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Exploiter une mine d’or d’information

Les ordinateurs de bord des équipements de récolte représentent une petite mine d’or d’information selon les chercheurs.

9 septembre, 2022  par MYRIAM DELMAIRE, ING.F. ET ERIC R. LABELLE, ING.F.


Têtes d’abattage et de façonnage utilisées Ponsse H8HD;

Il y a plus de 30 ans, le premier ordinateur de bord (ODB) a été installé dans une abatteuse multifonctionnelle. Depuis 1988, la majorité des abatteuses ont un ordinateur, considéré à partir de cette époque comme un équipement de base. Dès leur apparition, les systèmes permettaient la mesure de longueur des billots, mais peu d’entre eux avaient des capteurs permettant d’évaluer le diamètre des tiges. De nos jours, les abatteuses multifonctionnelles ont des ordinateurs évolués et adaptés aux besoins modernes d’aujourd’hui. Ils permettent de stocker en continu de nombreuses données sur les tiges récoltées (longueur, diamètre, essence), sur les peuplements récoltés et les paramètres de machine. De plus, ces ordinateurs peuvent prédire la section inconnue de la tige et en calculer l’assortiment optimal de produits.

Les données récoltées par les ordinateurs de bord offrent un grand potentiel en termes de communication, d’amélioration des opérations forestières et d’approvisionnement des usines de transformation du bois, en particulier dans nos sociétés modernes où le contexte forestier évolue rapidement.

Cependant avant de pouvoir les utiliser, il est important de comprendre la nomenclature de ces données. La norme mondiale de communication entre les ODB des abatteuses-façonneuses à tête multifonctionnelle est appelée « Norme pour les données et la communication des machines forestières », avec comme abréviation StanForD. Cette norme a été introduite en 1990 et avec le temps, est devenue dépassée. En effet, plusieurs de ces variables n’avaient plus d’intérêt pour nos besoins forestiers actuels. Mise à niveau en 2011 avec StanForD 2010, ce standard est aujourd’hui utilisé par la majorité des producteurs de machines forestières. La norme est un format basé sur un fichier de type XML avec une interface ouverte, permettant ainsi facilement l’extraction et la lecture des données collectées dans des rapports structurés. StanForD 2010 est ainsi un standard permettant, à l’aide des différents rapports, d’effectuer des analyses approfondies du travail journalier, avec une plus grande traçabilité dans l’ordinateur de la machine. La structure des fichiers est basée sur différents rapports, soit le contrôle, la production, la qualité des données et de surveillance opérationnelle.

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Les données d’ordinateur sont faciles d’accès et rapidement acquises. Malgré tout, les données d’abatteuse-façonneuse à tête multifonctionnelle restent sous-utilisées dans de nombreux pays, notamment au Canada. Les prochains paragraphes décrivent un cas pratique de l’utilisation des données d’ordinateur de bord pour estimer la matière ligneuse non utilisée sur les parterres de coupe dans la région de la Gaspésie.

Selon l’article 152 du Règlement sur l’aménagement durable des forêts du domaine de l’État (RADF) (MFFP, 2018), le volume maximal de matière ligneuse non utilisée (MLNU) est de 3,5 m3/ha pour une coupe totale et 1,0 m3/ha pour une coupe partielle. Cependant, dans chaque région, l’entente de MLNU prise entre les différents partenaires forestiers et le ministère permet de modifier ce volume maximal, en rajoutant les MLNU non désirées (MLNU-ND). Cette entente vient avec l’obligation d’effectuer un inventaire terrain, considéré comme particulièrement coûteux (≈50$/ha) par l’industrie forestière. Considérant l’important manque de main-d’œuvre technique, plus précisément en Gaspésie et les marges de profit généralement faibles des compagnies privées, l’objectif général de la recherche était d’estimer le volume de MLNU après des opérations de récolte mécanisée à l’aide des données des ordinateurs de bord des abatteuses multifonctionnelles, pour réduire le coût associé à l’inventaire conventionnel.

Cinq sites de récolte ont été sélectionnés et récoltés par une abatteuse-façonneuse munie d’une tête multifonctionnelle différente. La sélection des têtes multifonctionnelles a été faite en évaluant la proportion de chaque marque, suivant un sondage effectué chez les entrepreneurs en Gaspésie. Trois Ponsse avec OPTI4G comme système embarqué, et deux LogMax, l’une sous Log Mate 500 et l’une sous Log Mate 510, ont été sélectionnées pour récolter chacune un des cinq sites expérimentaux (Figure 1).

Trois inventaires distincts ont été effectués : (1) inventaire avant coupe de sélection; (2) inventaire avant coupe des arbres études; et (3) inventaire après coupe des produits et débris ligneux des arbres études.

La plus grande problématique lors de l’utilisation des données d’ordinateur de bord pour estimer la matière ligneuse non utilisée était que la section de la tête, au-delà de la dernière bille transformable, n’est pas une information présente dans les données. Pour ça, nous avons effectué la reconstruction de 970 arbres études (460 épinettes blanches et 510 sapins baumiers) et développé des algorithmes pour estimer la section marchande de la tête à 9,1 cm de diamètre.

En intégrant l’estimation de la section commerciale de la tête, nous avons joint nos forces avec le consortium de recherche FORAC pour développer un outil de spatialisation utilisant les rapports de production de StanForD (.pri) et StanForD 2010 (.hpr), les données de GPS ainsi que le contour des secteurs de coupe, afin de permettre la localisation du volume de MLNU par secteur de coupe. Il était important pour nous de développer un outil répondant aux deux normes de communication, car elles représentent à chacune, environ 50% des abatteuses multifonctionnelles présentes en Gaspésie.

 Les fichiers de production .pri (StanForD) n’ont pas d’information de temps par arbre récolté, contrairement aux fichiers de production .hpr. Ainsi, lorsque l’outil utilise un fichier .pri, le volume de MLNU est évalué à l’hectare pour l’ensemble d’un secteur de coupe, alors qu’avec le fichier .hpr, il est possible de localiser par tige le volume de matière ligneuse et ensuite, effectuer une sommation par hectare de MLNU. La figure ci-dessous illustre la différence entre les deux standards de communication.

L’utilisation des données d’ordinateur de bord pour l’estimation de la matière ligneuse non utilisée présente plusieurs avantages. Cette méthode avec les données d’ODB a un coût faible, soit entre 12,3 et 13,2$/ha. Elle permet une réponse plus rapide que l’inventaire forestier et peut permettre d’apporter des correctifs en ciblant les zones pro-
blématiques ou des méthodes de récolte inappropriées. De plus, l’utilisation d’un tel outil pourrait permettre de réduire le temps de déplacement en forêt des techniciens forestiers et ainsi, prévenir des accidents de travail courants.

Il est clair que, dans un contexte opérationnel, notre utilisation des données d’ordinateur de bord demeure généralement superficielle. Pourtant, la plus-value est énorme et s’applique à plusieurs thématiques allant de la prévision de productivité de machine jusqu’à l’estimation de la MLNU!

Nous tenons à terminer cet article sur une note de remerciement. Ce travail n’aurait pas pu voir le jour sans le soutien de l’industrie forestière de la Gaspésie, du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et des entrepreneurs forestiers et travailleurs qui y ont parti-
cipé, merci !

Pour plus d’informations, un article scientifique a été publié à ce sujet à l’adresse suivante : https://doi.org/10.3390/f13060945. 


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