Opérations Forestières

En vedette Nouvelles Nouvelles de l’industrie
Un indice pour calculer l’inflation

Les couts d’opération des entrepreneurs forestiers ont augmenté de 7,56% et 2021 et on prévoit plus de 10,41% en 2022.

30 juin, 2022  par Louis Dupuis, économiste forestier


Au cours des dernières années l’inflation est plus élevée pour les entrepreneurs forestiers que l’IPC.

L’Indice pondéré de variations des coûts des entrepreneurs forestiers québécois (IPVCEFQ) est un outil spécifique pour les entrepreneurs forestiers du Québec afin de démontrer hors de tout doute les impacts significatifs de l’augmentation constante des coûts d’opération qui s’élèvent à 33,60% sur la période de 2011 à 2021. 

L’IPVCEFQ est ni plus ni moins que l’équivalent de l’IPC (Indice des prix à la consommation), mais il a été conçu spécifiquement pour mesurer au fil du temps les variations des coûts d’opération des entrepreneurs forestiers au Québec. L’indice reflète uniquement la variation « pure » des coûts d’opération.

Pourquoi avoir développé un tel indice? Parce que les entrepreneurs forestiers québécois subissent d’importantes augmentations de leurs coûts d’opération depuis plusieurs décennies, et que ces augmentations se sont accentuées de façons très significatives dans les dernières années avec la pénurie de la main-d’œuvre, les pénuries de toutes sortes (acier, composantes électroniques, pièces de remplacement, etc.), les ruptures des chaînes d’approvisionnement, l’inflation généralisée, les fluctuations importantes des produits pétroliers, etc. Pour l’instant, rien ne permet de mesurer de manière spécifique tous ces impacts sur les coûts d’opération des entrepreneurs forestiers, et ces derniers peuvent difficilement repasser les augmentations qu’ils subissent aux industriels qui les emploient.

Advertisement

C’est pourquoi l’IPVCEFQ a été créé. Afin de fournir un outil avec des chiffres officiels, et spécifiques aux entrepreneurs forestiers, pour démontrer aux industriels, hors de tout doute, les impacts de ces variations sur les coûts d’opération.

Comment l’IPVCEFQ est-il calculé? Comme il s’agit d’un indice pondéré, l’auteur qui a analysé dans sa carrière des milliers d’états financiers d’entrepreneurs forestiers a établi cette pondération des coûts en fonction d’un forestier « typique » possédant; une (1) abatteuse sur chenilles (catégorie 30 tonnes) munie d’une (1) tête multifonctionnelle standard, un (1) transporteur 8 roues d’une capacité de 15 tonnes, trois (3) camionnettes (pickups), un (1) camion service-atelier incluant tout l’équipement et outillage nécessaire (génératrice, soudeuse, presse hydraulique, outils, etc.), avec un inventaire de pièces de remplacement, lubrifiants, huiles, etc.

Ainsi, les dépenses des entrepreneurs forestiers ont été classées dans six (6) grandes catégories soit; 1) coûts de la main-d’œuvre & charges sociales – 33%, 2) coûts de la propriété de la machinerie et des véhicules – 25%, 3) coûts de pièces de rechange et mécaniciens externes – 17%, 4) coûts des carburants (diesel et essence), huiles & lubrifiants – 15%, 5) coûts des assurances – 4%, et 6) autres coûts (administration, formation, fournitures, honoraires professionnels, télécommunications, etc.) – 6%.

De plus, plusieurs de ces grandes catégories ont été subdivisées pour arriver à la pondération finale illustrée au Tableau 1 ci-dessous.

Par la suite, afin de démontrer les variations sur une période d’au moins de 10 ans, où l’indice a été fixé arbitrairement à : 2011 = 100, l’auteur a récupéré auprès de; Statistique Canada, la Société Canadienne d’Hypothèque et de Logement (SCHL), les Services économiques des banques canadiennes, le Canadian Black Book, ainsi que plusieurs sources officielles de l’industrie de la distribution de machinerie lourde et des assurances, une multitude de données qu’il a compilées afin d’établir l’IPVCEFQ.

Également, basé sur les résultats déjà observés à date, les prévisions des services économiques des grandes banques canadiennes, des experts de l’industrie pétrolière, les augmentations déjà officiellement annoncées pour 2022 par les distributeurs d’équipements et de pièces de rechange, les fournisseurs d’huiles et lubrifiants, ainsi que l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, une prévision de l’IPVCEFQ a été élaborée pour 2022.

En premier, pour la dépense la plus importante d’un entrepreneur forestier, soit; les coûts de la main-d’œuvre et les charges sociales, qui représente 0.33 de l’indice, nous avons utilisé les chiffres de Statistique Canada sur la : rémunération hebdomadaire moyenne incluant le temps supplémentaire en foresterie au Québec de 2011 à 2021, avec la prévision de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, pour la prévision de 2022. Nous pouvons constater une hausse presque toujours graduelle de 40,9% de 2011 à 2021 (voir tableau 2).

