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La Coopérative forestière Girardville innove avec deux planteuses Bracke et des scarificateurs pour la préparation de sites.

11 avril, 2013  par Scott Jamieson


De gauche à droite : Rémi Lefebvre, contremaître pour la Coopérative ; Serge Simard, directeur de la sylviculture pour la Coopérative ; Réjean Fontaine, entrepreneur et propriétaire de la machine ; et Jean-Luc Hudon, représentant du fabricant Bracke.

Les cadres et les employés de la Coopérative forestière Girardville ont bien assimilés la règle qui veut que l’on remette les choses dans l’état où on les a prises. Grâce à deux nouvelles planteuses mécaniques arrivés tout droit de Suède, les spécialistes en sylviculture du Lac-St-Jean travaillent étroitement avec le ministère des Ressources Naturelles et de la Faune (MRNF) à remettre en production même les sites les plus difficiles et dangereux. Il s’agit là d’une très bonne nouvelle, compte tenu des réductions de coupes à travers le Québec.

La Coopérative est un acteur très important sur la scène de la sylviculture dans le nord du Québec. En 2008, elle aura traité plus de 15 000 hectares à l’aide d’une variété d’outils anciens et nouveaux pour la préparation de sites, et elle aura planté 22 millions de jeunes plants. Une année record, grâce en grande partie aux nouvelles planteuses et à un fort volume de sites incendiés à récupérer. Elle aura récolté également près de 200 000 m3 et construit quelque 100 km de chemins forestiers.

La Coopérative regroupe environ 200 membres, emploie 500 travailleurs en période de pointe saisonnière et cumule des revenus de plus de 22 millions de dollars. Elle gère également une entreprise innovatrice sur le point de connaître son envol, laquelle tire parti de la biomasse en vendant des huiles essentielles et des ingrédients culinaires glanés en forêt et en sous-étage.

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Cependant, Serge Simard, le directeur en sylviculture, admet que sa gamme d’équipements de préparation de sites commençait à se faire vieille. « Nous sommes comme presque toutes les autres entreprises en sylviculture au Canada, nous comptons sur des équipements qui ont été achetés dans les années 80 pour notre programme de préparation de sites. Vous ne voyez pas cela dans les autres secteurs forestiers, comme l’exploitation. Nous avons donc, il y a quelques années, pris la décision de commencer à moderniser nos équipements pour profiter de l’évolution dans le domaine des outils de préparation de sites. Eh! 25 années, c’est une longue période en machinerie, surtout si l’on tient compte des changements survenus en matière de contrôles informatisés. »

Voyages en Suède
La première étape a consisté en plusieurs voyages en Suède pour voir à l’œuvre les plus récents équipements de préparation et de plantation, la plupart fabriqués par la compagnie Bracke. Lorsque les responsables ont été convaincus de la pertinence d’expérimenter ces outils dans des conditions canadiennes, ils ont travaillé conjointement avec les représentants locaux du MRNF qui avaient également étudiés pendant un certain temps les outils, les techniques et les résultats en Suède.

« Nous avons été chanceux de compter dans notre région sur des joueurs très proactifs du MRNF, explique M. Simard. Ils comprenaient le besoin de s’améliorer, d’effectuer un meilleur travail pour la culture des arbres sous nos conditions climatiques. Et ils avaient mis temps et efforts pour examiner la nouvelle machinerie, comme les planteuses, et la nouvelle technologie, comme la plantation sur butte. Ils nous ont encouragés à aller de l’avant et nous ont aidés dans notre travail alors même que les nouveaux règlements entourant ces techniques étaient en cours de création. Tout cela a été très positif pour nous. »

Les noms de ces promoteurs sont Jean-Pierre Girard et Jean Chouinard qui ont tous les deux vu les avantages de ces options peu communes, par exemple la plantation sur butte, dans les conditions que l’on connaît au Québec. Ils ont décidé d’appuyer la Coopérative et des groupes semblables dans leurs efforts pour appliquer la technique et les nouveaux outils sur un grand nombre de sites.

Les investissements de la Coopérative forestière Girardville pour de nouveaux équipements de sylviculture ont débuté en 2006. Les propriétaires de machines de la Coopérative ont alors testé la nouvelle gamme de scarificateurs à disques Bracke T26.a. Ces machines munies de contrôles de pointe et capables de s’ajuster presque instantanément aux conditions changeantes du terrain, ont fait un travail de beaucoup supérieur aux anciens scarificateurs, de l’avis même des responsables du Ministère et de la compagnie AbitibiBowater, cliente de la Coopérative.

