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Les matériaux composites dans les semi-remorques

Une économie de carburant en plus de transporter plus de chargement à chaque voyage.

22 février, 2013  par Pierre Vaillancourt


Une partie des poteaux et traverses sont en acier, l’autre en poteaux et traverses en composite. Répartis sur le tablier en des endroits stratégiques ils permettent d’évaluer leur résistance à l’effort et aux chocs. Transaco mène cette partie des essais sur cette configuration dans des chemins forestiers au Saguenay.

Une nouvelle semi-remorque utilisant des poteaux et traverses en composite ultra léger devrait voir le jour en 2013. Deloupe et FPInnovations sont à l’origine des recherches et des essais qui ont cours depuis 2005 sur le design de ce produit révolutionnaire.

Le coût supplémentaire de la semi-remorque dont Deloupe aurait l’exclusivité de la fabrication pour le Québec, les Maritimes et le nord-est des États-Unis pourrait être amorti sur une période très courte. FPInnovations avance que des revenus supplémentaires pourraient représenter 5000 $ à 6000 $ par an. Ces revenus, basés en fonction des fluctuations du prix du carburant pour les camions, sont possibles par l’allègement global de la semi-remorque, le transport de plus de matière, et des économies de carburant au retour de la semi-remorque vide.

FPInnovations en est à la validation des éléments. Frédéric Boutin, chercheur transport et énergie chez FPInnovations, décrit l’ensemble poteau et traverse comme plus léger de 40 % que l’acier. Les éléments flexibles paraissent plus massifs, plus gros, mais sont plus résistants que l’acier.

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Les propriétés des poteaux et traverses en composites permettent de rencontrer le point le plus important des transports : transporter plus de matériel. En réduisant le poids de la semi-remorque de 450 kg, on peut transporter 450 kg de plus de matière à chaque déplacement.

Mat-Comp, l’entreprise de génie-conseil pour les matériaux composites a fait le design, l’analyse, et la conception des poteaux et traverses et participe aux essais visant à leur homologation. Leur mandat consistait à diminuer le poids de l’appareil tout en offrant la même résistance et la même longévité.

Par rapport à l’acier ou à l’aluminium, explique Serge Paré, conseiller expert en composites chez Mat-Comp, les matériaux composites permettent respectivement une économie de 50 % ou de 30 % du poids. Mais le poids n’est pas tout, les composites sont moins affectés par la corrosion et plus résistants aux bris provoqués par les chocs. Dans la comparaison « résistance à la rupture vs poids », les composites ressortent toujours gagnants même s’ils coûtent environ 20 % de plus que le matériau qu’ils remplacent.

Le matériau composite est plus flexible et reprend sa forme même lorsqu’il est accroché par un grappin. Dans une semi-remorque vide, les poteaux semblent fléchir vers l’intérieur. Sous la charge, ils se redressent et absorbent les mouvements vers l’extérieur.

La durée de vie dans les conditions sévères imposées par le transport du bois en longueur sur la route et sur les chemins forestiers est un facteur important pour calculer l’amortissement d’un investissement. Mat-Comp et FPInnovations visaient un remboursement en deux à trois ans pour une pièce qui va durer un minimum de huit ans. Cet objectif est plus proche à mesure qu’augmente le prix du diesel.

Technique des matériaux composites
Les matériaux composites sont formés d’au moins deux matériaux non miscibles, mais ayant une forte capacité d’adhésion (comme le béton armé est produit du ciment et d’une armature d’acier). Le matériau composite est souvent formé d’une toile de fibre de verre ou de carbone agissant comme renfort supportant les efforts mécaniques et de diverses résines rigides comme l’époxy.

Les éléments de structure en composite de pultrusion sont produits par formage des matières plastiques ou métalliques. La pultrusion consiste à pousser la matière vers l’entrée de la filière et à la tirer à la sortie de celle-ci.

Dans un futur plus ou moins proche, les designers de matériaux et de semi-remorque envisagent davantage de pièces plus légères, en composite comme on le voit dans les autres domaines du transport. À cet égard, le principal obstacle demeure la résistance au changement à tous les paliers de décision et d’utilisation des véhicules jusqu’à maintenant en fonction de l’acier, du gestionnaire de flotte, au camionneur.

Essais
Deux séries d’essais sont menées depuis octobre 2011. Raymond Tardif, en Beauce rapporte une expérience décevante. FPInnovation a arrêté les opérations sur la route avant qu’une inspection du ministère des Transports n’observe des fissures. Comme il n’existe pas de règlement pour les matériaux composites, le même règlement qui s’applique à l’acier et à l’aluminium doit être respecté.

Les ingénieurs interrogés ont confirmé que les règles s’appliquant à l’acier et à l’aluminium ne peuvent pas s’appliquer aux matériaux composites. De nouvelles normes et procédures d’évaluation devront être inscrites au règlement et ajoutées à la formation des inspecteurs du ministère des Transports. FPInnovation a présenté un dossier auprès du Commercial Vehicule Safety Alliance (CVSA), organisme qui donne les orientations pour les équipements de transports au Mexique, États-Unis et Canada. Ensuite, chaque état et province est libre d’appliquer ou non les recommandations du CVSA.

La semi-remorque d’essai a ensuite été livrée à une entreprise spécialisée en transport de bois en longueur dans les chemins forestiers. À Sacré-Cœur, au Saguenay, Louis Cloutier, copropriétaire de Transaco rapporte une expérience très positive dans cet environnement. M. Cloutier fait état de résultats exceptionnels pour une semi-remorque soumise à des conditions extrêmes : 65 000 kg de charge, parfois davantage, 4,5 jours/semaine, 24 h par jour.

Il est satisfait au point où il envisage de mettre de tels poteaux et traverses sur ses prochaines semi-remorques. À condition que le prix ne soit pas prohibitif. « Nous souhaitons réduire notre consommation de diesel, mais pas à n’importe quel prix! Nos autres semi-remorques ont 2000 kg à 3000 kg de plus et nous sommes payés à la tonne de matière transportée, alors il est préférable de transporter plus de matière que d’acier. »

Pénétration du produit
Le fabricant de semi-remorques Deloupe n’a pas encore défini les paramètres du nouveau modèle qu’il mettra sur le marché en 2013. Les essais portent principalement sur le comportement des poteaux en situation réelle, des traverses (ou bunk : pièce transversale d’un véhicule de débardage sur laquelle reposent les billes), rapporte l’ingénieur Guillaume Samson. La configuration de la remorque (longueur, largeur, hauteur, suspension, essieu vireur, etc.) dépendra du marché visé régionalement soit les Maritimes, le Québec ou l’est du Canada.

C’est Deloupe qui établira le prix final et assurera la distribution. Guillaume Samson affirme que ce n’est pas le volume, mais bien le prix de revient qui conditionnera le prix de vente. L’entreprise de Saint-Évariste dans la Beauce espère développer un marché important avec ce principe.

Les mandataires ne sont pas encore en mesure d’évaluer l’état d’usure ou de fatigue des éléments en composite. Ils sont trop nouveaux et devront faire l’objet d’évaluations et d’aménagement de la règlementation. Une fissure dans l’un de ces éléments composites n’a pas forcément le même effet qu’elle aurait dans une pièce ou une soudure d’acier. À quel moment constitue-t-elle un risque et à quel moment doit-on retirer de la circulation un véhicule pour ce motif? Étant donné les enjeux pour l’industrie, ce sont là des questions qui méritent toute l’attention des organismes de normalisation pour aller de l’avant avec ces solutions prometteuses pour les économies d’énergie et la rentabilité des entreprises de transport forestier.


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