Ensuite, pour le deuxième poste de dépenses le plus important pour les forestiers, soit les coûts de propriété de la machinerie (une abatteuse multifonctionnelle et un transporteur) et des véhicules (trois camionnettes), nous avons considéré le financement à 100%, sur 60 mois au taux fixe des hypothèques de 5 ans, selon la SCHL, majoré de 1%, du coût d’achat de la machinerie et des camionnettes. Ainsi, nous pouvons noter que le coût d’achat total de la machinerie et des véhicules est passé de 1 110 897$ en 2011, à 1 519 967$ en 2021, soit une augmentation de 409 070$ / 36,8% (voir tableau 3), et les versements totaux se sont accrus de 20 957$ en 2011, à 28 302$ en 2021, soit une croissance de 7 345$ / 35% (voir tableau 4). Les taux d’intérêts ont eu peu d’impact pendant cette période, car ils ont été historiquement bas, et se sont maintenus dans une fourchette de 4,34% à 5,59% (voir tableau 5). Cette situation risque cependant de changer fortement en 2022, avec les hausses déjà enregistrées du taux d’escompte, et celles anticipées d’ici la fin de l’année.

Puis, pour la troisième dépense la plus élevée, soit les pièces et composantes de rechange ainsi que l’utilisation de mécaniciens externes, dont la pondération dans l’indice est de 0.17, nous avons obtenu des données officielles portant sur plusieurs dizaines de milliers de pièces et composantes d’un important distributeur. On peut observer une progression constante des prix à la hausse qui s’est nettement emballée à partir de 2020 (voir tableau 6).

Enfin, la quatrième dépense, les coûts du carburant (diesel et essence), huiles & lubrifiants, qui représentent 0.15 de l’indice, sont la catégorie qui a définitivement le plus fluctué dans les dix (10) dernières années, les prix étant fixés selon le marché mondial du pétrole (voir tableau 7). Il est à noter cependant que pour les huiles & lubrifiants, les prix ont beaucoup moins varié à la baisse. Ceci laisse supposer qu’une fois les prix augmentés pour les huiles & lubrifiants, les distributeurs considèrent que le nouveau prix est acquis par le client. Au niveau de la prévision de 2022, au moment où nous avons conçu l’IPVCEFQ, en mars 2022, les experts tablaient pour un prix du diesel à 2,13$ / litre, et l’essence à 1,91$ / litre, et ce sont les prix que nous avons utilisés pour la prévision de 2022. Pour l’instant, notre prévision est donc très conservatrice.

D’autre part, pour les catégories : a) coûts des assurances qui représentent 0.04 de l’indice, et b) autres coûts (administration, formation, services professionnels, télécommunications, etc.) dont la pondération est de 0.06, nous avons obtenu pour a) des données officielles de l’industrie des assurances sur le taux / 100$, pour un transporteur neuf (voir tableau 8), et b) utilisé l’IPC pour les autres coûts divers (voir tableau 9).

Finalement, nous avons compilé l’ensemble des données pour créer notre Indice Pondéré de Variations des Coûts des Entrepreneurs Forestiers Québécois (IPVCEFQ) pour la période de 2011 à 2021, avec une prévision pour 2022 (voir la ligne verte au tableau 10). De plus, considérant que plusieurs entrepreneurs forestiers disposent de clauses diverses qui plafonnent le prix du diesel à un certain niveau, nous avons exclu la pondération du diesel (0,11) de l’indice pour ainsi créer un IPVCEFQ excluant le diesel (voir ligne rouge au tableau 10).

La main-d’oeuvre représente le poste de dépense le plus important.

En conclusion, l’IPVCEFQ démontre que les entrepreneurs forestiers ont subi des hausses totalisant 33,60% de leurs coûts en l’espace de 10 ans. Après avoir augmenté de façon graduelle de 2011 à 2020, à raison d’une moyenne de 2,20% par année, l’indice a enregistré une hausse significative de 7,56% en 2021, et 2022 s’annonce encore plus drastique avec une prévision de 10,41%, qui nous apparaît aujourd’hui conservatrice. En excluant le diesel, la croissance des coûts a été de 4,27% en 2020, de 5,27% en 2021, puis la prévision pour 2022 est de 7,12%. Autre constat, seuls les prix du carburant et des assurances ont enregistré des variations notables à la baisse lors de la période de 10 ans de 2011 à 2021. Tous les autres coûts ont augmenté de façon constante, et la tendance est encore plus significative depuis 2020.

Dès lors, il nous semble inévitable que les industriels ajustent de façon substantielle la tarification accordée aux entrepreneurs forestiers s’ils ne veulent pas mettre en péril leur approvisionnement. Plusieurs entrepreneurs forestiers sont à bout de souffle, et la relève se fait rare considérant le peu de possibilités de dégager des profits décents.


L’auteur est économiste, associé et consultant depuis deux (2) ans à la firme S. Guy Gauthier Évaluateur Inc., et possède plus de 30 ans d’expérience en financement commercial auprès de trois importantes institutions financières, où il était un spécialiste en financement de machinerie lourde, notamment pour l’industrie forestière. 


Imprimer cette page

Advertisement

Stories continue below