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Les superficies pulvérisées doublent en forêt privée
7 juillet, 2020 par Guillaume Roy

En début de saison, la SOPFIM annonçait qu’elle devait annuler la saison de pulvérisation, car il était impossible d’assurer la logistique des opérations tout en respectant les mesures imposées par la Santé publique. Pour plusieurs propriétaires de forêt privée, cette annonce est survenue comme un coup de massue, car l’organisme s’apprêtait à réaliser le plus gros programme de pulvérisation de son histoire en forêt privée alors que l’épidémie continue de gagner de nouveaux territoires.
Mais pendant ce temps, Pierre-Maurice Gagnon, le président de la Fédération des producteurs de forêts privées du Québec (FPFQ), demeurait zen. « Disons que j’étais au courant des discussions qui laissaient entendre que les pulvérisations par hélicoptères pourraient tout de même avoir lieu », dit-il en souriant.
Alors que la SOPFIM utilise des avions pour asperger la forêt publique avec un insecticide biologique qui s’attaque à l’estomac des larves de tordeuse, l’organisme utilise plutôt des hélicoptères pour couvrir de petites superficies, comme c’est le cas en forêt privée.
C’est en 2017 que les pulvérisations en forêt privée ont commencé, quand l’Agence de mise en valeur des forêts privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean a décidé de lancer un projet pilote de pulvérisation avec l’aide d’hélicoptères. « On voulait démontrer que c’était faisable parce que la SOPFIM nous disait que ça ne serait pas rentable », soutient Pierre-Maurice Gagnon.
Ce projet pilote a démontré la faisabilité de la pulvérisation par hélicoptère et en 2018, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a pris la décision de mettre en place un programme d’arrosage en forêts privées. « Avec la progression de l’épidémie, le Ministère a réalisé une analyse de pertinence et de faisabilité visant la mise en place d’un programme d’arrosage en petites forêts privées. Les conclusions étant positives, le Ministère a mis en place un programme en partenariat avec la SOPFIM, doté d’une enveloppe de 20 M$ d’ici mars 2023 », précise-t-on au MFFP.
Avec ce budget en main, la SOPFIM a commencé à faire des arrosages contre la TBE en forêt privée en 2018.
Au départ, les critères étaient toutefois trop stricts pour inclure une majorité des propriétaires, car on exigeait une superficie minimale de 10 hectares pour être admissibles. « Avec toutes les autres contraintes, 90% des propriétaires affectés ne pouvaient pas recevoir de traitements », remarque Luc Allard, ingénieur forestier pour la Société sylvicole de Chambord, qui est responsable de la pulvérisation en forêt privée pour le Syndicat des producteurs de bois du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Bien que les pulvérisations ne permettent pas de réduire l’intensité de l’épidémie, elles permettent plutôt aux arbres de survivre plus longtemps et de croître jusqu’à une taille respectable avant d’être récoltés, ce qui permet aux propriétaires d’avoir de meilleurs revenus.
Cette année, un changement majeur est toutefois survenu lorsque le MFFP a réduit les superficies minimales de 10 à quatre hectares, permettant d’augmenter significativement le nombre de propriétaires admissibles. « La superficie minimale a été réduite afin de rendre le programme de protection accessible à un plus grand nombre de propriétaires forestiers et ainsi mieux protéger les investissements des producteurs forestiers et de l’État », précise-t-on au MFFP.
Cette mesure fait en sorte que 136 propriétaires étaient éligibles pour recevoir un traitement avec l’insecticide biologique couvrant une superficie totale de 2185 hectares en 2020. En 2019, 69 propriétaires avaient reçu un tel traitement pour un total de 1076 hectares au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Pierre-Maurice Gagnon fait partie des propriétaires qui ont bénéficié de cette modification, car un peuplement de sapin de 5,6 hectares, qui se trouve en partie sur son terrain et sur le terrain de son voisin, a été arrosé en juin dernier. « Ça nous permet d’étirer la durée de vie du peuplement et de ne pas récolter tout le bois en même temps », dit-il, avant d’ajouter qu’un autre peuplement affecté n’a pas été arrosé.
