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Une nouvelle usine hybride pour le bois franc

Les experts en bois de planchers Lauzon International ont mis en marche une usine qui allie le meilleur de l’usinage du feuillu et de celui du résineux.

11 avril, 2013  par Scott Jamieson


À Thurso, la ligne qui reçoit les billes de qualité supérieure comprend un chariot incliné et une scie à lame-ruban bicoupe USNR, avec scanneurs Lasar et optimiseur MillExpert.

N’importe quel industriel du sciage sera d’accord pour dire que les usines de bois feuillus et de bois résineux représentent deux mondes différents. Les premières sont d’une approche méticuleuse et axées sur la valeur, elles sont quelque peu lentes et nécessite une main d’œuvre abondante pour les conditions actuelles du marché et la qualité inégale des billes; tandis que les usines de résineux sont automatisées et d’une rapidité fulgurante, mais dans certains cas moins attentives quant à la qualité, à la valeur et à la diversité du marché.

Cependant, pour Michel Houle, vice-président Produits et Technologie chez Lauzon International inc., il existe une zone tampon où ces deux mondes peuvent se rencontrer. À Thurso, sur les rives de la rivière Outaouais, les spécialistes du plancher de Lauzon International ont construit et inauguré en décembre 2007, ce qu’ils appellent une « scierie hybride », une usine de bois franc à la fine pointe de la technologie.

« Elle combine la technologie du secteur des bois résineux, à la technologie et à la philosophie du secteur des bois francs, explique Michel Houle. On y retrouve la production haute vitesse et l’automatisation des produits de commodités de résineux alors que, du côté des bois francs, on a retenu surtout l’attention portée à la haute qualité et à la valeur, à une
vitesse moindre. »

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Concepts contradictoires
En fusionnant les deux concepts en apparence contradictoires, les dirigeants de Lauzon International espèrent qu’ils ai-deront à résoudre le double défi, tou-chant à la fois l’offre et la demande, rencontré par les producteurs de bois francs canadiens. Du côté de l’offre, on fait face à des forêts mixtes et des peuplements de bois francs qui ne fournissent plus d’aussi grosses pièces d’érable ou de bouleau. Le système de sylviculture québécois depuis un peu plus de dix ans, a mis l’accent sur l’amélioration des peuplements à long terme, de sorte que les billes qui proviennent du CAAF de la compagnie Lauzon sont de qualité non uniforme, ce qui est une façon polie de dire qu’on trouve beaucoup de bois à pâte mêlés aux billes de sciage.

Du côté de la demande, on est confronté à l’industrie nord-américaine du meuble qui s’écroule sous la compétition étrangère et au marché du bâtiment américain s’effondrant en raison de la cupidité locale. On se retrouve dans un marché qui ne peut plus payer suffisamment pour les pièces de bois francs de première qualité pour subventionner les marchés de moindre qualité.

« Avec les forêts et les règles régissant la récolte de nos jours, nous devons être en mesure de récupérer un plus grand pourcentage d’arbres et de les transformer en bois d’œuvre, précise M. Houle expliquant les défis rencontrés par le secteur du bois franc. Avec une usine de sciage traditionnelle, c’est impossible. Sans une belle grosse bille, vous n’obtiendrez pas le prix de vente nécessaire à couvrir les coûts. C’est pourquoi la plupart des usines de bois francs sont fermées à l’heure actuelle au Québec. Le coût du bois, les catégories inférieures, les frais que nous payons, les coûts plus élevés du transport à l’usine, la qualité moindre des billes, tout ceci signifie que nous ne pouvons tirer suffisamment de catégorie de bois d’œuvre Sélect et Commun # 1 de nos billes. Le prix de vente moyen n’est pas assez élevé pour couvrir le coût des billes et les coûts de transformation d’une usine traditionnelle. Ça ne fonctionne tout simplement pas. »

Il parle en connaissance de cause puisque trois des quatre usines de bois francs de la compagnie sont actuellement fermées. D’autres fournisseurs de bois francs au Québec partage un sort semblable, sinon pire. C’est ici qu’entre en scène la seule usine du groupe Lauzon encore ouverte : l’usine hybride de Thurso.

Des idées bien de leur temps
Le but visé par le concept hybride est d’être en mesure d’utiliser une plus grande proportion de la cime des arbres pour faire du bois d’œuvre sans toutefois ajouter plus de coût que la valeur du matériau, tout comme dans le cas du sciage de résineux de petites dimensions. C’est une idée qui était attendue depuis longtemps, explique Michel Houle.