Encouragée par ce succès et intéressée par les rendements comparatifs entre la plantation régulière et celle sur butte, tels que constatés lors d’un voyage en Suède, la Coopérative a ajouté, en 2007, un scarificateur à monticules à trois rangs de modèle M36.a. Il s’agit du premier modèle en service au pays selon le distributeur canadien, la compagnie Commerce d’importation Silvana inc. Les résultats et les commentaires du MRNF sur ce projet ont également été positifs. Finalement, la Coopérative de concert avec deux de ses membres propriétaires, a dernièrement fait l’essai de deux planteuses mécaniques Bracke P11.a qui exécutent simultanément la préparation de terrain et la plantation.

Terrains incendiés
La Coopérative compte deux des cinq planteuses travaillant dans la région du Lac-St-Jean. Pour l’industrie québécoise comme pour le gouvernement, la raison en est bien simple : maximiser la régénération. La réduction de 20 % ou plus de la possibilité de coupe décrétée à la suite de la Commission Coulombe, de même que les contrecoups subis par l’industrie récemment, créent une pression en vue de produire le plus haut volume possible de récolte à partir des peuplements encore disponibles. Ce qui est directement lié à la croissance que l’on peut escompter des peuplements remis en production après récolte, incendie ou infestation d’insectes.

« L’objectif est de remettre en production le plus de territoire possible, dans les meilleures conditions. Ces planteuses nous permettent de traiter des sites qui autrement seraient inaccessibles, comme ce terrain incendié sur lequel nous travaillons actuellement. Ce sur quoi nous avons déjà travaillé d’ailleurs. Le facteur important, c’est qu’on peut le faire sans mettre en péril nos équipes de planteurs manuels. C’est un atout majeur que permettent ces machines. »

Lors de notre visite à la fin de septembre dernier, les deux plan-teuses terminaient leur saison sur un immense site incendié à seulement 30 minutes de Girardville, une exception dans une région où les déplacements en forêt prennent deux heures en moyenne. La première machine, propriété de Réjean Fontaine et opérée par Simon Fortin, travaillait sur un terrain qualifié par Serge Simard de typique pour les planteuses, peut-être même un peu facile : terrain dur, déchiré, avec plein de roches et de pentes, où l’on retrouve un sol glissant et des tiges carbonisées à l’allure de lances pointant dans toutes les directions. Un environnement infernal pour un planteur.

Une simple marche sur ce site requiert une attention constante, d’expliquer le contremaître Rémi Lefebvre et encore, le jour de notre visite représentait une journée facile à son avis. « Ce n’est pas si mal aujourd’hui, mais imaginez avec un peu de pluie. Nous ne pourrions pas marcher à travers cela. Il est très facile d’y perdre pied et de tomber tête première, avertit-il en montrant le tapis de tiges pointues. Je peux vous affirmer qu’il y a eu des occasions où j’ai été très heureux de porter mes lunettes de sécurité. »

Opérations simultanées
La nouvelle génération de planteuse Bracke P11.a profite de plusieurs années de développement, elle propose une amélioration marquée par rapport aux premiers modèles présentés à DEMO 92 à Kelowna en Colombie-Britannique. Les opérations actuelles sont donc simples. Les deux unités travaillant pour la Coopérative sont installées sur des abatteuses usagées Caterpillar 320 qui peuvent se rendre à peu près partout où le font ce type de porteurs sur chenilles (des excavatrices munies de protection peuvent être également utilisées tout dépendant du site). L’opérateur couvre le site à traiter en plantant tout autour de lui une douzaine de plants, puis il se déplace vers l’avant et répète l’opération.

Une fois qu’on a choisi un endroit propice, la section articulée du scarificateur à la base de la planteuse, est utilisée pour créer un micro site surélevé. Cet accessoire résistant est aussi fréquemment utilisé pour pousser ou écraser les restes brûlés et la végétation compétitive. Une fois le site préparé, la planteuse est déposée à plat et un contenant de plant est inséré dans le sol et compressé, en un seul mouvement. L’opérateur bouge ensuite sa flèche vers le prochain site.