En 2021, 108 propriétaires supplémentaires seront éligibles au programme de lutte contre la TBE, souligne Luc Allard, avant d’ajouter que les critères administratifs de la SOPFIM étaient trop serrés pour les inclure dès cette année. « Pour être admissibles, les propriétaires forestiers doivent réaliser un plan d’aménagement forestier pour être reconnus par l’État, dit-il. Étant donné que les propriétaires doivent être reconnus au 1er juillet 2020 pour une pulvérisation en 2021, ça ne nous laissait pas assez de temps pour réaliser tous les plans d’aménagement à temps. » Selon ce dernier, ce délai devrait être repoussé au moins jusqu’au 31 décembre pour permettre de mieux desservir les propriétaires forestiers. La SOPFIM souligne pour sa part que la date du 1er juillet permet de faire les inventaires terrains nécessaires à l’automne afin d’assurer un traitement l’année suivante, car pour recevoir le traitement avec l’insecticide biologique, un peuplement doit être défolié sévèrement deux années consécutives.
Un plan d’aménagement forestier coûte près de 350 dollars, mais un propriétaire reçoit environ 560 dollars de crédit de taxe municipale pour faire un tel plan qui est valide pour 10 ans, explique l’ingénieur forestier. « Ça donne accès à des travaux subventionnés de l’État, comme la pulvérisation contre la tordeuse », dit-il.
Par exemple, en plus de la pulvérisation contre la TBE, les propriétaires ont aussi accès à des programmes de récupération du bois affecté par la tordeuse, offrant une prime à la récolte, ainsi que des programmes de reboisement et d’aménagement forestier.
Malgré le travail administratif beaucoup plus fastidieux à réaliser en forêt privée avec une multitude de producteurs, le directeur général de la SOPFIM, Jean-Yves Arsenault, estime que le programme est un franc succès. « Nous avons atteint des résultats hors normes en forêt privée avec un taux de succès variant de 95 à 98% alors que notre taux de succès est de 84% en forêt publique », dit-il, en ajoutant que ces opérations sont bien vues par la population. Le taux de succès est calculé en fonction de l’objectif de protéger 50 % de la pousse annuelle sur 70 % des superficies traitées.
« Les travaux se sont terminés le 30 juin et les 2185 hectares ont été protégés en petites forêts privées au Saguenay-Lac-Saint-Jean », a confirmé la SOPFIM.
Le gouvernement du Québec a investi 20 millions de dollars dans le programme de lutte contre la TBE en forêt privée jusqu’en mars 2023. Selon Pierre-Maurice Gagnon, il restera près 12 millions de dollars dans ce fond après les pulvérisations de cette année, ce qui laisse suffisamment d’argent disponible pour les prochaines années.
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Critères de sélection d’un propriétaire de forêt privée pour recevoir des traitements contre la TBE
- La superficie du territoire doit être supérieure à quatre hectares;
- Une défoliation sévère du peuplement doit avoir été observée pendant deux années consécutives;
- La largeur du territoire doit être de plus de 80 mètres;
- Le propriétaire doit être reconnu comme producteur forestier;
- Le peuplement doit être composé d’essences vulnérables (sapin baumier, épinette blanche et épinette de Norvège);
- Le peuplement doit être âgé entre 21 et 60 ans;
- Le territoire doit être aménagé.
- Nombre d’hectares traités en forêt privée pour chaque région
En 2019
Bas-Saint-Laurent : 7400 hectares
Saguenay–Lac-Saint-Jean : 1077 hectares
Côte-Nord : 170 hectares
Gaspésie : 218 hectares
Total : 8866 hectares
En 2020
Bas-Saint-Laurent : 14 350 hectares
Saguenay–Lac-Saint-Jean : 2185 hectares
Côte-Nord : 340 hectares
Gaspésie : 880 hectares
Total : 17 750 hectares
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