dernier a mobilisé une abatteuse de bois long, une Tigercat X870D, et une débusqueuse à grappin Tigercat 635E.

« On devait bûcher des bandes de 40 mètres de large, explique Martin Paquet. Après avoir transporté les billes, les pelles et les tracteurs de voirie passaient pour enlever toute la mousse, afin d’éviter que le feu prenne ».

Pendant plusieurs jours, le feu a continué de menacer Chibougamau, car il n’aurait suffi que le vent souffle dans la mauvaise direction pour que le feu ne gagne plusieurs kilomètres vers le village.

Le forestier était bien heureux de pouvoir apporter son aide pendant cette période critique. « C’est valorisant d’avoir pu aider », dit-il. 

Au lieu d’arrêter complètement les opérations, il a pu travailler, sur appel, avec deux autres opérateurs. Plusieurs entrepreneurs forestiers se sont plaints de ne pas pouvoir aider pendant le mois de juin, alors que plusieurs unités d’aménagement étaient fermées. « Les forestiers connaissent tous les chemins et les secteurs en forêt, remarque le forestier. On devrait s’en servir plus de leurs connaissances pour lutter contre les feux ». Pour faire travailler la main-d’œuvre forestière, et pour éviter de la perdre, des intervenants ont même suggéré d’offrir des formations de combattant contre le feu.

D’un point de vue financier, ce travail a permis de faire rentrer un peu d’argent, mais trop peu pour payer tous les frais fixes et pour rembourser les termes. « Toutes les opérations ont arrêté deux jours à peine après qu’on ait recommencé à bûcher, après l’arrêt printanier », remarque Martin Paquet, qui compte 11 employés.

Selon les données récoltées par l’Association québécoise des entrepreneurs forestiers (AQEF), les entrepreneurs forestiers ont perdu en moyenne 70 500 dollars de revenus pendant les feux de forêt en 2023. Certains ont perdu des machines dans les feux, ou des employés qui se sont trouvé un autre emploi.

Retour à la normale

Martin Paquet et son équipe ont commencé à récolter le bois brûlé rapidement, car certains secteurs étaient déjà prévu au plan de récolte.

C’est au début du mois de juillet que Martin Paquet a pu reprendre ses opérations normales de récolte de bois en longueur pour Chantier Chibougamau. Le forestier explique pourquoi il s’est converti à la récolte du bois long. « C’était un grand défi de logistique pour moi que j’étais prêt à relever, dit-il. Il y a plus de machinerie à suivre mécaniquement, mais aussi sur le terrain, pour mettre chaque machine a la bonne place afin être plus efficace et plus rentable. »

Dans son cas, il opère avec un total de six machines en opération, soit deux abatteuses (Tigercat  X870D, Trans-Gesco TG 88D), un débardeur à grappin (Tigercat 635E), trois ébrancheuses (Caterpillar 538, Caterpillar 320D, Hitachi ZX240), en plus de trois autres machines de rechange (Tigercat 870C, Trangesco TG88D et ébrancheuse John Deere 2554).

Ce dernier préfère aussi le résultat après la coupe de bois en longueur. « J’ai toujours remarqué que dans les blocs de bois court, les branches qui restent sur le sol n’aident pas à la régénération rapide. » Avec Chantier Chibougamau, les entrepreneurs forestiers sont désormais payés à l’hectare au lieu d’être rémunérés au mètre cube. « L’entreprise calcule les taux selon la densité d’arbres avec des images prises par drones et avec des images satellites, soutient Martin Paquet. C’est beaucoup mieux comme ça, parce que ça reflète mieux la réalité. »

Le forestier a rapidement commencé à bûcher dans les forêts brûlées, car plusieurs secteurs où la récolte était déjà prévue sont passés au feu. Avec l’arrivée des longicornes, « il faut se dépêcher de récolter le plus de bois possible », dit-il, ajoutant avoir confiance en Chantiers Chibougamau pour la suite. 

Aménager pour réduire les risques de feu
Pour limiter les risques liés aux feux de forêt, il faudra adapter les infrastructures et l’aménagement forestier à proximité des communautés, estime Frédéric André de la SOPFEU.

« Il faut rester humble devant les feux, parce que malgré les technologies, nos moyens de lutter contre les feux extrêmes sont très limités », dit-il. La prévention est toutefois très payante, car chaque dollar investi dans la prévention permet d’épargner quatre dollars de suppression et de dégâts.

Les scientifiques ont fait la liste de plusieurs mesures à mettre en place, avec les stratégies Intelli-feu (FireSmart). Près des communautés et des infrastructures, on peut par exemple réduire la quantité de combustible au sol, mettre en place des lignes de défense mécanisées, éclaircir les forêts pour éviter que la cime des arbres ne se touche ou encore planter des feuillus comme outil de protection. Des revêtements métalliques et des soffites en bon état permettent aussi de limiter les risques d’incendie de chalets situés en forêt. Il est aussi recommandé de conserver les cordes de bois à distance du chalet. 


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