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La révolution internet en forêt

La prise de données précises est payante pour Forestiers Forco qui a obtenu un bonus de précision de 11 000 dollars et d’autres avantages collatéraux.

12 janvier, 2023  par Guillaume Roy


Nicolas Dion a été le premier entrepreneur forestier à participer au projet de recherche de FPInnovations.

En mai dernier, Internet est arrivé par magie en forêt lorsque Starlink a annoncé que son service par satellite était désormais disponible en itinérance partout sur le territoire. 

Il suffit de prendre un forfait à 170 dollars par mois pour avoir Internet illimité en forêt. « Rien que pour le bien-être des employés, ça vaut la peine », lance Nicolas Dion, le propriétaire Forestiers Forco. « Les gars peuvent parler avec leurs blondes en bas et prendre des nouvelles des enfants, dit-il. Ça fait toute la différence et tout le monde est plus de bonne humeur ».

Internet permet aussi de commander des pièces de rechange en quelques clics et d’avoir accès à du service-conseil en ligne plutôt que de faire venir un professionnel en forêt à gros prix. 

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Mais les avantages sont encore plus grands, car l’entreprise a nettement amélioré sa rentabilité au cours des derniers mois. Il faut dire que Nicolas Dion a sauté à pieds joints dans un projet de foresterie connectée lancé par Produits forestiers Résolu en partenariat avec FPInnovations visant à connecter les entrepreneurs forestiers. 

« J’ai une jeune entreprise qui a juste 3 ans et je n’ai pas les liquidités d’une entreprise qui est en business depuis 30 ans, note Nicolas Dion. Je veux être payé au réel de ce que ma tête fait chaque semaine. J’ai mon argent tout de suite. C’est important d’être précis parce que je ne veux d’argent qui dort dans les coffres de Résolu et je ne veux  pas leur en devoir en fin d’année. » 

En connectant les machines forestières, il est possible d’obtenir les données des machines en temps réel, ce qui permet de mieux planifier les travaux à l’usine. 

Mais les données ne valent rien si elles ne sont pas précises. C’est pourquoi la calibration de la tête d’abattage est si importante dans le cadre de ce programme. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les usines ne sont pas les seules à tirer profit des données précises provenant de la tête, car les entrepreneurs peuvent aller chercher des bonus intéressants. 

Toutes les données sont récoltées dans le programme Sticks, de Forest PHG, qui est utilisé pour être en mesure d’obtenir des informations de tous les types de machines de manière standardisée.

« L’an dernier, j’avais 12% de mes tests à 100% et aujourd’hui je suis rendu à 71 % », a remarqué Nicolas Dion à la fin octobre lors de la visite d’OF. De plus, 99% de ses tiges ont une précision de plus ou moins 5 cm tel qu’exigé par Produits forestiers Résolu. « Ça me donne un bonus de 0,16 dollar par mètre cube et avec un volume de 70 000 mètres cubes, ça fait quand même 11 200 dollars de plus », ajoute l’entrepreneur qui travaille avec Eltec H7 muni d’une tête Ponsse H7 HD et d’un transporteur Elephant King.

De plus, les données produites par la tête permettent d’en connaître plus sur les opérations, de savoir où se font les pertes de temps et de poser des diagnostics sur la consommation d’essence, le rendement et les problèmes récurrents. « Je sais exactement ce que je bûche », note l’entrepreneur.

La précision, c’est le nerf de la guerre, pour obtenir tous les bonus disponibles, remarque Étienne Pilon, chercheur, approvisionnement en fibre, qui coordonne le projet pour FPInnovations. « C’est du bonbon facile à aller chercher pour les entrepreneurs », dit-il.

« Il nous fallait un gars comme Nic pour prouver à tous les entrepreneurs que c’est possible», ajoute le chercheur, qui était souvent vu comme un illuminé lorsqu’il présentait son projet aux entrepreneurs. « Ça fait beaucoup changement, avec de nouvelles méthodes de travail, mais il ne travaille pas plus fort qu’il travaillait. » 

En fait, les entrepreneurs calibrent parfois leur machine pour rien. 

Selon Étienne Pilon, tous les entrepreneurs qui ont accès à des bonus de précision devraient s’attarder à la calibration. « C’est comme ramasser de l’argent qui dort », dit-il. « Personne n’est jamais à 100%, alors en amenant une structure, un processus de suivi que l’on valide régulièrement, on peut arriver à être beaucoup plus précis que ce que demandent les usines ». 

En plus des bonus, une bonne calibration génère une panoplie de bénéfices collatéraux aux entrepreneurs forestiers.

