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Nouveau régime forestier: un impact limité sur les coûts d’approvisionnement

11 février, 2021  par Guillaume Roy


Alors que certains industriels forestiers estimaient que le nouveau régime forestier avait causé des augmentations des coûts d’approvisionnement de 30 %, une vaste enquête sur les coûts de récolte et de transformation, qui vient d’être publiée, relève plutôt une augmentation moyenne de 8,5 % pour le bois résineux et de 6,6 % pour les bois feuillus.

Le ministère de la Forêt de la Faune et des Parcs (MFFP) a publié l’Enquête sur les coûts d’opération forestière dans les forêts du domaine de l’État ainsi que sur les coûts et revenus de l’industrie du sciage du Québec 2019, en toute discrétion sur le site Web du Bureau de mise en marché des bois (BMMB), à la mi-janvier.

Depuis la dernière enquête effectuée en 2014, une année après la mise en place du nouveau régime forestier, les coûts d’approvisionnement en bois résineux, connu d’après l’acronyme SEPM (pour sapin, épinette, pin et mélèze), ont augmenté en moyenne de 8,5 %, passant de 67,18 $/m3 en 2014 à 72,87 $/m3 en 2019.

Presque tous les postes (récolte, chemins, transport, hébergement) ont augmenté, sauf les transferts à l’État, qui ont diminué de 17 %, pour atteindre 12,32 $/m3 dans le SEPM, à cause de compensations versées notamment pour la construction de chemins multiressources et pour récupérer le bois affecté par la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

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Le coût de transport est passé de 16,13 $/m3 à 17,75 $/m3 entre 2014 et 2019.

Pendant la même période, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 6,7 %. « C’est dur d’isoler les effets de chaque variable, mais l’enquête démontre clairement qu’il n’y a pas eu une hausse faramineuse des coûts d’approvisionnement », souligne Vincent Auclair, le directeur des évaluations économiques et des opérations financières au Bureau de mise en marché des bois (BMMB).

Une moyenne qui cache les détails

Selon Michel Vincent, directeur économie et marché au Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), l’enquête réalisée pour le MFFP présente des données solides, mais les moyennes présentées ne permettent pas de refléter la réalité de toutes les entreprises. « Il n’y a pas deux entreprises pareilles », dit-il, en expliquant qu’il y a forcément des variations de coûts d’une entreprise à l’autre, et d’une région à l’autre.

En excluant les transferts à l’État, les coûts d’approvisionnement ont augmenté de 15,8%, passant de 52,27 $/m3 à 60,55 $/m3.

Vincent Auclair admet qu’il existe une variabilité, mais avec des réponses qui permettent d’évaluer 78 % des volumes de bois récoltés au Québec – avec une bonne représentativité régionale, dont tous les gros joueurs industriels – les données donnent une image fiable de la réalité de 2019.

Pour permettre de mieux évaluer la situation, François Laliberté, le président de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, aurait aimé que l’étude présente les écarts de variabilité avec la moyenne, tout en conservant l’anonymat des scieries, afin de connaître la sensibilité de l’enquête et la réalité vécue par certains joueurs.

Les transferts à l’État ont diminué depuis 2014, notamment à cause de compensations versées pour récupérer le bois affecté par la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

Michel Vincent admet qu’on ne retrouve pas la hausse de 30 % de coûts d’approvisionnement mis de l’avant par plusieurs industriels forestiers, mais il n’exclut pas l’idée que les coûts de certaines entreprises pouvaient approcher une telle hausse. En excluant les transferts à l’État, les coûts d’approvisionnement ont augmenté de 15,8 %, passant de 52,27 $/m3 à 60,55 $/m3.

« Pour nous, l’enquête confirme que le nouveau régime a eu un effet à la hausse sur les prix », dit-il, craignant qu’une proportion des pertes ait été absorbée par les entrepreneurs forestiers. Une étude réalisée l’an dernier sur les entrepreneurs forestiers par PwC révélait des marges de profits d’à peine 3 à 4 %, les mettant à risque, estime Michel Vincent.

« Au cours des dernières décennies, l’amélioration de la productivité a presque toujours compensé l’augmentation des coûts, remarque François Laliberté. La faible augmentation des coûts pourrait vouloir dire que ce sont les entrepreneurs qui subissent les contrecoups. » L’enquête du MFFP n’a toutefois pas de données à ce sujet.

Et le feuillu ?

Entre 2014 et 2019, les coûts d’approvisionnement pour le bois feuillu ont connu une croissance de 6,6 %. En regardant dans le détail, on observe que les coûts pour le bois de qualité sciage sont restés stables, alors que les coûts pour la récolte des peupliers ont augmenté de 21,3 %. Selon l’enquête, cette variation est en partie tributaire à un plus grand nombre d’entreprises enquêtées.

L’étude complète peut être consultée sur le site Web du BMMB ou avec l’aide de ce lien: www.bit.ly/2MVBe6s.

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Une enquête quinquennale sur les coûts d’opération et de transformation

Réalisée tous les cinq ans, l’Enquête sur les coûts d’opération forestière dans les forêts du domaine de l’État ainsi que sur les coûts et revenus de l’industrie du sciage du Québec 2019 est très importante, car c’est la source de données sur laquelle se base le MFFP pour calibrer ses modèles de coûts.

« C’est une source très crédible d’information sur les coûts réels des entreprises qui nous permet de calibrer les modèles de calcul de la valeur marchande des bois sur pieds », souligne Vincent Auclair, le directeur des évaluations économiques et des opérations financières au Bureau de mise en marché des bois (BMMB).

L’enquête, réalisée par le Groupe DDM, une firme indépendante, a été menée auprès de 73 entreprises bénéficiaires de garanties d’approvisionnement, dont tous les plus gros joueurs industriels, et d’enchérisseurs de bois public touchant plus de 80 % des bois récoltés au Québec. On y détaille les coûts d’opération, comme les coûts de construction et de réfection des chemins forestiers, de récolte, de transport et d’hébergement en forêt, tout comme les coûts de transformation. L’enquête présente les résultats pour quatre catégories différentes, soit les usines transformant le bois résineux (sapin, épinettes, pin gris et mélèzes – SEPM), les peupliers, les feuillus durs ainsi que les entreprises qui achètent des lots aux enchères, comme les coopératives forestières, les groupements forestiers ou les entrepreneurs forestiers généraux.

Dans un premier temps, les entreprises devaient fournir des données comptables et forestières, des données qui ont par la suite été vérifiées par une firme comptable et par des vérifications sur le terrain.

« Cette étude permet de comparer des pommes avec des pommes, en comparant les postes de coûts au même endroit pour chaque entreprise », souligne Vincent Auclair. Par exemple, les dépenses de tronçonnage sont incluses dans les coûts d’approvisionnement, même si l’activité est réalisée dans les cours d’usines de certaines entreprises.


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