« Nous avons acquis notre première scierie lorsque nous avons acheté notre usine de bois de plancher à Maniwaki en 1997. Nous y avons fait nos premières armes. Deux ans plus tard, nous avons acheté une autre scierie à environ 15 km de la première. Celle-ci possédait une ligne pour les billes de petites dimensions, mais pas aussi efficace que les modèles reconnus par les standards actuels. Nous avons essayé de l’exploiter pendant 6 mois mais ça n’a pas fonctionné. Toutefois cela nous a certainement engagé dans un processus de réflexion sur les opportunités : quel serait l’impact si nous pouvions transformer efficacement des billes de bois à pâte en matériaux de planchers que nous pourrions utiliser, à l’interne, aux dimensions et au niveau de qualité dont nous avons besoin? »

Lorsque la chance d’acheter la scierie de Thurso des Produits forestiers Turpin s’est présentée en 2003, les dirigeants du groupe Lauzon ont compris que le temps et l’endroit étaient propices pour mettre la théorie en pratique. Après des négociations serrées avec le ministère de Ressources Naturelles du Québec, ils ont obtenu une consolidation de CAAF de 200 000 m3 d’érable, de bouleau et de hêtre pour cette seule usine. Un incendie a ensuite détruit l’usine et la compagnie a dû la reconstruire. Les équipements qui en résultent sont parmi les meilleurs sur le marché. Mais la spécificité de l’usine réside davantage dans l’agencement des équipements, le débit de production et la variété des produits.

« Je ne crois pas qu’il existe une autre scierie dotée d’exactement le même concept regroupé, affirme M. Houle, même si chacune des étapes de production soit équipée d’une technologie déjà éprouvée par d’autres. Nous avons pu les voir à l’œuvre ailleurs, nous assurer qu’elles fonctionnaient bien et qu’elles effectueraient ce que nous voulions. Nous avons du faire quelques modifications pour harmoniser la mentalité du bois franc et celle du résineux, et nous avons ensuite appliqué ces résultats à l’usine hybride. »

La clé est le débit
La clé du concept hybride est le débit : garder les billes de qualité supérieure et le bois d’œuvre bien séparés du secteur de haute production de bois de plancher et de palettes. Tout cela débute au moment de l’alimentation en billes. Les chargeuses alimentent les deux côtés de la plate-forme de chargement avec, dès le départ, un classement grossier pour aider à équilibrer le débit entre les deux centres de débitage primaire de l’usine. Après l’écorçage, le tri se raffine à l’aide d’un trieur de billes Prologic + : les billes qui conviennent pour le bois d’œuvre de qualité vont d’un côté; les billes destinées au bois de plancher ou de palettes vont de l’autre. La plus grande partie de la plate-forme a été récupérée de l’ancienne usine, à l’exception du scanneur ainsi que de l’éjecteur de billes et des deux convoyeurs pour le classement fabriqués par les Industries Piché.

La majorité des scieurs de bois franc seront dans leur univers du côté du sciage du bois d’œuvre là où les éjecteurs des Industries Piché alimentent un chariot incliné tout neuf de marque USNR équipé d’un scanneur LASAR 3D à profil complet, d’un système d’optimisation MillExpert et d’un système d’entraînement Jacobsen Engineering. La première coupe selon le découvert le plus favorable est effectuée par une scie à lame-ruban bicoupe USNR décalée de 15 degrés pour s’ajuster au chariot incliné. « Nous travaillons avec la gravité et non contre, pour positionner la bille, précise M. Houle en parlant du chariot incliné. » Il s’agit du seul endroit de l’usine où les spécialistes de l’optimisation Prologic+ n’ont pas fourni l’optimiseur. « Nous avons acheté l’ensemble du système USNR pour ce qui touche le chariot. »

La compagnie USNR a également fourni la refendeuse à ruban optimisée. Les coupes symétriques sont dirigées ici, où un opérateur utilise un tourne-équarris ainsi que des scanneurs ScanMeg et un système d’optimisation Prologic+ pour effectuer, au moyen d’un système de carrousel, le débitage jusqu’au format d’équarri pré-établi requis pour les produits de plancher.

À l’opposé, on pourrait dire que ce sont les scieurs de résineux qui se sentiraient en territoire connu sur la ligne de petites billes ou de bois de plancher. On y retrouve une ligne composée d’une équarrisseuse quadruple de marque Sawquip qui y a été ajustée pour prendre en charge les bois francs. Le premier des changements que l’on note est un système de scanneurs à profil complet, placé complètement à l’avant. À la place de scanneurs haute vitesse analysant des billes en mouvement, tels ceux rencontrés sur les lignes d’équarrissages, les billes sont plutôt chargées à l’intérieur d’une zone de scannographie un peu comme si elles étaient sur un tour ou maintenues par un système de griffage en bouts.