« La consommation de carburant de ma tête est passée de 30 litres à 28 litres à l’heure », souligne Nicolas Dion. 

« Une tête bien calibrée permet de travailler plus vite en mode automatique et de gagner des secondes à chaque arbre », mentionne Étienne Pilon. 

De plus, il est impossible de maintenir une tête bien calibrée quand les couteaux ne sont pas bien aiguisés. 

« Avec des couteaux affûtés, les entrepreneurs ne voient pas la saison de la sève passer », souligne Étienne Pilon, alors que Nicolas Dion confirme le tout en hochant de la tête.

Selon Luc Duval, le coordinateur en efficacité opérationnelle chez PFR, un bon processus de calibration permet aussi de réduire les pertes de temps, car une tête bien calibrée fonctionne mieux. « Ça pousse à faire de l’entretien préventif pour être toujours précis », dit-il, avant d’ajouter que selon les prévisions, la productivité devrait augmenter de 2 à 3 %. « En changeant les habitudes de travail, tout le monde y gagne, car les usines peuvent elles aussi tirer profit de ces données ».

Pour Nicolas Dion, l’important était de ne pas perdre de productivité lors de l’implantation et il a pu conserver une moyenne de 249 billots à l’heure. Il est à l’aise avec de débit, mais il aimerait bien améliorer ce chiffre à terme. 

« Dans le futur, j’aimerais qu’on soit payé au réel de ce que l’on bûche dans le bois et qu’on n’ait plus à utiliser les balances », dit-il. Les données précises permettent aussi de justifier des demandes auprès du donneur d’ouvrage, comme des ajustements de prix lorsque le bois est petit.

Un processus de calibration
« La précision, c’est 80% de maintenance et 20% de calibration », renchérit Étienne Pilon. « Si tu prends une tête lousse avec des « bushing » tous finis, on pourrait être quatre à la calibrer toute la journée et ça ne donnera rien ».

« Je fais des contrôles qui me prennent cinq minutes deux fois par semaine », note Nicolas Dion, alors qu’il doit mesurer quatre billots. Lorsqu’il s’éloigne du 4 mm de précision, il sait qu’il devra faire le plus long processus de calibration, et au besoin, changer les pièces défectueuses. 

Cette grosse calibration se fait environ tous les deux mois. « Ça prend environ une heure pour calibrer 33 billots sur 15 arbres à deux personnes », note Nicolas Lavoie, qui utilise un vernier électronique. Toutes les données prises par le vernier sont automatiquement transmises au logiciel, démontrant ainsi le travail de calibrage effectué à PFR. 

Si le travail peut paraître exigeant, il est important de souligner que Nicolas Dion a aussi délaissé de vieilles habitudes, dont celle de calculer 10 arbres par semaine. « Étienne m’a dit que c’était une étape inutile, alors je me concentre sur le protocole établi », dit-il. 

Pour que l’efficacité de la tête soit optimale, les couteaux doivent être aiguisés comme des lames de rasoir, poursuit-il. « Il faut aiguiser ça à la lime, et non pas avec un buffer, mais la majorité des entrepreneurs ne le savent pas », dit-il.

Avec des couteaux plus aiguisés, la friction est réduite et c’est ce qui permet de réduire la consommation de carburant.

Un sciage amélioré
Toutes ces données produites par les têtes d’abattage ont aussi une très grande valeur à l’usine. En ajoutant une liste de prix produite par l’usine, la tête peut bûcher selon les besoins exacts des clients. Avec une meilleure connaissance des produits récoltés, il est possible d’amener directement le bois à l’entrée de l’usine pour le scier immédiatement au lieu de l’entreposer dans la cour à bois, remarque Luc Duval. « À terme, l’usine pourrait dire qu’elle a besoin de tel bois, qui se trouve dans telle fourche pour prévoir le transport et le livrer juste à temps à l’usine », dit-il.

De plus, de meilleures données sur le terrain permettent de faire une meilleure planification de la récolte dans des secteurs similaires, ajoute ce dernier. 

Le concept de foresterie connectée transformera la façon dont on récolte le bois en forêt, mais pour y arriver il faudra faire une série de petits pas, mentionne Étienne Pilon. Dans un premier temps, le projet de FPInnovations vise à aider les entrepreneurs à implanter le protocole de calibration, tout en travaillant sur la standardisation des données et la communication des données en temps réel. 

Nicolas Dion a été le premier entrepreneur forestier a embarqué dans le projet, mais l’objectif est de connecter 18 machines cette année au Québec et un total d’environ 200 machines au Canada d’ici 3 ans. Tous les entrepreneurs forestiers sont invités à participer, conclut Étienne Pilon. 


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