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Une essence de haute valeur pour des produits du bois

Le mélèze est une essence extraordinaire tant par sa beauté naturelle, ses caractéristiques uniques et son potentiel mal connu pour des produits du bois d’apparence.

10 juin, 2014  par Pierre Asselin



Le mélèze est une essence extraordinaire tant par sa beauté naturelle, ses caractéristiques uniques et son potentiel mal connu pour des produits du bois d’apparence extérieur et intérieur. Appelé parfois faussement, épinette rouge, c’est le seul conifère avec un beau cône rougeâtre, qui perd ses aiguilles annuellement comme un feuillu. En Europe, notamment au Danemark et en Finlande, on produit du bois de plancher avec le mélèze européen depuis plus de 35 ans. En Pologne et en Russie, on utilisait le mélèze pour les fenêtres en bois en raison de sa résistance à la pourriture et de son apparence décorative. Évidemment, la transformation du mélèze en produits de haute valeur est réalisée par des entreprises spécialisées utilisant des procédés avancés et innovateurs à chaque étape de production (séchage sous-vide par plaques chauffantes par exemple) pour assurer le succès du produit fini et minimi-ser les pertes de production car cette essence est l’une des plus difficiles au séchage. Dans ce sens, les finitions à l’huile sont préférables au vernis et teinture pour cette essence, notamment pour la stabilité dimensionnelle du produit.

En Amérique du Nord, on utilisait fréquemment le mélèze pour les traverses de chemin de fer, ponceaux de bois, pieux, clôtures, construction de bateaux, bois de patio (decking), tablier de quais (résistance mécanique et à l’humidité), plate-forme de camions et box car.  Par ailleurs, depuis plus de 150 ans, les planchers de granges étaient traditionnellement en mélèze à cause de la résistance de ce bois à l’humidité, aux sabots et à l’urine des chevaux! Alors vous comprendrez que lorsqu’un designer me disait récemment qu’il ne recommandait pas le mélèze dans les maisons ancestrales sans sous-sol chauffé, ni les chalets, ni comme plancher de salle de bain, mon étonnement n’avait d’égal que son ignorance et j’ai suggéré à ce gentleman de consulter son cheval avant de faire des commentaires sur le mélèze! Je crois tellement à la résistance et à la beauté du mélèze que j’ai rénové mon propre chalet d’été, ayant un sous plancher non isolé, entièrement en mélèze, planchers, murs et salle de bain (finition à l’huile), subissant des variations extrêmes de température et d’humidité, sans aucune détérioration après 10 ans! J’ai donc expérimenté la preuve de mes affirmations. Le mélèze pourrait également être utilisé pour le lambris et autres produits composites ou lamellé extérieur comme en Europe.

Au Canada, c’est comme si les connaissances de nos essences exotiques s’étaient perdues avec la période d’abondance de transformation des essences traditionnelles en produits de commodités et revenus garantis, sans efforts supplémentaires pour créer de nouveaux produits. Donc, dans cet article, je veux redonner l’heure juste sur le potentiel du mélèze et décrire quelques trucs et astuces techniques pour réussir la fabrication de produits de valeur avec cette essence.

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Source d’approvisionnement :
Le volume disponible du mélèze est probablement plus important que l’on croit car cette essence n’est pas toujours identifiée dans les inventaires. On en trouve passablement en forêt privée, autour des tourbières au sud, éparpillé un peu partout en bandes dans les zones clairsemées, en bordure du réseau routier (autoroute de la Beauce par exemple), à l’Île-du-Prince-Édouard où l’entreprise Irving en a une concentration importante dans son approvisionnement. On en retrouve également une concentration dans le Maine et en plantations dans certains États du Nord des États-Unis. En Abitibi et dans toute la zone boréale, on en a un bon volume éparpillé avec souvent 5%  dans certains secteurs. Au sud, on a parfois du mélèze hybride de plantation qui ne doit surtout pas être mélangé avec le mélèze de forêt naturelle au cours du séchage car ses caractéristiques de retrait longitudinal sont trop différentes (bois juvénile) et cette dernière variété affiche une couleur décorative rosâtre différente du bois de cœur.

