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L’héritage empoisonné de L’Erreur boréale (partie 2)

6 juillet, 2017  par Éric Alvarez


Illustration de la période de surexploitation dans la récolte de bois dans les forêts publiques québécoises.

Alors que pendant plus d’un siècle, les calculs du Bureau du forestier en chef (BFEC) étaient le fait de l’industrie forestière, aujourd’hui c’est un organisme « indépendant » qui s’en occupe. Mais au nom de quoi ?

L’Erreur boréale avait soulevé la piste d’une possible surexploitation de nos forêts publiques. La Commission Coulombe est venue appuyer ces dires ce qui a stimulé la création du BFEC pour s’assurer que l’on ne coupe pas trop de bois. Or, avec le recul, le portrait d’ensemble est beaucoup moins dramatique qu’il n’a pu le paraître à l’époque.

Comme on peut le voir sur la Figure ci-dessous, L’Erreur boréale et la Commission Coulombe ont surtout jugé d’une situation unique et très temporaire de notre histoire forestière ; une situation peu à risque de se reproduire prochainement considérant les fermetures d’usines des dernières années et la prochaine bataille du bois d’œuvre qui s’annonce.

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Mais, philosophiquement, en quoi est-il important pour la société québécoise de s’assurer que l’on ne coupe pas trop de bois ? Qu’est-ce qui est le plus dommageable pour la société québécoise, perdre les caribous forestiers ou couper trop d’arbres sur une période donnée ?

Je suis conscient qu’il y a de grands débats autour du caribou forestier et je m’en tiendrai ici à une considération très terre-à-terre : si demain matin il n’y avait plus de caribou forestier au Québec, ce serait permanent. Il y a là quelque chose d’irréversible.

Il n’y a cependant rien d’irréversible dans une situation de surexploitation des volumes de bois. Bien sûr, des gens perdraient leur emploi si une surexploitation à long terme menait à une « rupture de stock », mais la forêt sera toujours là, il suffira d’être patient et attendre qu’elle repousse.

Le rôle premier du gouvernement devrait justement être de s’assurer qu’il n’arrive rien d’irréversible dans notre aménagement de l’écosystème forestier. Quant à la gestion d’une ressource particulière comme le bois pour laquelle il n’y a pas d’enjeu d’irréversibilité, en quoi donc sa responsabilité devrait-elle être entre les mains d’un organisme gouvernemental plutôt que dans celles des utilisateurs qui en vivent ?

L’aménagement de ressources par des entités locales a très souvent été couronné de succès. Mes recherches sur la Consolidated Paper Corporation Ltd, les terres du Séminaire et Domtar m’ont aussi permis de constater que, face à une claire responsabilité d’aménager des ressources dont ils dépendent, les aménagistes locaux font effectivement très bien le travail.

Il m’apparaît assez évident que la dynamique initiée par L’Erreur boréale est loin de représenter une amélioration dans l’aménagement de nos forêts publiques en plus d’être potentiellement nuisible aux communautés forestières.

L’industrie forestière est sortie de l’aménagement de nos forêts et elle n’y reviendra plus, à tout le moins jamais dans le rôle qu’elle a déjà pu occuper. Pour autant, la centralisation des décisions dans les mains gouvernementales sur la base d’un concept qui s’appuie sur un mauvais postulat et qui ne favorise pas une culture d’aménagistes offre peu de perspectives encourageantes (pour le rappel, l’aménagement écosystémique « n’est plus » aux États-Unis).

Lors des élections, les partis politiques deviennent tous « LE parti des régions ». Pour la prochaine au Québec, et sous l’angle forestier, s’il devait pour moi y avoir un parti des régions, ce sera celui qui osera remettre en question la (mauvaise) dynamique initiée par L’Erreur boréale.


Éric Alvarez ingénieur forestier et blogueur (laforetacoeur.ca)


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