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Et si on cultivait le bouleau ?

10 janvier, 2019  par Émélie Rivard-Boudreau



Alors que les plantations de bouleaux sont à peu près inexistantes au Québec, un producteur forestier et chercheur à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) fait pousser, depuis 10 ans, 10 000 bouleaux à papier sur cinq anciennes terres agricoles. Par son projet de recherche, Philippe Duval compte faire valoir le potentiel commercial et environnemental de cette essence. 

Au début du mois de juillet, c’est avec une grande fierté que Philippe Duval invitait les médias et des membres du ministère de la Forêt sur son site expérimental à La Motte, en Abitibi. Sur place poussent près de 2500 bouleaux à papier sur 1,5 hectare.  « Je me suis toujours demandé pourquoi on ne plantait pas plus de bouleaux », a raconté le chercheur. En Finlande, 17% des arbres plantés sont des bouleaux. Leur habitat est principalement les anciennes terres agricoles. « Avec les améliorations génétiques,  une plantation de bouleau blanc peut, dans les meilleures conditions, produire un volume total de 400 mètres cubes à l’hectare en 40 ans », affirme-t-il. 

Philippe Duval croit donc que le Québec gagnerait à faire plus de place à ce feuillu recherché et payant pour l’industrie du bois de déroulage. Selon lui, les producteurs pourraient obtenir jusqu’à 400 $ ou 500$ par mètre cube. La qualité de ce bois serait aussi très prisée par des ébénistes américains, notamment pour la fabrication de meubles qui sont mis en marché au magasin à grande surface IKEA. Des usines comme LVL Global et Commonwealth Plywood sont preneuses de l’essence et l’usine Forex d’Amos pourrait aussi éventuellement devenir preneuse. «La sève de bouleau gagne aussi en popularité sur le marché et la récolte des arbres de moins bonne qualité peuvent servir pour le bois de chauffage», rajoute le producteur forestier. 

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Plus de valeur pour les terres à l’abandon

Les terres agricoles à l’abandon se sont multipliées en Abitibi-Témiscamingue au fil des années. Si elles ne sont pas courtisées par des entreprises du sud du Québec ou même de la Chine, elles deviennent en friche ou le lieu d’une plantation de résineux. «Tout le monde me dit «Wow, c’est beau ta plantation de bouleaux!»», lance le propriétaire du site expérimental, André Ouellet. C’est lui-même qui a approché Philippe Duval pour participer à sa recherche. Diversifier la végétation sur ses terres, pour les bienfaits de la nature et de son paysage, l’a séduit.  Varier ses sources de revenus fait aussi partie de ses motivations.  «Il y a vraiment un potentiel, considère-t-il. Être trop dans la même direction, ça nous nuit. Si on est juste dans le résineux et que ça s’écrase, tout s’écrase». 

Philippe Duval déplore que si peu d’énergie et de financement n’ait été investis pour la recherche et le développement du bouleau au fil des années. «Si on avait investi à peine 10% de ce qu’on a mis pour le peuplier hybride, on aurait fait des miracles», considère-t-il. 

Créer les meilleurs spécimens

Au tout début de son expérience, en 2006, Philippe Duval a récolté des semences de 9 endroits au Québec : Duparquet, Témiscaming, Guérin, Laniel, St-Maurice, Petawawa, de l’Estrie, de la Gaspésie et des Laurentides. Déjà, avec une surveillance accrue des espèces compétitrices sur les sites, un élagage rigoureux en 2012, 2014 et 2017, les bouleaux à papier grandissent environ de 80 centimètres par année. En 10 ans, il ont atteint près de 9 mètres de hauteur et 12 centimètres de diamètre. «C’est très encourageant», concède-t-il. 

Les prochaines étapes du projet consistent à éclaircir les sites et effectuer un élagage final afin de permettre une bille sans nœuds d’au moins trois mètres. Ensuite, le croisement des meilleurs individus permettra l’amélioration génétique de l’espèce. Le ministre des Forêts, Luc Blanchette, qui s’est rendu sur la plantation de bouleaux de La Motte à la fin du mois de juillet, aurait montré de l’ouverture pour que son ministère contribue financièrement à cette prochaine étape du projet de recherche.


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