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Pour en finir avec le tremble

Le MFFP et l’UQAT souhaitent maximiser le potentiel du peuplier faux-tremble.

20 mai, 2020  par Émélie Rivard-Boudreault



«Un de perdu, dix de retrouvés…», dit le dicton. Dans le cas du tremble, on pourrait aussi bien dire «un de coupé, 100 de repoussés!». Éviter la transformation des forêts mixtes en forêts de feuillus est un vrai casse-tête pour le ministère des Forêts. Un projet de recherche est donc en cours au Témiscamingue afin de trouver de nouvelles stratégies d’aménagement qui faciliteraient la réhabilitation des forêts mixtes.

Le MFFP a sollicité l’aide de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) afin de trouver une solution pour conserver la mixité de la forêt au Témiscamingue en limitant l’ampleur des travaux pour le faire. Le mandat consiste à trouver de nouvelles techniques d’aménagement pour cesser de se battre avec le tremble. «Les forêts mixtes redeviennent en feuillus, alors que la loi demande de remettre comme c’était avant», expose la professeure titulaire de l’Institut de recherche sur les forêts (IRF) de l’UQAT, Annie Desrochers.

Le ministère doit donc exécuter beaucoup de travaux ardus pour garder mixité de la forêt. «On coupe tous les trembles et les épinettes vivotent, parce qu’elles sont tout le temps surplombées de feuillus et quand on coupe le feuillu, il revient de toute façon. On se demande si on ne perd pas notre temps à faire des travaux comme ça», explique la chercheuse qui mènera ce projet avec quatre autres collègues, et le MFFP.

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L’hypothèse est que les gros trembles pourraient peut-être bien aider la repousse des petites épinettes. Trois parcelles de 1 hectare sur des terres publiques du Témiscamingue seront comparées pour le démontrer. Sur la première, tout sera coupé, sauf les épinettes. Sur la deuxième parcelle, le groupe de chercheurs va faire couper seulement ce qui pousse autour des épinettes, afin de créer des puits de lumière.

La troisième expérience consistera à laisser les gros trembles sur place pour empêcher leurs racines de se reproduire et laisser une chance aux épinettes plantées. «Quand on a un gros tremble sur son terrain, si on ne le coupe pas, il ne va pas faire de drageons alors que si tu le coupes, il va en faire des milliers. On pense donc garder les plus gros sur le terrain, pour qu’ils empêchent les racines de faire des nouveaux rejets», explique Annie Desrochers.

Sur les parcelles étudiées, les peuplements ont été coupés il y a près de 3 ans, pour ensuite être replantés en épinettes. Ce printemps, des coupes seront à nouveau effectuées. «Là, on est pris avec le problème que, si on ne fait rien, les épinettes qu’on a plantées vont mourir», illustre la professeure.

Utiliser le tremble pour stocker le carbone?
Un autre volet de la recherche consiste à étudier le potentiel des trembles pour limiter les changements climatiques. «On se sait pas ce que ça fait sur le stockage du carbone de recouper le tremble comme ça à plusieurs reprises pour faire pousser des petites épinettes qui poussent presque pas. Au lieu de se battre avec le tremble, comme ça pousse vite et que ça pousse bien, est-ce que la composante «feuillu», ce n’est pas une richesse de ces peuplements-là?», questionne Annie Desrochers. En fait, le groupe d’universitaires estime qu’en laissant les gros trembles, il sera possible de stocker davantage de carbone sur les parcelles étudiées. Ce printemps, lorsque les coupes seront effectuées, des échantillons de sol seront récoltés pour mesurer la quantité de carbone stocké. La collecte de données s’échelonnera sur trois ans.

Avec ce projet de recherche et plusieurs autres, l’UQAT est en train de se développer un créneau en matière d’études sur le stockage du carbone en foresterie et en agriculture. L’arrivée récente d’un spécialiste en la matière, Vincent Poirier, n’est pas étrangère à cette orientation. Le professeur à l’UQAT en biochimie des sols forestiers collaborera justement avec Annie Desrochers sur la recherche de la forêt mixte du Témiscamingue. Selon lui, la foresterie a à gagner sur son potentiel. «Le sol est le deuxième plus grand réservoir de carbone de toute la biosphère, souligne-t-il. Le stockage du carbone, les changements climatiques, la lutte aux émissions des GES… il y a une conjoncture. Il faut bénéficier de ce «hot-topic»-là», estime le chercheur passionné.


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