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Prendre sa destinée en main

En rachetant la participation de Produits forestiers Résolu, la Coopérative forestière Petit-Paris a pris le plein contrôle de la destinée de la scierie de Saint-Ludger-de-Milot.

14 juin, 2018  par Guillaume Roy


Alain Paradis, directeur-général de la Coopérative forestière Petit-Paris, en compagnie de Dominic Bouchard, responsable de l’approvisionnement et Martin Sirois, directeur de l’usine de sciage.

Dans l’usine de Produits forestiers Petit-Paris (PFPP), les billots défilent à toute allure sur la nouvelle ligne de sciage pour le gros bois PHL. « On est passé à une autre génération de ligne de sciage, lance le directeur de l’usine, Martin Sirois. Il n’y a pas si longtemps, c’était encore des travailleurs qui tournaient les billes. »

En changeant de technologie, l’usine a drastiquement réduit son rendement matière sur la grosse ligne, passant de 4,9 pmp à 3,4 m3/1000. Pendant ce temps, la production des deux lignes atteint désormais 400 000 pmp par faction, alors qu’elle plafonnait à 300 000 pmp, avant les investissements, ce qui représente une augmentation de la production de 33 % !

« Notre but n’était pas d’augmenter le volume de bois transformé, car on est limité par l’approvisionnement, explique Alain Paradis, le directeur général de la Coopérative forestière Petit-Paris, le principal actionnaire de PFPP. On voulait produire plus de PMP et c’est un succès sur toute la ligne. »

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En plus d’augmenter la production, le sciage en courbe a aussi amélioré la qualité du bois, alors que l’usine produit 8 % plus de bois de grade supérieur. « Le bois est plus long et on a une meilleure valeur pour le bois de 16 pieds », précise Martin Sirois.

Ces résultats sont impressionnants, mais ils sont le fruit d’efforts majeurs réalisés par la CFPP. « On parle d’investissements de 20 millions de dollars pour racheter les parts de Produits forestiers Résolu (PFR), et pour la modernisation de l’usine, remarque Alain Paradis. C’était un projet fou, mais essentiel à la survie de l’usine, car le nouveau régime a fait augmenter les coûts d’approvisionnement. On devrait être plus performant et sans ces investissements, on aurait du vendre l’usine, car elle ne générait aucun profit depuis plusieurs années. »

Racheter la participation de PFR
L’idée de moderniser l’usine de PFPP est sur la table depuis quelques années dans le but de renouer avec les profits, mais la coopérative devait d’abord s’entendre avec PFR, qui détenait 50 % des actions de l’usine de sciage depuis 1987.

« On a travaillé de concert avec PFR pour faire un projet structurant en unissant nos efforts avec l’usine de sciage de Mistassini, soutien Alain Paradis. PFR était intéressé, mais après un certain temps, ils nous ont fait savoir que ce projet n’était pas une priorité. »

Comme la modernisation de l’usine était devenue nécessaire, la coopérative a proposé de racheter les parts du géant forestier. Puis, c’est PFR qui a fait une première offre de rachat, laissant quatre mois à la coop pour accoter l’offre.

« Si on voulait convaincre des gens de nous passer de l’argent, on devait leur démontrer que notre projet de modernisation de l’usine tenait la route, remarque le directeur général. C’était un gros défi pour la Coop, car on parlait de sommes très importantes, que l’on devait attacher en quatre mois ».

Après une consultation des 135 membres, la réponse était unanime : il fallait prendre la destinée de l’usine en main et racheter les parts de PFR. Pour y parvenir, la CFPP s’est trouvé de nouveaux partenaires, le Fonds de valorisation bois (32 %), Fondaction (8 %) et Poutrelles internationales (8 %), qui, ensemble, possèdent 48 % de Produits forestiers Petit-Paris. Fort de ces partenariats, les actionnaires ont pu convaincre Investissement Québec d’embarquer dans l’aventure, dans le but de réaliser deux projets de modernisation majeurs : la conversion de la centrale thermique avec l’implantation d’une chaudière à la biomasse et la modernisation de la ligne de sciage.

Moderniser pour survivre
Dès que le rachat de l’usine a été officialisé, en février 2016, les partenaires ont entamé la première phase de modernisation en transformant la centrale thermique, jadis alimentée au mazout, par une chaudière à biomasse. Après analyse, la scierie a opté pour une chaudière de Compte-Fournier qui lui permet de va-
loriser 50 % des écorces produites sur place, évitant ainsi l’émission de 3363 tonnes de gaz à effet de serre annuellement. « Cet investissement nous a aussi permis d’améliorer notre capacité de séchage 17 %, car notre ancienne bouilloire était plus petite et il manquait parfois de vapeur en hiver, commente Martin Sirois. Sans compter qu’on a réduit nos coûts de production de 35 % ». (plus de détails sur le projet à la page 25).

« C’est grâce à l’aide de 1,6 M$ du Fonds Biomasse et aux crédits d’impôt disponible que l’on a pu réaliser ce projet, car sans cet aide, le payback aurait été trop long », renchérit Alain Paradis.

Un an a passé depuis la mise en opération, le 1er mai 2017, de la bouilloire qui consomme en mo-
yenne trois tonnes d’écorce à l’heure. « Après avoir vécu les quatre saisons, on a pu faire plusieurs ajustements pour améliorer l’efficacité des opérations », explique Guillaume Gobeil, l’opérateur de la chaudière et des séchoirs. Entre autres, l’équipe a cherché à réduire les problèmes liés à la formation de blocs de matière première qui se forment lorsqu’il faut froid.