Pour s’assurer d’un succès optimal en plantation, la Coopérative utilise des plants plus gros (45s) dans la planteuse. Elle a essayé des plants plus petits (67s) mais ils sont plus fragiles et peuvent facilement être plantés trop en profondeur. Le carrousel de la machine contient 72 plants, suffisamment pour travailler plus de 25 mi-nutes en sites difficiles sur lesquels la machine est habituellement affectée. Ensuite, l’opérateur remplit à nouveau le carrousel avec des plants provenant de l’un des deux bacs d’approvisionnement accrochés au porteur, lesquels sont protégés de tout contact avec l’huile hydraulique ou autres contaminants par un couvercle rigide ou des rabats en caoutchouc fermes. La séquence dure quelques minutes et, même si le représentant de Bracke, Jean-Luc Hudon, affirme que la compagnie est à mettre au point un carrousel plus volumineux en Suède, ni Serge Simard, ni l’opérateur Éric Doucet ne semblaient s’en préoccuper.

« Ça vous permet de sortir à environ toutes les 20 minutes, de marcher autour, de vous étirer et de vous changer les idées, explique Éric Doucet qui travaillait auparavant sur une abatteuse. Je crois qu’en fait, ça améliore la production de la journée parce que ça vous rafraîchit. » C’est en partie pour cette raison qu’il peut demeurer productif pendant un quart aussi long que 12 heures, ce qui était impossible sur une abatteuse, précise-t-il. De façon générale, les machines travaillent à la clarté du jour seulement, ce qui signifie deux quarts de 8 heures au milieu de l’été et, aussi loin au nord, seulement un long quart de 11 ou 12 heures à la fin du mois de septembre.

Plus de 200 plants par heure
Pour la récupération de terrain incendié comme celui-ci, la Coopérative plante environ 1800 arbres par hectare en fonction du site. Dans les parterres normaux, là où l’entrepreneur avait auparavant satisfait aux normes de perturbation du sol et aux règlements de protection de la régénération avancée, seul les sentiers d’extraction et les zones à faible repousse seront sujets à la plantation. La production de la planteuse P11.a, selon Serge Simard, peut varier entre 120 plants par heure jusqu’à plus de 200, et la compagnie Bracke fixe la limite supérieure à 225 ou plus. Sur les chantiers visités, on a atteint approximativement 125 arbres par heure sur un site difficile et rocheux alors que, sur un une autre plus facile, la planteuse de l’entrepreneur Guy Harvey, opérée par Éric Doucet, atteignait plus de 180 plants par heure.

« Mais sur ce second site, normalement, on n’aurait pas dû uti-liser la planteuse, prévient M. Simard. C’est de la petite bière ; nous l’utilisons seulement pour finir de planter nos derniers plants car c’est le dernier jour de la saison. Une équipe manuelle peut facilement faire le travail. Il faut donc être prudent avec les chiffres. On a acquis les deux planteuses spécifiquement pour les zones les plus difficiles, de sorte que leur production va fléchir en conséquence. Au cours de la saison complète, ce qui donne des résultats réels, on a produit en moyenne 135 à 139 plants par heure en incluant tout. Ce sont des résultats raisonnables compte tenu du travail que nous faisons. »

« Peut-être deviendrons-nous meilleurs avec l’expérience et moins d’interruption, poursuit-il. Il s’agissait d’une année d’essai et nous avons en fait essayer bien des choses juste pour savoir si on pouvait les faire. Nous avons travaillé sur un territoire incendié 8 ans plus tôt où nous écrasions une compétition arbustive de six pieds de hauteur. Et en bout de ligne, ça ressemblait à ici, dit-il en montrant le site « facile » celui qui constituait « de la petite bière ». Cela affecte toutefois la production. Je vous dirais que, si nous travaillons sur plusieurs sites différents, avec un bon nombre de déplacements, avec l’expérience additionnelle que nous allons acquérir et en incluant les temps morts, nous nous rapprocherons des 150 plants par heure. Il faudra suivre cela de près, au fur et à mesure des travaux. »

Serge Simard précise que la machine effectue la préparation de site et la plantation en une seule opération, si bien qu’il
considère les résultats comme raisonnables étant donné les conditions extrêmes. L’an prochain, le Ministère utilisera ces données, en conjonction avec les études de FERIC et les analyses de terrain de l’actuelle performance en plantation, en vue de produire les recommandations en matière de plantation mécanisée et, bien sûr, d’établir les tarifs. Les gens du bureau régional du Ministère ont été coopératifs au cours des essais sur la planteuse et sur le nouvel équipement de préparation de terrain, ajoute Serge Simard, un soutien au travail en évolution.

