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Caribou forestier: la stratégie scientifique reste « modulable »

20 juin, 2019  par Guillaume Roy



D’un point de vue scientifique, le rétablissement du caribou forestier viendrait retrancher 4 % de la possibilité forestière au Saguenay–Lac-Saint-Jean, ce qui représente environ 220 000 mètres cubes de bois. Pour tenir compte des impacts sociaux et économiques, le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFPQ), Pierre Dufour, a conclu sa tournée des régions, mercredi, à Roberval, en soulignant que la stratégie peut encore être modulée pour minimiser les impacts sur l’industrie forestière.

Dans le cadre de la dernière des huit journées de la tournée caribou, les différents intervenants du ministère sont venus présenter les propositions de protection des zones d’habitats favorables au caribou forestier.

Ce portrait préliminaire, élaboré par les scientifiques du ministère, réduirait de 4 % la possibilité forestière de la région, par rapport à la situation actuelle. Et c’est pour rédiger une stratégie plus complète, qui tient compte des impacts socio-économiques, que Pierre Dufour a réalisé une tournée couvrant six régions du Québec, pour un total de huit rencontres. 

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« On voulait prendre le pouls de la population », a souligné le ministre, en ajoutant avoir bien compris le désir d’une plus grande transparence. « On a la volonté d’ouvrir nos livres. C’est le début d’une stratégie que l’on veut accomplir en 2022-2023 . »

Lors de l’atelier de travail, qui regroupait une cinquantaine de participants de l’industrie forestière, mais aussi des groupes environnementaux, des élus et des syndicats, les représentants du MFFPQ ont présenté un portrait des zones qui pourraient être protégées pour atteindre 80 % de l’habitat préférentiel du caribou forestier. Pour y arriver, le ministère propose de réduire le taux de perturbation de certains secteurs, de restaurer d’autres zones, tout en créant des corridors de connectivités.

« Dans l’ensemble de l’aire de répartition du caribou forestier, il existe des habitats préférentiels, où il y a 75 % des chances de les retrouver quand tu arrives dans ce coin-là, a expliqué Francis Forcier, directeur général des mandats stratégiques au ministère et responsable dossier du caribou forestier. Ces secteurs sont les habitats préférentiels du caribou forestier, et on veut protéger 80 % de cet ensemble. »

Toutefois, une proportion de 53 % des habitats préférentiels du caribou forestier est déjà protégée, car plusieurs de ces habitats se trouvent au-delà de la limite nordique de récolte des arbres ou dans des secteurs protégés. Il reste donc à trouver où seront les 27 % de l’habitat préférentiel à protéger au sud de la limite nordique, soutient l’homme qui a pour mandat de s’assurer de la pérennité des populations de caribous à coût nul pour les communautés forestières. 

Besoin d’explications
Pour Pascal Cloutier, président d’Alliance forêt boréale et maire de Dolbeau-Mistassini, le ministère devra expliquer d’où proviennent les données ayant mené à la décision de protéger 80 % de l’habitat préférentiel du caribou tout en maintenant un taux de perturbation en deçà de 35 %. Aldé Gauthier, le coordonnateur de l’Alliance, propose pour sa part de protéger 60 % de l’habitat préférentiel dans un premier temps, quitte à augmenter le niveau de protection lorsque plus de bois sera disponible, notamment grâce aux mesures d’intensification forestière qui promettent d’augmenter la possibilité forestière de 50 % d’ici 2063. 

Le ministre Dufour se dit ouvert à une approche modulable, tout en soulignant que l’Alliance forêt boréale amène des questions intéressantes qui pousseront son ministère à trouver des réponses pertinentes. « Tout n’est pas “canné” », a-t-il dit, en ajoutant que les garanties d’approvisionnement aux industriels seront maintenues jusqu’en 2023. Pour la période 2023-2028, le ministre attend les données du Forestier en chef avant de se prononcer. 

Le plan de protection du caribou forestier sera annoncé en 2022, ce qui laisse suffisamment de temps au ministère pour instaurer un plan solide, estime Pierre Dufour. 

Selon Francis Forcier, c’est certain que tous les acteurs devront faire des compromis. « On veut mettre des efforts là où nous avons les meilleures chances de succès », a-t-il dit.

INVENTAIRES PLUS PRÉCIS À VENIR

D’ici la fin juin, les inventaires de caribou dans la partie nord-est du Saguenay–Lac-Saint-Jean seront complétés et suivront les inventaires de la harde de Pipmuacan à l’été 2020. Dans la région, 55 caribous sont également munis de colliers émetteurs, ce qui permet de connaître leur déplacement. D’ici 2022, le MFFPQ compte présenter des données d’inventaires complets pour tout le territoire québécois. Ces données permettront de savoir si l’arrivée de nouveau-nés permet de combler la mortalité naturelle. 

DES MESURES INTÉRIMAIRES DE PROTECTION 

Depuis le premier plan de rétablissement caribou 2005-2012, des mesures intérimaires de protection du caribou forestier sont en place dans les forêts du Québec. « Ce sont des massifs forestiers qui sont des ensembles névralgiques pour le caribou forestier, a expliqué Francis Forcier, responsable dossier du caribou forestier au MFFPQ, en réponse aux questions des industriels qui soutenaient que des mesures de protection du caribou étaient déjà appliquées. Ces secteurs-là sont protégés et parfois, il faut déplacer des planifications forestières là, de façon à permettre à l’industrie de réaliser pleinement sa garantie d’approvisionnement tout en assurant la protection. » Par le passé, ces secteurs n’étaient pas identifiés comme étant des secteurs protégés en vertu du caribou forestier, mais depuis l’annonce du ministre annonçant les territoires de protection envisagés, en avril dernier, ces territoires sont désormais étiquetés à la protection du cervidé boréal.

QUELQUES STATISTIQUES 

• Aire de répartition du caribou forestier au Québec : 644 000 km2

• Aire des habitats préférentiels du caribou : 150 000 km2

• 27 % de l’aire des habitats à protéger au sud de la limite nordique : 40 500 km2


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