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Valorisation de la biomasse forestière: des projets de récupération de chaleur à Saint-Félicien

25 mars, 2020  par Guillaume Roy



Avec le lancement d’un nouvel appel à proposition pour la valorisation des rejets thermiques en décembre dernier, Transition Énergétique Québec (TEQ) gérera une enveloppe de 200 millions de dollars pour investir dans les projets québécois. Et la Ville de Saint-Félicien compte bien obtenir sa part pour valoriser la chaleur de l’usine de cogénération en misant sur un centre de valorisation de la biomasse forestière.

Pendant plusieurs années, c’est l’idée d’implanter un parc agrothermique à côté de l’usine de cogénération qui était dans les cartons de Saint-Félicien pour valoriser les rejets thermiques. Alors que ce projet s’est finalement réalisé en partenariat avec l’usine de pâte kraft de Produits forestiers Résolu (PFR), lors de l’implantation des Serres Toundra, la Ville planche sur différents scénarios pour créer de la valeur avec de l’énergie qui est pour l’instant perdue.

Lors d’une conférence sur l’économie circulaire tenue en janvier dernier, Pascal Turcotte, le directeur général de la Société de cogénération de Saint-Félicien, soulignait justement l’importance de mettre en place des incitatifs financiers pour valoriser les rejets thermiques. « C’est difficile de mettre de tels projets en place, parce que la mise en place d’un réseau thermique coûte plus cher que de brûler du gaz », avait-il expliqué.

L’appel à projets lancé par Transition énergétique Québec (TEQ) pourrait donc être le chaînon manquant pour mettre en valeur les 30 MW d’énergie thermique disponible sous la forme d’eau chaude. « Le projet de Saint-Félicien va pouvoir renaître grâce à cet appel à proposition », estime Stéphan Gagnon, coordonnateur du service d’accompagnement technique pour TEQ.

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Le maire de Saint-Félicien, Luc Gibbons, estime également que ce programme permettra à la Ville de valoriser les rejets thermiques, de l’ordre de 20 à 30 MW. « Selon l’entente conclue lors de la construction de l’usine, l’eau chaude appartient à la Ville, explique-t-il. Un comité est en place pour évaluer le potentiel d’implantation d’entreprises pour trouver les projets les plus viables d’un point de vue économique. »

En tant que porteur du projet, la Ville de Saint-Félicien pourrait obtenir un financement de 73,3 % du projet.

Pascal Turcotte est directeur général de la Société de cogénération de Saint-Félicien.

En plus de vendre 21 MW d’électricité à Hydro-Québec, l’usine de cogénération pourrait ainsi être l’hôte d’un centre de valorisation de la biomasse forestière, souligne Jean Simard, conseiller sénior au CLD Domaine-du-Roy.

Renouer avec les profits

Pour la Société de cogénération, un tel projet permettrait de renouer avec les profits. « En ce moment, on est légèrement déficitaire et un centre de valorisation nous permettrait d’aller chercher une source d’approvisionnement supplémentaire à bon coût », mentionne Pascal Turcotte.

Il faut savoir que l’usine de cogénération s’approvisionne principalement d’écorces achetées aux scieries à un tarif d’environ 15 dollars par tonne. L’usine possède aussi une garantie d’approvisionnement de 60 000 tonnes en forêt, mais il en coûte entre 35 à 45 dollars par tonne pour sortir la biomasse forestière résiduelle (branches et cimes laissées après la coupe) de la forêt. Faute d’avoir assez de biomasse au bon prix, l’usine fonctionne à charge réduite en été.

Un centre de valorisation de la biomasse forestière permettrait donc de trier la matière première et de lui donner le maximum de valeur. Pour y arriver, des partenariats doivent être faits avec des entreprises qui souhaitent produire des produits à haute valeur ajoutée à partir de la biomasse. « On paye ainsi pour la portion écorce et d’autres clients valorisent la portion fibre », explique Pascal Turcotte, qui soutient que le projet de valorisation thermique permettra d’offrir le meilleur coût énergétique sur le marché.

La majorité de l’énergie disponible est sous forme d’eau chaude, mais il est aussi possible de fournir de la vapeur à un futur client, ajoute ce dernier. « Si un client a de gros besoins à l’année, on pourrait ajouter une bouilloire de plus pour produire plus de vapeur », dit-il. L’usine de cogénération a par ailleurs augmenté de 60 % la quantité de vapeur vendue à PFR pour faire fonctionner ses séchoirs. La chaleur perdue est ainsi valorisée et PFR peut vendre ses planures et écorces à d’autres clients.

Le CLD Domaine-du-Roy coordonne par ailleurs une Table de concertation de la bioéconomie, qui regroupe des promoteurs, des centres de recherche et des acteurs du développement, note Jean Simard. « Les gens impliqués directement sont sur cette table pour faire le point et pour choisir les meilleurs projets », note le conseiller.

Des projets de production d’huiles essentielles, de biopansements (d’Axcelon Biopolymers), de biocides pour fabriquer des nettoyants industriels et pour l’industrie de la pomme de terre, sont notamment sur la planche à dessin. « On est la région forestière par excellence et la récupération de la biomasse est un enjeu fondamental parce qu’on veut devenir la Vallée de la bioéconomie », remarque Jean Simard, en ajoutant qu’un autre projet, Biochar Boréalis, développe des projets mettant en valeur le biocharbon.

Le projet vise donc à développer un panier de produits et à créer un écosystème d’entreprises autour du Centre de valorisation de la biomasse forestière (CVBF). Dès que le CVBF et les infrastructures de chauffage à faible coût seront mis en place pour un premier client, les autres clients viendront se greffer à la structure, estime Jean Simard.

Un projet devrait donc être présenté à Transition énergétique Québec au cours des prochains mois.

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PROJET MAJEUR À QUÉBEC

D’autres projets de valorisation thermiques sont aussi en branle ailleurs au Québec. Par exemple, la vapeur produite à l’incinérateur de Québec sera dirigée vers le futur mégahôpital, grâce à la construction d’une conduite de 2,2 km, d’un coût évalué à 40 M$. Elle viendra combler les besoins de chauffage et de refroidissement, en plus de produire une partie de l’électricité nécessaire avec l’installation d’une turbine, souligne Stéphan Gagnon.

« En utilisant les rejets thermiques, ça permet de libérer de la capacité électrique pour d’autres projets », dit-il. D’autres projets de récupération de chaleur, notamment dans les centres de données, pourraient aussi voir le jour.


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