Caractéristiques et particularités du mélèze :
Voici ce qui fait la beauté du mélèze comme bois d’apparence mais également l’une des pires essences à transformer en produits finis. En effet, le mélèze a simultanément tous les défauts du pin blanc et du chêne lors de la transformation, mais affiche heureusement la beauté du frêne à cause de la couleur verdâtre ou rosâtre extraordinaire du bois de cœur et de la brusque variation de densité entre le bois initial et le bois final de chaque anneau de croissance. Ceci pose un défit de taille pour le transformateur. Donc, les opportunistes doivent s’abstenir, car seuls ceux qui maîtrisent les techniques avancées en sciences du bois arriveront à un produit fini avec des pertes économiquement raisonnables sur des produits de haute valeur. Le mélèze est destiné pour des produits de $ 1 500/Mpmp et plus pour les produits extérieurs (composantes patio profilées finies, lambris, etc) et $ 3 000/Mpmp et plus pour les produits intérieurs profilés finis. Quelques rares entreprises innovatrices le font déjà.

Résumé des trucs et astuces pour réduire les pertes et augmenter la stabilité du produit fini avec le mélèze.

  • Éviter le choc au sol du mélèze à l’abatage (micro-fissures et initiation de la roulure). Donc, abatage hivernal préférable ou techniques douces.
  • Protection du bout des billes à partir de mars.
  • Sciage en plot ou radial favorable afin que les planches les plus larges soient radiales pour la stabilité dimensionnelle (technique finlandaise).
  • Profil de sciage de façon à avoir toujours la moelle incluse ou au centre de la pièce (jamais la moelle sur la rive ni sur la face). Ceci diminuera de façon importante les torsions et les rejets après séchage.
  • Éviter la manipulation brusque dans les convoyeur-démêleurs.
  • Éviter le séchage à l’air libre et l’exposition au soleil. Abris et zone de faible ventilation, essentiels.
  • Lattage de type Smart Box Pile.
  • Préférable de sécher au séchoir lorsque vert (au-dessus de 35% HB idéalement)
  • Fortement suggéré d’utiliser un séchoir conventionnel avec vapeur basse pression pouvant atteindre 170º F en température humide et 200º F en température sèche, pour cristallisation partielle de la résine, fluage du bois juvénile et stabilisation de la couleur naturelle du bois. Les grosses poches de résine occasionnelle sont enlevées à l’éboutage. Séchage en conditions humides pour éviter évaporation rapide du bois de printemps et minimiser la roulure.
  • Primordial de refroidir la charge dans le séchoir à 120º F ou moins avant d’ouvrir les portes en hiver et même en été s’il pleut.
  • Entreposage du bois sec une semaine avant profilage dans un entrepôt à humidité contrôlée pour diminuer le gradient d’humidité interne des pièces (pratique courante standard en Europe dans les usines de produits du bois haut de gamme).
  • Profilage à vitesse modérée et pression minimum des rouleaux pour éviter le développement de roulure mécanique et grain relevé. Le bois peu dense de printemps sera écrasé par le bois dense d’été des anneaux de croissance.
  • Finition à l’huile pour meilleure durabilité et stabilité dimensionnelle. Pas de vernis sur les essences avec résine.
  • Entreposage à humidité finale de l’utilisateur client et emballage de qualité pour protéger contre la reprise d’humidité dans le transport chez le client.
  • Humidité finale 8% ±1  HB sur produits intérieurs, 8 à 12% HB pour lambris, 14% ±3 pour patios. Peut varier en fonction du pays utilisateur final.
  • Installation coté cœur face cachée sur produits intérieurs, mais cœur vers le haut (patio) ou face de cœur coté
  • apparent sur produits extérieurs, car plus résistant aux intempéries et tirant à cœur en dessous, ce qui provoque une surface convexe d’évacuation de l’eau de pluie. Cette technique peut varier en fonction du type d’exposition de la surface couvrante. Aucune importance sur sciage radial.