Version renforcée
Pour ce qui est de la fiabilité, Serge Simard affirme que les planteuses et les porteurs ont fait du bon travail. À part le graissage et le remplacement occasionnel d’un boyau endommagé par les débris, les planteuses n’ont fait que travailler. « On a identifié quelques points qui avaient besoin de renforcement et très tôt, le représentant Jean-Luc Hudon a effectué des ajustements. Mais les machines ne représentent qu’une partie de l’ensemble. Nous avons également fait quelques modifications de notre cru, comme insister pour que les opérateurs effectuent un entretien proactif, par exemple resserrer les pièces aussitôt qu’elles ont du jeu. De sorte que nous avons connu bien peu de temps morts, même avec les vieilles abatteuses. »

Les ingénieurs suédois de Bracke ont également fait des ajustements et en sont venus à créer une version « canadienne » fondée sur l’expérience dans la région. « C’est une histoire familière : quand des équipements arrivent au Canada, on ajoute de l’acier, dit en riant Jean-Luc Hudon. Lorsque la compagnie a constaté l’utilisation faite ici – écraser la compétition arbustive et cogner sur des débris en terrain rocheux-, les ingénieurs se sont mis à effectuer des modifications. En Suède, on travaille dans des zones où la biomasse a été récoltée, de sorte qu’il reste moins d’obstacles. Ça ne se passe pas comme ça ici, en tout cas pas pour l’instant. Alors ces planteuses sont construites pour travailler ici, de la façon dont nous les utilisons. »

La première année avec cinq planteuses dans la région s’est bien déroulée, selon Jean-Luc Hudon. En plus du soutien au démarrage, le rôle du représentant inclut les vérifications mécaniques et la formation des opérateurs sur tous les équipements Bracke. Il est convaincu que des gains en efficacité continueront au fur et à mesure que les planificateurs, les propriétaires et les opérateurs s’habitueront aux limites et aux possibilités des machines. « D’abord, il est avantageux d’avoir les planteuses travaillant conjointement avec les équipes de planteurs manuels lorsque c’est possible. De cette façon, toute l’infrastructure est en place : les chemins, les camps, les superviseurs et, bien sûr, les plants. Ce ne fut pas le cas cette année en raison de la nouveauté de la chose, mais c’est le but à atteindre. »

La formation n’est pas un gros problème, d’après lui. « Un bon opérateur d’excavatrice ou d’abatteuse ne mettra pas plus que quelques semaines pour apprendre à lire le terrain et comment choisir les sites, ou à recommencer si le premier site ne convenait pas, précise-t-il. C’est réellement plus un état d’esprit et une compréhension claire des objectifs, tout comme des effets d’une mauvaise plantation, que n’importe quoi d’autre. »

Les entrepreneurs en sylviculture de la région devraient bientôt obtenir davantage de soutien en formation puisque l’école de foresterie de Dolbeau envisage un cours accéléré pour les opérateurs en sylviculture et en préparation de site, étant donné le grand nombre de nouveaux équipements travaillant dans la région. On y ensei-gnera les notions de base, tels les objectifs des différentes techniques de préparation de site. Ce sera une aide précieuse pour la formation de nouveaux opérateurs, selon MM. Simard et Hudon.

Récupérer des zones rapprochées
Les 320 000 plants supplémentaires ajoutés cette saison grâce aux nouvelles machines seront également d’un grand apport pour les futurs forestiers, entrepreneurs, scieurs et toutes les communautés de cette région dépendante de la forêt.

« Ce sont de bons sites productifs, mais nous ne pouvions pas les traiter auparavant, résume Serge Simard. Ça représentait une perte totale de territoire, et plusieurs sont rapprochés des usines. C’est bien de les remettre en production. Nous investissons dans notre propre avenir ici. Lorsqu’on regarde l’état de l’industrie actuellement,
il est clair que nous devons tous changer. Nous cherchons des façons d’innover et d’améliorer tout ce que nous faisons. »

Serge Simard et ses collègues ont un hiver bien chargé qui les attend, même si « officiellement » il s’agit d’une période calme pour les équipes de sylviculture. Ils travailleront de concert avec le Ministère en vue de mettre au point les pratiques de plantation et de préparation de site au moyen des nouveaux outils et techniques. Ils travailleront également ensemble pour adapter la production de plants afin de maximiser l’efficacité de ces nouveaux outils.

« On a connu une bonne année avec les planteuses, mais il y a des choses que le Ministère peut faire dès l’ensemencement pour améliorer le travail. Dans l’ensemble, on a travaillé étroitement avec eux à tous ces projets, qu’il s’agisse des nouveaux scarificateurs à disque, des scarificateurs à monticules ou des planteuses. Ils ont été disponibles pour apprendre, pour innover et pour nous suivre pas à pas dans ce que nous entreprenions. Nous sommes tous encouragés. Il semble bien que ça va fonctionner. »


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