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Éditorial: Produire plus de bois pour protéger plus de forêts

La Stratégie nationale de production de bois vise à produire davantage de bois dans certaines zones pour mieux protéger d’autres secteurs. Une grande avancée pour le milieu forestier.

4 avril, 2019  par Guillaume Roy


MFFP

J’aime beaucoup les chansons de Richard Desjardins. Et je crois aussi qu’il avait en partie raison de tirer la sonnette d’alarme sur les pratiques forestières il y a 20 ans, lorsqu’il a produit l’Erreur boréale en 1998. Mais je suis grandement déçu, quand il dit que la forêt boréale n’est pas en santé aujourd’hui.

Il reste encore des améliorations à faire, mais le Québec a fait un grand bout de chemin depuis 1998. En 2005, le gouvernement a notamment créé le poste de Forestier en chef à la recommandation de la Commission Coulombe. Son rôle : calculer la possibilité de récolte des forêts en tenant compte de l’aménagement durable des forêts, tout en éclairant les décideurs et la population sur l’état des forêts publiques. Résultat : la possibilité forestière a chuté drastiquement, de près de 25 %.

En 2017, on a ainsi récolté 28 % moins de bois qu’en 1995. En nombre absolu, on a récolté 27,7 millions de mètres cubes en 2017, alors qu’on en récoltait 38,4 millions de mètres cubes en 1995. À l’échelle de la province, on récolte seulement 0,47 % des superficies forestières productives chaque année.

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Pour assurer la pérennité de l’industrie et des 60 000 emplois qui en découlent dans les régions du Québec, le Forestier en chef a proposé, en décembre dernier, d’intensifier la production forestière pour produire 50 % plus de bois d’ici 2063. On parle ici de produire plus de bois dans certaines zones, notamment en faisant davantage d’éclaircies précommerciales et commerciales, afin de produire davantage de bois dans certains secteurs.

L’intensification forestière est d’ailleurs un des trois piliers du concept de la triade, avec la conservation et l’aménagement extensif, prôné et développé par Christian Messier, un professeur d’écologie forestière qui milite à la fois pour une meilleure conservation des forêts et pour une récolte durable des forêts.

Produire davantage de bois dans certaines zones facilitera d’ailleurs l’atteinte des objectifs d’implantation d’aires protégées, qui pourraient atteindre 20 % du territoire en 2050, selon les données utilisées par le MFFP. Un objectif ambitieux, car seulement 7,5 % du territoire québécois est protégé au sud de la limite nordique de récolte des forêts.

Le gouvernement et le MFFP devraient davantage mettre l’emphase sur cette notion de compromis entre la production de bois et la conservation des forêts, car c’est une notion de compromis, qui permet de protéger la biodiversité tout en maintenant l’économie forestière. Bref, tout le monde y trouve son compte.  

L’industrie forestière est non seulement un pilier de l’économie des régions du Québec, mais c’est aussi « la meilleure arme de lutte aux changements climatiques », selon Évelyne Thiffault, professeur et chercheuse au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. Avec ses collègues, elle a calculé la quantité de biomasse qui pouvait être récoltée de manière écologique au Québec, afin de maximiser l’utilisation de cette ressource renouvelable pour remplacer les produits pétroliers.

Quand on parle de construction, le bois est également le grand champion pour réduire notre empreinte carbone, car contrairement aux procédées de fa-
brication du béton ou de l’acier, qui émettent du carbone, le bois emmagasine le carbone pour générer un bilan positif.

Au lieu de diaboliser l’aménagement forestier, il faudrait plutôt le voir comme du jardinage forestier, qui nous permet de aussi créer des forêts plus rési-
lientes aux changements climatiques, souligne Christian Messier, qui est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la résilience des forêts face aux changements globaux.

« J’ai déjà montré le film l’Erreur boréale à mes étudiants quelques années après la parution du film pour leur démontrer comment on faisait la foresterie au Québec, note ce dernier. Mais j’ai arrêté de le faire, car ça ne représente plus ce qu’il se fait aujourd’hui. » En ce sens, Richard Desjardins a atteint son objectif, car de gros changements sont survenus depuis 20 ans. Pour continuer à aller de l’avant, il faut au moins reconnaître le chemin parcouru.


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