Une autre trouvaille est venue améliorer l’efficacité des opérations, tout en réduisant le travail des opérateurs. « On a remplacé tous nos produits chimiques que l’on utilisait pour traiter notre système de vapeur par les produits Magnus, dit-il. C’est un produit qui traite tout notre système de vapeur et qui protège les conduits, sans avoir à faire de manipulations dangereuses ».

Alors que le projet de chaudière à la biomasse n’était même pas terminé, Produits forestiers Petit-Paris travaillait déjà sur le projet de modernisation de la grosse ligne de 16 pieds.  Et en plus des contraintes d’espace et de budget, les promoteurs devaient aussi travailler avec des limites  électriques, car l’usine est située au bout du réseau de distribution d’Hydro-Québec.

« On a vraiment réussi un tour de maître, car on a réussi à rentrer une ligne de sciage primaire et que secondaire optimisée, dans un minimum d’espace », note Alain Paradis, qui a choisi la solution offerte par PHL, membre du Groupe BID. Pour sauver de l’espace, il a fallu doubler les scanneur au primaire et au secondaire, précise Jean Dumas, du Groupe BID. L’autre nouveauté: l’insatallation de caméra pour voir le processus de coupe en temps réel, ce qui permet de mieux savoir ce qui cause les blocages.

Au passage, PFPP a toutefois du faire quelques concessions. Par exemple, il a été impossible de rentrer une « Twin » au primaire. « On a décidé de laisser tomber, car ça ne donnait pas le plus value souhaité », soutient Martin Sirois. De plus, l’usine a du retirer un des trois bacs d’accumulation et de doubler les scanneurs au primaire et au secondaire pour récupérer de l’espace de lecture, en plus de déplacer l’écorceur. « Tout a été calculé au pouce près », ajoute ce dernier.

Et c’est en octobre 2017 que le projet de près de 9 millions de dollars a été mis en opération.

À peine quelques mois plus tard, la scierie a investi dans un optimiseur au rabotage de VAB Solutions. « On a misé sur une solution avec une lecture trachéide en plus de faire un projet de recherche et développement avec VAB pour développer la lecture de la coloration blue stain », remarque Martin Sirois. Un projet de 640 000 dollars qui a permis de réduire les déclassements de bois dus à la couleur, et ainsi de maintenir la réelle valeur du bois.

Juste un peu plus loin sur la ligne de rabotage, on retrouve le système TMG-16, un équipement développé par le Centre de recherche industrielle du Québec (Québec),, pour mesurer transversalement la rigidité des planches de bois afin d’en déterminer le classement MSR. Un outil fort utile pour PFPP qui produit près de 30 % de bois MSR, pour un total de 75 % de bois de qualité supérieure! « Le bois vient de loin, mais il est beau, lance Dominic Bouchard, le responsable de l’approvisionnement. C’est l’avantage du bois du nord. »

Chemin du bois
Dans la cour à bois, la scierie Petit-Paris conserve en moyenne 130 000 m3 en inventaire, dont près de 70 % d’épinette noire et 30 % de sapin, précise Martin Sirois. « On passe tout le sapin en 16 pieds, mais on démêle l’épinette en forêt; le gros bois en 16 pieds et le petit bois en 21 pieds pour le passer sur la petite ligne. » (NDLR : Les rondins de 21 pieds sont tronçonnés en deux avant d’être débités.)

Le bois passe ensuite dans deux lignes indépendantes ; soit une ligne PHL pour le gros bois et une petite ligne Hewitt pour le petit bois. Après être passé par le rabotage, le bois prend le chemin vers les deux classeurs, une classeur Carbotech de 42 cases pour le bois de 16 pieds et un classeur Gemofor de 25 cases pour le bois de 10 pieds.

La grande majorité du bois est séché dans un des quatre séchoirs, deux Cathild et deux MEC. Le reste est vendu vert ou séché dans d’autres installations.

Au final, PFPP fabrique un large éventail de produits, du 2×3 de 4 pieds jusqu’au 2×8 de 16 pieds et toutes les longueurs entre ces deux mesures. C’est l’entreprise Poutrelles Internationales, un actionnaire de la scierie, qui s’occupe par la suite de la mise en marché du bois.

« Ces investissements nous permettent de bien profiter des bons prix offerts sur le marché en ce moment », remarque Alain Paradis, qui note toutefois un énorme be-
soin de main-d’œuvre spécialisée, notamment des électrotechniciens et des mécaniciens. « On a aussi besoin de plus de prévisibilité pour mieux contrôler les couts d’approvisionnement, car le nouveau régime forestier a fait bondir ces couts ce près de 20 % », ajoute ce dernier.

Pour continuer à améliorer sa profitabilité, l’usine a récemment entrepris le virage 4.0 en installant des outils de prises de données et d’aide à la décision de PMP Solutions sur la ligne de rabotage. Un premier pas dans l’ère de l’usine intelligente qui ne sera pas le dernier, assure Alain Paradis.

Et l’amélioration continue ne s’arrête pas là, car PFPP a aussi embauché le Groupe Trigone, un groupe de service-conseil en amélioration de la performance, pour réaliser un plan d’amélioration continue. « En deux jours, nous avons identifié 236 mesures d’améliorations avec les employés sur place », lance fièrement Pascal Prince, consultant.

Toutes ces améliorations arrivent à point pour célébrer le 50e anniversaire de la coopérative, mais malgré les améliorations réalisées au cours des deux dernières années, l’équipe d’Alain Paradis ne compte pas s’asseoir sur ses lauriers. « C’est une histoire à succès et on veut continuer à s’améliorer », conclut-il.


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