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forestiers : héros de la lutte aux changements climatiques

3 avril, 2018  par Guillaume Roy


La biomasse forestière est une forme d’énergie qui permet de lutter contre les changements climatiques, estime Évelyne Thiffault.

Parmi toutes les armes disponibles pour lutter contre les changements climatiques, c’est la foresterie qui génère les plus grands bénéfices en matière d’atténuation, selon Évelyne Thiffault, pionnière dans le domaine de la recherche sur la biomasse. Ce qui ferait des travailleurs du secteur forestier des super héros des temps modernes.

Sa devise : « Let’s science the shit out of this ». Véritable passionnée de science et de la forêt québécoise, l’ingénieure forestière Évelyne Thiffault est aussi une des pionnières de l’étude de la sensibilité des sols à la récolte de biomasse en forêt. Elle a terminé un postdoctorat sur le sujet avant de travailler pour le Service canadien des forêts, puis comme professeure-chercheuse à l’Université Laval. Elle soutient que l’utilisation de la biomasse forestière sous la forme d’énergie est non seulement une bonne idée pour réduire notre empreinte carbone, mais qu’elle permet également de mobiliser les communautés vers un objectif de lutte aux changements climatiques en créant des emplois localement.

Pourquoi dites-vous que les forestiers sont des héros de la lutte aux changements climatiques ?
Évelyne Thiffault : Ce n’est pas juste moi qui le dis. Le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui réunit des milliers de chercheurs pour analyser la meilleure science disponible sur le climat, reconnaît le rôle central des forêts et de la bioénergie pour la lutte aux changements climatiques. Le GIEC souligne également que la foresterie, incluant la biomasse forestière, a un potentiel d’atténuation des changements climatiques plus grand que tout autre technique, parce que c’est lié au territoire et aux communautés.

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Avant d’aller plus loin, pouvez-vous nous dire qu’est-ce que la biomasse forestière pour bien comprendre les enjeux ?
La biomasse forestière résiduelle fait référence aux parties d’arbre qui ne sont pas utilisées commercialement ou qui ne sont pas de qualité suffisante. Au Québec, on parle souvent des résidus de coupe comme les branches et le houppier. Dans certains pays, on récolte le tronc de l’arbre, mais pas au Québec. Parfois, on parle aussi des sous-produits de la transformation du bois, comme les sciures ou les écorces et le bois post-consommation.

Pourquoi la récolte de la biomasse forestière a-t-elle si mauvaise presse ? Lors des dernières décennies, il y a eu plusieurs controverses liées à la production de biocarburants de première génération, qui étaient produits en transformant des ressources alimentaires, comme le maïs. À Bornéo, on a converti des forêts tropicales pour faire des plantations de palmiers dans le but de faire des biocarburants. Dans le cas de la biomasse forestière, on n’est pas dans un contexte de conversion de la forêt ni de production alimentaire, car ça reste une forêt qui va se régénérer.

La récolte de la biomasse a tout de même des impacts écologiques. À quel point risque-t-on de causer des problèmes aux écosystèmes forestiers ?
La biomasse peut être une source d’énergie, mais elle a aussi un rôle écologique à jouer, en termes d’apport de matière organique et d’éléments nutritifs. On a donc installé des dispositifs de recherche partout au Québec et on a travaillé en lien avec des chercheurs partout dans le monde, pour étudier les effets écologiques de la récolte biomasse sur les sols, sur la croissance des arbres et sur la biodiversité. Avec les données recueillies, on a été capable de développer des indicateurs de sites sensibles où on devrait éviter de faire de la récolte de biomasse.

Donc, est-il possible de récolter de la biomasse tout en respectant les écosystèmes ?
On a fait une étude au Lac-Saint-Jean pour estimer la quantité de biomasse disponible en incluant les contraintes de récolte environnementale les plus strictes pour les sites sensibles et vulnérables. On a d’abord noté que les contraintes les plus importantes sont techniques, parce qu’étant donné que c’est impossible de ramasser toutes les branches au sol, on ne peut récolter que 55 % de la biomasse disponible. Si on enlève les sites sensibles, il reste 39 % de la biomasse, ce qui veut dire qu’il y a amplement de biomasse pour faire de beaux projets de valorisation tout en protégeant nos écosystèmes forestiers.

Ces résultats sont basés sur la meilleure science disponible et on est capable d’intégrer facilement ces indicateurs dans les logiciels de planification forestière.

Où devrait-on éviter de récolter les résidus forestiers ?
Dans les peuplements aux sols pauvres, comme les peuplements de pins gris, car ils sont fragiles et ils tolèrent mal la récolte de biomasse alors que les peuplements d’épinette noire sont plus résilients et ils tolèrent des taux de récolte de biomasse atteignant 50 %.

Est-ce que la biomasse est carboneutre ?
L’important ce n’est pas d’être carboneutre, c’est de faire mieux que les carburants fossiles. C’est une erreur de dire que la biomasse est carboneutre, car la biomasse forestière crée une dette de carbone lors de son utilisation, qui se rembourse au fur et à mesure où la forêt repousse. De plus, la combustion de la biomasse crée plus de carbone dans l’atmosphère que les carburants fossiles, car elle est moins dense en énergie. Mais dans les calculs de la dette de carbone, la bioénergie finit toujours par produire des bénéfices par rapport aux carburants fossiles.

(NDLR : Les Nations Unies considèrent tout de même la biomasse comme étant carboneutre à long terme.)

Dans votre présentation, vous dites que la biomasse forestière réchauffe le cœur des communautés. Pourquoi ?
La foresterie au Québec, ça se passe partout sur le territoire. Le fait de mobiliser ces communautés-là vers un objectif de développement durable et de changements climatiques, ça augmente les chances que ça fonctionne et que les gens se sentent interpellés. Par rapport à des projets de carburant fossile, où il y a juste un camion qui passe livrer le carburant au village, il faut développer une chaine d’approvisionnement complexe pour la biomasse forestière, ce qui crée plusieurs emplois et d’importantes retombées locales. De cette complexité-là nait la beauté, car les gens doivent s’organiser, ce qui contribue à la cohésion sociale. Une recherche faite au Québec a d’ailleurs démontré l’effet mobilisateur des projets de biomasse dans les communautés.


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Ce texte a été initialement publié dans Unpointcinq.cale média de l’action en changements climatiques au Québec

Lancé à l’été 2017, Unpointcinq présente au grand public québécois les actions menées par les organisations et les entreprises d’ici pour lutter contre les changements climatiques. Vous avez un projet qui y réduit les émissions de GES  ou qui favorise notre adaptation? Faites-le savoir à l’équipe de Unpointcinq!


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