Opérations Forestières

En vedette Biomasse Granules
Énergex : migrer vers la haute technologie

Pour moderniser une usine de l’ « antiquité », Energex investit près d’un demi-million de dollars par an.

22 juin, 2017  par Anabel Cossette Civitella


Pour assurer l’uniformité des granules, le chauffeur de l’excavatrice doit maîtriser l’art du mélange des sciures et planures lorsqu’il mixe les deux piles de bois dur avec une pile de bois mou.

L’un des usine de granule les plus importante de la province, Énergex, pourrait aussi remporter la palme des plus anciennes. Max Béraud, directeur de l’usine basée à Lac-Mégantic, n’hésite même pas à lui accoler l’étiquette « d’antiquité » !

Créée en 1983 par BioShell – en pleine crise du pétrole – l’usine située à Lac-Mégantic en Estrie a alors profité du savoir-faire et des normes pétrolières en vigueur pour développer son efficacité. Rachetée par Énergex en 1993, l’usine a depuis lors continué à « dépasser les normes » en matière de granules et à raffiner son équipement dans ce qui a trait à la prévention des incendies.

Les granules signées Énergex
« C’est l’employé au volant de l’excavatrice qui influence le plus la recette qui servira à faire les granules », dit Max Béraud, en supervisant le brassage des retailles de bois à l’extérieur de l’usine Énergex.

Advertisement

Avec sa pelle, le chauffeur de l’excavatrice doit maîtriser l’art quasi gastronomique du mélange lorsqu’il mixe les deux piles de bois dur avec une pile de bois mou. Il s’assure ainsi de l’uniformité des planures, sciures et autres retailles de bois qui arrivent des quelques 80 scieries de partout au Québec. Et attention, Énergex n’achète que du bois vierge. « Pas de recyclage (bois de palette ou bois de construction), pas d’écorce, pas de tremble, pas de chimique », précise Max Béraud, en marchant entre le bâtiment destiné à la granulation et celui destiné à l’ensachage.

Sur les 2000 tonnes de granules prêtes à être livrées qui s’empilent dans l’entrepôt en cette fin avril, la majeure partie ira à Maine Energy System, le principal client en vrac, aux États-Unis. L’autre portion, ensachée celle-là, est vendue à Home Depot, à Lowes et à de petits commerçants, soit 80% de la production en sac de 40 livres. Au total, Énergex produit 120 000 tonnes métriques de granules par année, autant que son usine jumelle située en Pennsylvanie. Les principaux acheteurs se trouvent aux États-Unis. Seuls 2% de la production reste au Québec ou s’en va outre-mer, en Italie. L’ensemble de la production est destinée au secteur résidentiel.

Vieille usine, nouvel équipement
Lorsqu’on entre dans l’usine, la petite surface du plancher de 10000 pi2 a de quoi étonner. Les séchoir, broyeur, granuleuse, refroidisseur et tamis se partagent l’espace à la verticale, sur quatre étages.

« C’est une vieille usine de 32 ans », rappelle Max Béraud pour expliquer les derniers investissements de l’entreprise – au bas mot, un demi-million de dollars par année. Lors des changements des quatre dernières années, Énergex est restée fidèle à son séchoir MEC. Ils ont toutefois opté pour des cyclones Rodair de plus haute efficacité et en acier inoxydable. Le nouveau refroidisseur LMM a lui aussi été choisi pour sa plus grande efficacité : « Beaucoup plus compact, moins énergivore… en inox aussi », mentionne Max Béraud.

Mais c’est lorsqu’on se met à parler des nouvelles granuleuses Andritz que Max Béraud devient mystérieux. C’est qu’Andritz ne fabrique pas que la machine, mais aussi les matrices et les rouleaux qui servent à faire la compression des granules. « Ils sont capables de faire ces pièces selon nos spécifications… et comme ce sont des pièces d’usure qui coûtent relativement cher, il y a des économies à faire », explique le directeur d’usine.

Suivi serré des vibrations
Quand on fabrique des granules, les granuleuses sont le coeur du système.

« Nous, le coeur du système, on l’a mis sur monitoring complet, dit Maxime Béraud. Il est comme aux urgences à l’hôpital ! »

Et quel instrument permet ce suivi serré ? L’analyse vibratoire en continu Ness, un système qui distingue Énergex de ses compétiteurs.