Lattage Smart Box Pile System :
Ceci est inspiré d’une technique européenne que j’ai améliorée au cours d’essais avec certains industriels innovateurs. L’empilement est de type Box Pile standard comme décrit dans tous les manuels de séchage, mais en ajoutant les subtilisées suivantes : alterner chaque rangée avec cœur vers le bas et cœur vers le haut sur la rangée suivante afin d’annuler les forces de retrait différentiel durant le séchage. Rang du dessus avec cœur vers le bas et rang du fond avec cœur vers le haut. Pas de pièces avec cœur sur la rive du côté extérieur des paquets, sinon cette pièce est une perte totale après séchage. Non, ceci n’est pas un caprice inutile d’ingénieur à réaliser et peut se faire à la vitesse de production car il s’agit simplement de placer les pièces critiques dans le sens favorable ce qui est rapide comme décision. Lattes ¾ po x 2.5 à 3.5 po. de largeur (pas de petites lattes) avec 1/32 po de variation d’épaisseur maximum. Double lattes sur le bout des paquets et lattage au 2 pieds, parfaitement alignées.

Technique de séchage du mélèze :
Il est préférable de réaliser une cristallisation partielle de la résine avec une phase de température à 90 – 95ºC durant 12 heures sur le 4/4, 24 heures sur le 8/4, en condition humide, avant d’atteindre le PSF (30% HB). Ceci permet en plus le fluage du bois juvénile (moins de torsions dues au retrait longitudinal) et la stabilisation de la couleur naturelle du mélèze par évaporation des extractibles du bois de cœur. Sinon, le bois de cœur du mélèze développera une teinte bleue foncée six mois après installation chez le client utilisateur, ce qui pourrait ne pas être toujours appréciée. Il ne sert à rien et est trop risqué de tenter de cristalliser les grosses poches occasionnelles de résine qui peuvent être enlevées à l’éboutage.

Pour les visionnaires de technologies avancées, les séchoirs sous-vides de type Vacupress serait la technologie à implanter pour le séchage du mélèze à 8% HB et moins sur produits intérieurs, car on cristallise la résine plus facilement (point d’ébullition à 60ºC et moins en fonction du vide), le fluage du bois juvénile est assuré et la couleur naturelle du mélèze est garantie. Cette technique est utilisée depuis des décennies en Finlande et Danemark sur le mélèze européen.

Enfin, je veux rappeler que transformateurs opportunistes qui ont introduits et détruisent encore le marché en distribuant des produits défectueux reliés à de mauvaises stratégies de mise en marché face aux distributeurs et installateurs non familiers avec cette essence pourtant extraordinaire. Ceci est la raison qui m’a motivée à fournir beaucoup d’informations sensibles dans cet article en espérant que seuls les champions transformateurs ayant des objectifs à long terme continueront à donner la réputation que mérite le mélèze pour des produits de haute vleur. Ainsi, il faut effectuer de la formation et du suivi en continu chez le distributeur et l’installateur de vos produits car la
satisfaction du client est le plus puissant moteur de croissance de vos ventes.

Radiographie du mélèze

Densité moyenne : 0,48 réagit rapidement au climat de l’air sans finition

Usinage : Difficile à modéré, fibre torse, fentes, roulure, résine modérée, danger pour grain relevé baïonnette surtout au niveau de la moelle.

Retrait tangentiel : 6,2%  modéré

Retrait radial : 2,8%  faible, donc sciage radial très stable

Risques retrait différentiel : dangereux pour tirant à cœur sur toutes composantes de 6 po. et plus en largeur donc, favoriser le sciage radial sur planches larges et/ou le sciage en plot avec cœur centré.

Résistance à la pourriture : la 2e essence après le cèdre de l’Est

  • Torsion fréquente au séchage traditionnel
  • Sciage radial ou en plot préférable sur les petites billes
  • Pas de finition avec vernis à cause de la résine
  • Couleurs exotiques verdâtre ou rose extraordinaire du bois de cœur à cause de certains extractibles naturels et des variétés nordique ou du sud.
  • Un des problèmes est le fait que le bois initial a une densité similaire au pin blanc et le bois final se rapproche du chêne ce qui provoque un cisaillement et décollement des anneaux de croissance lors du séchage trop brusque, surtout le séchage à l’air libre et exposition au soleil, à éviter.

Pierre Asselin, ing.f.
Formateur-consultant
Séchage du bois et développement de produits depuis 30 ans


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