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Les nouveaux matériaux du bois

Au-dela de la planche et du papier, les arbres ont plusieurs usages prometteurs

2 février, 2017  par Josée Descôteaux



Même dans leurs rêves les plus fous, les bûcherons qui ont défriché la forêt québécoise n’auraient pu imaginer que ces arbres qu’ils abattaient à la sueur de leur front recelaient bien d’autres pouvoirs que ceux d’être transformés en « deux par quatre » ou métamorphosés en pâte à papier.

Pourtant, il ne s’agit même plus d’une utopie; des chercheurs planchent aujourd’hui sur la conversion de la biomasse en une huile qui pourrait devenir carburant et sur le recyclage des résidus papetiers pour la production de composites bois-plastiques.

Valoriser la lignine
L‘exploitation du potentiel économique de l’écorce constitue la principale pierre d’assise de la recherche de Nicolas Mariotti, chercheur au département des sciences du bois et de la forêt à l’Université Laval. En effet, si l’utilisation du plastique se taille une place de plus en plus grande dans les nouveaux matériaux du bois, l’écorce est encore très peu valorisée.

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Il a donc créé un composite contenant des fibres d’écorce et du polyéthylène. Comme ces deux produits sont peu compatibles, il fallait trouver un élément permettant de les lier. Les lignines industrielles, tirées de la liqueur noire et qui sont utilisées presqu’uniquement pour la production d’énergie (même si elles représentent de 10 à 30% de la biomasse lignocellulosique), se sont avérées un agent de couplage adéquat. L’alliage des trois produits mène à l’obtention de granulés qui pourraient être transformés en matériau pour le revêtement de patios, de meubles de jardin ou de boîtes à outils par exemple.

La chercheuse Diane Schorr et son équipe étudient également, à l’Université Laval, sur le potentiel des lignines industrielles.

Elle a récupéré les lignines de la liqueur noire des papetières Domtar et Kruger-Wayagamack et après les avoir comparées puis procédé à leur caractérisation (étude de leurs propriétés), elle les a soumises à des traitements chimiques qui permettent notamment de les purifier. Les lignines pourront ainsi servir à la conception de composites à haute densité (polyéthylène et lignine) qui pourraient être utilisés par exemple dans la fabrication de tuyaux de canalisation.

D’autres modifications par réactions chimiques pourraient même transformer la lignine en ingrédient dans la conception de produits solvants ou de maquillage…

À l’Université de Sherbrooke, la lignine nourrit l’intérêt de Romain Beauchet, chercheur au département de génie chimique et de génie biotechnologique. En procédant au fractionnement de la biomasse, son équipe a récupéré les molécules ligneuses.

Après avoir constaté que la lignine est composée de molécules aromatiques, ils les en ont extraites à l’aide d’un procédé chimique, l’hydrolyse partielle. Ces molécules pourraient éventuellement être utilisées pour la synthèse de biocarburant pour l’aviation, mais également par l’industrie des plastiques et celle des produits solvants.

Résidus papetiers et bois-plastique
Les boues, ces résidus solides récupérés après le traitement des eaux usées des usines de pâtes et papiers, recèlent des fibres qui pourraient compter parmi les composantes des composites bois-plastiques.

Elles sont au cœur de l’une des recherches menées par Sébastien Migneault à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Il a donc produit des échantillons de ces composites à partir de différentes sources (primaires ou secondaires) et proportions de boues, par le biais de trois procédés papetiers.

Les chercheurs ont ensuite évalué notamment leur élasticité et leur résistance en traction. Ils ont ainsi pu constater que les boues extraites à l’aide du procédé Kraft produisent les composites les plus performants en traction.

Protection des propriétés superficielles du bois
Radiations ultraviolettes, changements brusques de températures, assauts de micro-organismes : peut-on protéger le bois contre ces agressions une fois qu’il est peinturé ou teint? Pour répondre à cette question, Fabio Tomczak, chercheur à l’Université Laval, a évalué les effets de dépôts de nanocouches d’oxyde de zinc – qui protège notamment contre les rayons ultra-violets – sur du bois d’érable à sucre, avec et sans revêtement (de peinture ou de teinture).

Il a ensuite reproduit en laboratoire des conditions de vieillissement du bois, auxquelles il a soumis ses échantillons. Comme les dépôts d’oxyde de zinc n’ont pas adhéré suffisamment au bois, les résultats ne furent pas concluants. Ces essais ouvrent toutefois la porte à d’autres recherches dans la même veine, selon M. Tomczak, en recourant par exemple au titane, plutôt qu’à l’oxyde de zinc.

La biomasse forestière, une source d’énergie, version améliorée
La biohuile tirée de la biomasse forestière constitue une source d’énergie alternative au pétrole et elle a fait ses preuves. Elle est cependant loin d’être parfaite,  notamment en raison de la faiblesse de son pouvoir calorifique et d’un taux d’acidité trop élevé.

Le projet de doctorat d’Étienne Le Roux, étudiant à l’Université Laval, vise justement l’amélioration de ces huiles. Pour y arriver, il soumet celles-ci à un prétraitement par torréfaction (chauffée à des températures variant entre 160 et 220 degrés celcius) qui permet d’éliminer les composantes du bois qui seraient responsables de son acidité.

Si les essais sont concluants, les chercheurs pourraient ensuite créer une nouvelle huile en utilisant cette matière première modifiée.

Des bactéries pour traiter les résidus des papetières
Les boues primaires, qui constituent une partie des résidus des papetières, sont habituellement séchées et enfouies. Alexandre Moreau, un chercheur de l’UQTR (Université du Québec à Trois-Rivières)m et son équipe ont constaté que ces boues pourraient pourtant être « recyclées », plutôt que d’être éliminées. Comment? Grâce à des microorganismes et des enzymes industriels qui se nourrissent de la cellulose que contiennent ces boues : les chercheurs ont donc introduit des bactéries de cette nature dans un échantillon de boue primaire.

En digérant la cellulose, les bactéries la dégradent et la convertissent en métabolites, des substances organiques telles que l’éthanol et l’hydrogène, des sources d’énergie potentielles.

Le panic érigé converti en huile et en charbon
À l’Université de Sherbrooke, l’équipe de recherche dont fait partie Guillaume Pilon s’intéresse également à la valorisation de la biomasse et plus particulièrement du charbon de biomasse.

Les chercheurs ont soumis une plante – le panic érigé – à un traitement de pyrolyse, c’est-à-dire sa décomposition chimique par la chaleur. Les recherches se poursuivent : une température plus élevée que celle qui est associée à la torréfaction permet de produire de l’huile pyrolytique, alors qu’une autre hausse de la température peut transformer les résidus en gaz de synthèse.

Les huiles pyrolytiques pourraient éventuellement être converties en carburant liquide.


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