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Devoir d’autorité

Faut-il discipliner un travailleur après un accident de travail?

25 janvier, 2017  par Jean-François Dufour avocat à l’ASSIFQ-ASSPPQ



L’un de vos travailleurs est victime d’un accident de travail alors qu’il effectue un déblocage sans s’être cadenassé au préalable se résultant malheureusement par l’amputation de trois doigts de sa main droite.

Au terme de votre enquête sur cet accident, vous découvrez que l’une des causes est que le travailleur n’a pas respecté la procédure de cadenassage. Vous vous questionnez donc à savoir si une mesure disciplinaire doit lui être imposée, d’autant plus que votre politique en matière de santé et sécurité du travail prévoit une suspension automatique de trois jours pour ce type d’infraction.

Que faire dans ce genre de situation sachant que ce travailleur conservera les séquelles de cet accident tout au long de sa vie?

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Retour sur les principes de diligence raisonnable
Il faut tout d’abord se rappeler qu’en matière de santé et sécurité du travail, vous possédez en tant qu’employeur une vaste obligation (article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail) de protéger et d’assurer l’intégrité physique de vos travailleurs.

Cette obligation sera mise en œuvre par les principes de la jurisprudence des tribunaux judiciaires en matière de « diligence raisonnable ». Ainsi, vous devrez faire preuve de prévoyance (connaissance des risques), d’efficacité (mise en œuvre des contrôles encadrant les risques) et d’autorité (notamment en sanctionnant les travailleurs fautifs).

En prévention, les étapes faisant appel à la connaissance des risques et à l’encadrement de ceux-ci sont primordiales. Toutefois, le Tribunal accordera une grande importance au devoir d’autorité dans l’évaluation de votre défense de diligence raisonnable.

Sans la présence de cet élément, vous ne pourrez malheureusement pas concrétiser votre défense de diligence raisonnable. Il vous faudra absolument poser des actions concrètes en regard de votre autorité.

Un devoir d’autorité
L’imposition d’une mesure disciplinaire à un travailleur constitue l’essence même de l’exercice du droit d’autorité en matière de diligence raisonnable.

De plus, toute situation requérant l’imposition d’une mesure disciplinaire, même si le travailleur a été victime d’un accident du travail, nécessite une action de votre part en tant qu’employeur. Il faut donc agir de manière contemporaine au geste ou à la situation en cause, c’est-à-dire, entreprendre un processus disciplinaire rapidement.

Ainsi, même un travailleur accidenté devra être discipliné si l’enquête démontre que ce dernier n’a pas respecté une directive ou une méthode de travail sécuritaire. Des émotions du type « il a déjà eu sa sanction, car il lui manque maintenant trois doigts » ne devront pas influencer votre décision dans le processus.

Les étapes à suivre
Bien que le principe de gradation des sanctions doive guider votre action en matière disciplinaire (avis verbal et écrit, suspension ou congédiement), un principe d’équité procédurale doit être respecté tout au long du processus menant à l’imposition de la sanction, quelle qu’elle soit.

La première étape est l’enquête. Vous verrez à circonscrire les circonstances exactes de la survenue du comportement reproché au travailleur. Vous rencontrerez tous les témoins en cause afin de recueillir leurs versions des faits.

Par la suite, une rencontre exclusive avec le travailleur doit être effectuée afin de recueillir sa version des faits. Vous validerez alors les éléments recueillis auprès des différents témoins dans le cadre de votre enquête.

Tous les éléments de la déclaration du travailleur seront utiles, car ils serviront ultérieurement à déterminer la sanction qui devra lui être imposée. C’est ce qu’on appelle le jeu des facteurs aggravants (négation de toute responsabilité, mesures de sécurité inadéquates, etc.) ou atténuants (reconnaissance de son erreur, directive erronée de son supérieur immédiat, etc.).

La dernière étape est l’imposition de la mesure disciplinaire. Vous indiquerez alors au travailleur la mesure que vous entendez suivre, et ce, en fonction du principe de gradation des sanctions, mais également en regard de vos politiques en matière de santé et de sécurité du travail.

Il est important de rappeler que tout travailleur doit être traité sur un même pied d’égalité. Sinon, vous ne ferez que suspendre la mise en œuvre de la mesure disciplinaire.

Pour conclure, il est important de retenir que la santé et la sécurité du travail sont des motifs méritant des mesures disciplinaires au même titre que les retards d’un travailleur. Vous devez donc agir sans quoi vous ne pourrez prétendre faire preuve de diligence raisonnable advenant que la CNESST donne un constat d’infraction, car vous n’aurez pas accompli votre devoir d’autorité.


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