
Nouvelles de l’industrie
Éditorial: Aménager dans un monde en plein changement
L’aménagement forestier doit être fait en tenant compte des changements climatiques si on veut maximiser la valeur des sommes investies en sylviculture.
19 novembre, 2018 par Guillaume Roy
Le nouveau régime forestier mise sur l’aménagement écosystémique, cherchant à restaurer l’intégrité écologique des forêts préindustrielles. Est-ce un bon plan alors que le climat change plus rapidement que jamais ? De plus en plus de chercheurs en doutent, espérant que le ministère intègre les changements climatiques dans leur planification.
Claude Villeneuve, biologiste de renom et directeur de la chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi, fait partie du lot. En octobre dernier, il a parlé de l’importance d’agir rapidement lors du congrès annuel de l’Association forestière du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Pour évi-
ter que le climat ne se réchauffe de plus de 2 °C, on devrait diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 50% d’ici 2030, a-t-il mentionné.
Étant donné que ce défi colossal semble impossible à réaliser en si peu de temps, on se dirige plutôt vers un scénario ou les températures augmenteront d’au moins 4 °C. « Au-delà de 2 °C d’augmentation, les bénéfices de croissance escomptés dans la forêt boréale pourraient être renversés. » Autrement dit, l’augmentation des températures pourrait causer des sécheresses ou des surplus d’eau qui seraient néfastes à la croissance des arbres.
Selon Hubert Morin, un spécialiste de l’éco-logie forestière à l‘UQAC, l’augmentation des températures pourrait causer une hausse des perturbations dues à la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE). C’est du moins ce que laissent présager l’étude des écailles de papillons au fond des lacs, qui démontrent que la présence de la TBE était plus importante lors des épisodes plus chauds dans le passé.
Christian Messier, professeur au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la résilience des forêts face aux changements globaux, estime pour sa part que les aménagements forestiers devraient être faits pour rendre les forêts plus résilientes. « Plusieurs études démontrent qu’en mélangeant plusieurs espèces, les forêts sont plus résilientes aux changements climatiques et aux insectes », dit-il. En aménageant de telles forêts intensivement, on pourrait produire jusqu’à 6 m3/ha/année, au lieu du famélique rendement moyen de 1,5 m3/ha/année au Québec.
Les experts, comme Philippe Nolet, professeur et chercheur au département des Sciences naturelles à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), estiment que Québec doit faire la planification de sa stratégie nationale de production de bois tout en considérant les changements climatiques. « Plusieurs études démontrent aussi qu’après une éclaircie commerciale, les arbres résiduels ont un meilleur accès aux ressources lors des sécheresses, ce qui renforce sa capacité d’adaptation aux changements climatiques. Mais encore faut-il choisir les bonnes espèces, car ce moment, les choix de reboisement ne sont pas faits en fonction des changements climatiques anticipés ». Pour maximiser la valeur de chaque dollar investi, on doit développer de nouvelles façons de faire.
De plus, la stratégie nationale de production de bois devrait être arrimée avec une stratégie nationale d’aires protégées pour faciliter l’accep-
tabilité sociale de toute la population (p.30). Difficile d’être contre l’idée de produire plus de bois pour créer de la richesse tout en protégeant plus les écosystèmes et la biodiversité. Mais encore faut-il bien préparer et présenter la stratégie, car pour l’instant Québec est en train de passer à côté d’une opportunité en or de faire rayonner la forêt québécoise sous toutes ses coutures.
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