Opérations Forestières

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Le concept de forêt de proximité

22 février, 2013  par Josée Descôteaux


Sylvie Grenier, directrice du service de forêt-géomatique de la MRC d’Abitibi-Ouest, a présenté leur projet de forêt de proximité au congrès de l’ACFAS en mai dernier. David Touzin (dav2z)/Wikimedia Commons

Elle est si près et pourtant parfois si loin. Elle fait de l’œil aux résidants de toutes les campagnes et banlieues. Pourtant, la forêt, que ses défenseurs et le gouvernement souhaitent remettre entre les mains des communautés sous le chapeau d’une politique de forêt de proximité, semble encore échapper à cette tentative d’appropriation, tant la gestion de son territoire est complexe. Entre la mainmise des industries, qui demeurent essentielles, et les velléités d’usages artisanaux et écologiques, où est le juste milieu?

C’est à cette question complexe et ses corollaires que les participants au colloque Économie de la forêt et dynamiques de proximité, qui se tenait dans le cadre du congrès de l’ACFAS (Association francophone pour le savoir) en mai dernier, ont tenté de répondre.

Tous s’entendent sur un fait : le modèle actuel d’exploitation du territoire forestier est désuet, parce qu’il s’est effrité dans la foulée de la crise de l’industrie, tout autant que dans un contexte de dévitalisation des communautés et de montée des préoccupations écologiques.

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Mais la nouvelle matrice d’exploitation de la forêt, proposée par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) dans le cadre de sa Politique de forêts de proximité, saura-t-elle mieux atteindre les objectifs? Son application pourra être qualifiée de succès si elle respecte au moins trois conditions, signale Frédéric Hanin, professeur agrégé au département de relations industrielles de l’Université Laval. Lors de la présentation des conclusions de la recherche de Luc Bouthillier, professeur titulaire au département de foresterie, de géographie et de géomatique, M. Hanin a mentionné que la forêt de proximité devra créer de la richesse locale, favoriser l’implication des communautés dans les processus décisionnels et préserver le bon état de la forêt.

1944, prélude aux idées de 2000
L’idée d’appropriation du territoire forestier par les communautés a germé pour la première fois dans un passé plus lointain qu’on le pense, a signalé François L’Italien, doctorant en sociologie à l’Université Laval : en 1944, l’économiste et sociologue Esdras Minville, alors directeur de l’École des hautes études commerciales de Montréal, estimait que la structure économique de l’utilisation de la forêt, fondée sur une logique de la demande plutôt que de l’offre, devrait idéalement s’arrimer aux manières de gérer le territoire et non à l’échange de biens.

Selon Minville, il fallait notamment créer des organismes de coordination régionale formés d’acteurs sectoriels et locaux. Peu à peu, cette vision s’immisce aujourd’hui dans les esprits des élus locaux. En 2008, Mont-Carmel, une municipalité de 1500 résidants située à proximité de Kamouraska, a obtenu l’aval du MRNF pour la constitution d’un laboratoire rural pour l’aménagement du territoire forestier.

Ce projet de forêt communale, décrit par le maire Denis Lévesque, comprend notamment l’acquisition d’une pourvoirie sur le territoire, l’utilisation de la biomasse pour le chauffage de trois établissements, l’exploitation du potentiel récréotouristique, et ce, dans le respect des normes de l’industrie.

La MRC Maria-Chapdelaine, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, réclame pour sa part 10,3 % de son territoire pour la concrétisation de son projet de forêt de proximité, en partenariat avec l’industrie. Le projet permettrait la création de 739 emplois directs et l’exploitation de la matière ligneuse constituera la principale activité économique que génèrera le projet, a signalé le préfet de la MRC, Jean-Pierre Boivin.

La MRC d’Abitibi-Ouest, qui a subi les contrecoups de la fermeture de l’usine Tembec en 2011, mijote également un projet de forêt de proximité, présenté par Sylvie Grenier, directrice du service de forêt-géomatique de la MRC. On a ainsi signé avec le MRNF un contrat d’aménagement de 41 200 mètres cubes de son territoire.

L’aménagement forestier : à chacun sa vision
La constitution d’un modèle de développement forestier au Québec a donné lieu à un débat fertile pour conclure cette journée. Jocelyn Lessard, directeur de la Fédération des coopératives forestières du Québec, a plaidé pour que les travailleurs forestiers soient considérés comme des acteurs de premier plan et non comme des sous-traitants dans le nouveau régime forestier.

La présidente de Solidarité rurale du Québec, Claire Bolduc, a déploré pour sa part le fait que les forêts de proximité ne fassent plus l’objet de projets-pilotes. « Malheureusement, on parle encore de la forêt comme d’un stock et non pas aussi comme d’un milieu de vie », a-t-elle ajouté.

Robert Laplante, directeur de l’Institut de recherche en économie contemporaine, a estimé quant à lui que le nouveau régime n’est qu’un prolongement du statu quo, parce qu’il est basé seulement sur une perspective d’approvisionnement. « On essaie d’apparier la possibilité forestière avec la gloutonnerie des industriels. Il faut passer d’un style de gestion sectorielle à patrimoniale », a-t-il soutenu.   


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