La bille, actionnée par des paires de rouleaux sous-jacents, y effectue une rotation qui permet aux scanneurs Dynavision d’obtenir un balayage de 360 degrés à la suite duquel l’optimiseur Prologic+ détermine le positionnement et la coupe en fonction des filières de commandes de l’usine. Puisque la majorité des matériaux sortant de cette ligne seront utilisés par les usines de bois de plancher de Lauzon, l’accent est mis sur un sciage en fonction des besoins internes très spécifiques, et non d’un inventaire.

« Sans livrer toutes nos recettes, ajoute Michel Houle en souriant, précisons toutefois que nous fabriquons ici des dimensions et des produits spéciaux qui nous aident à éliminer des étapes et des coûts dans les usines de plancher. Il n’y a aucune raison de fabriquer des produits dont elles n’ont pas besoin. Nous fabriquons exactement ce que les clients aux usines de plancher ont besoin. »

L’équarrisseuse au cœur de la ligne Sawquip est à arbres de scie superposés et à lames circulaires. Elle dispose d’une sortie double pour les planches latérales et les équarris qui sont dirigés vers des équipements différents. À ce point, les planches latérales vont rejoindre celles en provenance du chariot USNR vers une déligneuse à haute vitesse Lico. Les spécialistes du bois franc chez Lico ont également conçu une sortie spéciale pour la déligneuse afin de faciliter le concept hybride. Les planches sont analysées par un optimiseur au délignage Prologic+ qui, en fonction de l’épaisseur, détermine les meilleures décisions. « Suivant l’épaisseur, différents paramètres d’optimisation sont appliqués selon qu’il s’agisse de matériaux pour plancher ou de bois d’œuvre. Une fois scié à la sortie, la pièce sera envoyée à la table de triage appropriée. »

Quant aux équarris provenant de la ligne Sawquip et de la refendeuse USNR, ils convergent vers une débiteuse à lames circulaires multiples de marque Cardinal. Cette résistante machine de bois franc est l’un des deux équipements qui ont survécu de l’ancienne usine. L’autre est le poste de classement pour la section du bois d’œuvre.

Double classement
Toutes les pièces sont déversées sur deux tables de triage distinctes : l’une pour les matériaux de plancher et l’autre pour le bois d’œuvre à classer. Encore une fois ici, deux concepts agissent en tandem. « Pour le classement du bois d’œuvre, nous utilisons l’approche traditionnelle pour le bois franc, à la vitesse de 25 planches à la minute. Pour ce qui touche le bois de plancher, on peut se permettre d’aller vite. Il s’agit de bois de plancher ou de bois de palette, un point c’est tout.

Nous n’évaluons pas les unités comme il fau-drait le faire pour respecter les normes de la NHLA. Il s’agit d’une évaluation visuelle rapide, puis on continue. »

La nouvelle ligne de classement du bois de plancher a été fabriquée par Industries Piché, elle est conçue pour du triage à haute vitesse. Les dirigeants de l’usine envisagent l’éventualité d’un système de classement automatisé en bout de ligne, ils commencent à apprécier ce qu’ils voient du côté du bois franc. Cependant, au moment de la construction de l’usine, ils ne croyaient pas que la technologie était au point. À l’heure actuelle, on est satisfait des scannographies de dimension qui aident les classeurs et les rapports de pointage.

Après les deux lignes de classement, tout le bois est dirigé vers un lecteur de classement de marque Cypress, puis vers l’unique trieuse-empileuse à 97 cases fabriquée par Industries Piché. Sur cette dernière, on a effectué des ajustements afin de permettre un empilement spécial pour le bois de plancher. L’usine exploite ses propres séchoirs de marque Cathild et se compte bien chanceuse d’être à proximité de l’usine de pâte de la compagnie Fraser Papers pour l’alimentation en chaleur et en vapeur. En échange, les résidus sont envoyés par convoyeur directement à l’usine de pâte.

Michel Houle s’est joint en mai à l’usine de sciage pour aider au démarrage du projet. Il travaillait auparavant à l’usine de bois de plancher de classe mondiale située à Papineauville. Il admet que le procédé n’est qu’à mi-chemin d’où il voudrait qu’il soit, mais il est en mesure d’apprécier le potentiel offert par le concept en action. Lorsqu’il est question de rendement pour le bois d’œuvre, il est déjà convaincu, bien servi en cela par le haut niveau d’optimisation et par la combinaison de produits de bois d’œuvre, de bois de plancher et de palettes ainsi que par la vaste gamme de largeurs, d’épaisseurs et de longueurs qui en résultent. « On est entre 70 et 80 % d’efficacité dépendamment des essences; ce qui représente un monde d’où nous étions. À l’heure actuelle, nous sommes là où nous devons être. »        


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