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L’intelligence forestière

La forêt : source d’innovation de la stratégie numérique nationale

15 Décembre, 2016  par Stéphane Roche


Stéphane Roche, vice-doyen à la recherche et aux études de la faculté de Foresterie, Géographie et Géomatique, Université Laval

Àl’occasion du dernier Forum de Davos, le premier ministre Trudeau invitait les chefs d’État à investir dans l’innovation et à faire du numérique le principal vecteur de croissance économique et d’équilibre social.

De son côté, le gouvernement du Québec annonçait en mai dernier le lancement d’une grande consultation visant à co-construire les composantes fondamentales de sa stratégie numérique nationale. Le Plan d’action en économie numérique annoncé en même temps par la Ministre Dominique Anglade identifie explicitement le secteur forestier comme l’un des carrefours privilégiés entre la nouvelle économie et un secteur des ressources naturelles où le Québec a un long historique d’excellence et d’innovation. À n’en pas douter les résultats des cinq chantiers qui seront présentés le 31 octobre prochain à l’occasion du « Forum Innovation Bois – Innover pour réinventer notre industrie » confirmeront combien l’industrie forestière réinventée constitue une source d’innovation majeure de la stratégie nationale du numérique.

Les enjeux sont de taille, alors que précisément certains acteurs majeurs de l’industrie numérique tendent à mettre en opposition un secteur des ressources naturelles présenté comme une résurgence passéiste et celui d’une industrie 4.0 sur lequel reposerait l’entièreté du salut économique et social du Québec. Pourtant, une stratégie numérique n’est pas une recette universelle applicable sans un effort d’incarnation locale, régionale ou nationale. C’est d’ailleurs la seule approche permettant de composer avec les travers des logiques disruptives (uberisation par exemple) des géants de la Silicon Valley. Le Québec est un pays de ressources naturelles, le secteur forestier y est l’un des plus innovants, tant sur le plan de l’efficience, que sur celui de sa contribution au développement durable et à la lutte aux changements climatiques. Les exemples ne manquent pas, les projets d’usage des drones et de LIDAR au service d’inventaires de niveau opérationnel, de valorisation de la biomasse forestière, de « scierie du future », ou encore les travaux du consortium FORAC sur l’optimisation de la chaine de valeur de la forêt au client, démontrent le caractère innovant de notre secteur.

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La forêt Montmorency, plus grande forêt d’enseignement et de recherche au monde, est en passe de devenir la première « forêt intelligente ». La Faculté de Foresterie, Géographie et Géomatique de l’Université Laval y développe actuellement un grand programme d’innovation en infrastructure d’accueil, d’opérations et numérique au service de sa mission scientifique. Ce programme consiste à instrumenter la Forêt Montmorency de manière à en faire une forêt branchée, permettant ainsi de mieux comprendre sa dynamique naturelle et les interactions avec ses utilisateurs et ainsi prendre des décisions plus éclairées. Les activités de recherche planifiées se structurent autour d’un axe transversal méthodologique et technique consistant à instrumenter une approche innovante d’intelligence forestière. Elles se déclinent ensuite autour de trois volets thématiques envisagés dans leurs interactions entre sous-systèmes de la forêt: 1) les dynamiques forestières, 2) l’aménagement intelligent et durable et 3) la médiation et l’engagement citoyen.

L’intelligence forestière se définit par la capacité à découvrir les relations entre les composantes des écosystèmes forestiers (incluant les utilisateurs) et à développer une connaissance conceptuelle et rationnelle systémique. Alors que le numérique s’impose comme la principale ressource pour repenser les rapports des sociétés à leurs espaces naturels et aménagés, l’intelligence renvoie à la capacité à traiter l’information pour atteindre des objectifs, en optimisant l’utilisation des ressources. L’intelligence forestière engage une démarche intégrée et transversale articulée autour de : 1) la science des données massives pour extraire du sens à partir du captage de données provenant d’un ensemble d’objets et d’individus connectés (machines, arbres, animaux, cours d’eau, sols, skieurs, randonneurs, forestiers, étudiants, etc.) ; 2) du concept d’horizontalité pour concevoir la forêt comme un système complexe et comprendre plus finement ses dynamiques et son potentiel de gestion intégrée ; 3) d’une perspective multiscalaire, pour assurer les passages à l’échelle, comprendre la dynamique et concevoir des pratiques innovantes et durables selon une approche R&D ; et 4) la science citoyenne pour engager l’ensemble des usagers de la forêt dans la collecte active et passive de données à partir d’applications et de capteurs mobiles, et ainsi centrer ce nouveau modèle de forêt intelligente sur les usages professionnels et sociaux. La démarche proposée permettra un suivi en temps réel et une gestion intégrée de la forêt, appuyée sur des mesures précises, récurrentes et comparées de toutes les composantes de la dynamique forestière, de son aménagement et de ses usages.

Ce projet offre ainsi l’opportunité de proposer aux gouvernements, à l’industrie forestière et aux gestionnaires de parcs et de la faune du Canada, de nouvelles méthodes et outils de gestion durable des ressources naturelles basés sur l’innovation technologique et le numérique. Le premier modèle de forêt intelligente permettra d’assoir le Québec et le Canada dans leur position de leader et de fiduciaire des écosystèmes boréaux, en adaptant la recherche réalisée dans le domaine des villes intelligentes, domaine dans lequel le Canada est à l’avant-garde, au secteur forestier.


Par Stéphane Roche, vice-doyen à la recherche et aux études à la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval


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