« En prenant conscience de la vibration sur chaque machine, ça permet de savoir exactement ce qui se passe et, en retour, on les contrôle excessivement bien. On s’assure qu’elles sont bien ajustées, bien lubrifiées… ce qui permet d’optimiser la productivité de la machine et de s’assurer de son état. »

D’ailleurs, au cœur des économies, il y a la lubrification. Une usine normale dépense 100 000$ en graisse chaque année, pour quatre granuleuses, assume Max Béraud. Par comparaison, à Énergex, la lubrification coûte 6 000$ et ce, simplement en graissant à la main. « Habituellement, ce sont des graisseurs automatiques. Mais comme on a modifié nos machines, on a besoin de très peu de graisse. »

Protégé contre le feu
Autre équipement qui distingue Énergex ? Le système de prévention de détection d’étincelles (Flamex) et le système anti-explosion (Fenwall). À cause de la quantité de poussière dans les résidus de bois, il suffit d’une étincelle provenant d’un convoyeur qui frotte ou d’un bearing cassé pour que l’usine parte en fumée.

C’est pourquoi Énergex s’est doté d’un système qui détecte l’onde de choc produite par l’explosion. Des boules de la taille d’un ballon de soccer sont installées partout où il y a beaucoup de poussière, comme sur les trémies. Ces boules contiennent de l’eau sous pression. S’il y a explosion, le déplacement d’air qui précède la boule de feu est détectée par le système qui déclenche l’ouverture des boules. L’eau qui en sort stoppe l’explosion.

L’efficacité (qu’a pu déjà tester Max Béraud!) vaut son pesant d’or. Mais même si l’ensemble revient à 360 000 $, Max Béraud ne s’en passerait pas. « Quand ça explose, tu es content, parce qu’il n’y a rien qui a bougé. Ça ne prend que le temps de remplir les boules et de remettre le détonateur. On fait 24 heures d’arrêt, un grand ménage et on repart. »

Aléas de la granule
Les critères d’excellence en matière d’efficacité et de sécurité n’ont pas toujours suffi à Énergex. En 2010, l’entreprise a dû cesser ces opérations en plein hiver, faute d’acheteurs. À cette époque, pas le choix, il a fallu développer leur bottin de client. Comme quoi le phénix peut toujours renaître de ses cendres, le nouveau client en sac datant de cette époque est Home Depot qui, dans une bonne année, achète jusqu’à 60% de la capacité de l’usine ! Néanmoins, l’usine ne fonctionne toujours pas à plein régime (à 70-75% de capacité).

Pour résoudre une autre difficulté, celle de l’approvisionnement en bois provenant des scieries, Énergex s’est allié avec Tafisa Canada à Lac-Mégantic, une usine de panneaux de particule. Les achats groupés permettent un meilleur contrôle : « On ne se nuit pas et on a un pouvoir de négociation plus élevé», dit Max Béraud.

Devant ces difficultés, lorsqu’on lui demande ce que sera la prochaine étape pour Énergex, Max Béraud peut bien sûr imaginer démarrer une nouvelle usine pour se rapprocher de la matière première et du marché des acheteurs. Mais avant de penser à grossir, il faut créer un réseau de distribution en vrac croit-il. Et c’est là une grosse lacune du marché de la granule.

Même si les usines de granules de bois compétitionnent directement avec l’industrie pétrolière, paradoxalement, l’entreprise profiterait du réseau d’approvisionnement en énergie fossile.

« Il ne faut pas se leurrer, les gens qui sont dans le pétrole tendent vers les énergies renouvelables », dit Max Béraud qui donne en exemple Sonic qui a acheté une licence sur les chaudières à granules et commencent à regarder les circuits de distribution.

« Ici on a pétrole Turmel qui fournit le pétrole aux gens qui chauffent à l’huile. Ils connaissent leurs clients, leurs chaudières, ces gens-là ont intérêt à entretenir leur réseau de distribution énergétique. Qu’ils distribuent des granules ou du pétrole, c’est le même setup. Ils seraient de bons candidats pour aider à bâtir le réseau de distribution. »


Imprimer cette page

Advertisement

Stories continue below