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Du bois de démolition pour l’énergie

Au centre de tri d’Enfoui-Bec à Bécancour, davantage de rebuts de bois sont dirigés vers les centrales thermiques.

11 avril, 2013  par Guy Fortin


À partir des empilements (à gauche), une excavatrice Komatsu 300 alimente la trémie de la puissante déchiqueteuse Morbark Tub Grinder 1200 Xl. Les copeaux serviront ensuite de combustible.

Il n’y a pas si longtemps (on parle du début des années 80), les résidus de bois de construction étaient dirigés vers les sites d’enfouissement pour y être enterrés. Aucune valeur n’était accordée à ce matériau. Il semble bien que les temps aient changé puisque certains industriels des rebuts, comme Yvon Lemay de l’entreprise Enfoui-Bec inc., s’affairent à recycler le plus de volume possible de matériaux considérés comme rebuts. Sur les quelque 200 hectares de terrain de Enfoui-Bec, depuis un peu plus d’un an et demi, est maintenant érigé un centre de tri des plus dynamiques en vue de bien classer les différents solides. Métaux, béton, plastique et, bien sûr, le bois de structures démolies trouveront dans presque tous les cas une seconde utilisation (le plastique reste plus problématique). Depuis, on note une progression de plus de 30 % du volume de bois qui sera recyclé pour en faire du combustible pour les centrales thermiques des papetières environnantes.

« Dans les années 80, on écopait d’une infraction si on n’enfouissait pas les résidus de palettes aboutissant dans notre cour, lance d’entrée de jeu Yvon Lemay, président de l’entreprise de Bécancour. Je m’entêtais, je ne me résignais pas à jeter ce bois. Je louais des déchiqueteuses pour le recycler.» L’entrepreneur visionnaire avait raison. Aujourd’hui, ce bois vaut son pesant d’or, surtout dans un contexte de rareté de résidus de bois.

Principalement composés de rebuts de résineux provenant de sites de construction et de démolition, les copeaux de déchiquetage ne conviennent qu’aux centrales thermiques. Ils ne sont pas uti-lisables dans les autres secteurs de la biomasse forestière. L’approche proactive de l’entrepreneur consiste à recueillir sur les chantiers mêmes les matériaux rejetés. Plus de 150 conteneurs de différents volumes (12, 25, 40 verges cubes) appartenant à l’entreprise sont distribués sur les chantiers de construction et de rénovation de la grande région de Trois-Rivières en vue d’y déposer les rebuts. À toutes les deux semaines, les conteneurs reviennent au site d’enfouissement remplis, dans une proportion d’environ 50 %, de pièces de bois de toutes sortes.

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Le centre de tri
Sur la rive sud du Saint-Laurent en bordure du pont Laviolette, le site de Enfoui-Bec grouille d’activités. Un secteur est réservé à une extrémité pour les sols contaminés, un autre espace substantiel pour le compostage des boues de papetières, une zone pour le déchiquetage, un autre coin de terrain pour le concassage des débris de béton, d’asphalte et de brique, et, la grande fierté de son propriétaire, sur les 20 hectares bordant le fleuve : une plantation de quelque 20 000 feuillus nobles en rangées bien droites (noyers, chênes, frênes) donne une allure de domaine à la façade de l’entreprise.

Au total, une trentaine d’employés travaillent pour l’entreprise, dont une dizaine à l’intérieur et à l’extérieur du nouveau centre de tri. Des empilements de rebuts en vrac entourent le bâtiment qui s’active au rythme d’un immense convoyeur vibrant récemment installé par la compagnie Vibrotech et d’un système de dépoussiérage de marque Concept-Air. Une excavatrice Komatsu 200 équipée d’un grappin à rebuts Rotobec charge, à partir du dessus des empilements, le godet d’une chargeuse John Deere, laquelle dépose le tout sur le convoyeur Vibrotech. Les particules fines sont évacuées à l’extérieur alors que les plus grosses pièces circulent vers l’intérieur où cinq employés font tomber, à leur poste respectif, les différents solides dans des enclos distincts disposés tout autour du bâtiment au premier niveau.

Dany Lemay, Louis-Marc Bourgouin et Jacinthe Lemay, les neveux et la nièce du propriétaire, sont également actionnaires de l’entreprise depuis quelques mois. Dany s’occupe du centre de tri et du recyclage du bois alors que Louis-Marc est responsable de la réhabilitation des sols contaminés et du concassage des débris. Jacinthe pour sa part, s’occupe de comptabilité et d’administration. Raymond Lyonnais chapeaute les opérations à titre de directeur. Les trois actionnaires n’hésitent pas à qualifier leur oncle, Yvon Lemay, de visionnaire. « Même s’il ne parle pas beaucoup, précise Dany, lorsqu’il se prononce, ses décisions sont percutantes de précision et de perspicacité. »

Plus grosse déchiqueteuse
Plus de la moitié du volume des solides récupérés après le tri est composée de bois qui provient de chantiers et d’usines dans un rayon d’environ 40 kilomètres. De ce volume, même si une très forte proportion est constituée de bois sec, il arrive de plus en plus que l’on reçoive du bois vert (souches, arbres, branches). « Jusqu’au mois de juillet dernier, nous travaillions avec une déchiqueteuse de marque Morbark Wood Hog 3600 horizontale, précise Dany Lemay. Tout allait bien pour ce qui est des bouts de bois secs de construction. Mais lorsque Yvon a vu à l’œuvre le modèle Tub Grinder 1200 Xl qui peut donner le double de production et se charger de grosses souches et de troncs d’arbres, il l’a immédiatement acheté. »

La nouvelle déchiqueteuse Morbark, qui ne comptait au moment de notre visite qu’une soixantaine d’heures d’utilisation, peut produire jusqu’à 35 tonnes de copeaux à l’heure. La production annuelle de la compagnie, de 10 000 tonnes de copeaux qu’elle était, atteindra facilement plus de 13 000 tonnes cette année. « On essaie de maintenir en inventaire environ 1000 tonnes par mois de copeaux secs ou verts pour approvisionner les papetières. On compte autour de cinq clients, mais actuellement une seule entreprise est active : Cascades. » Deux journées de sept heures suffiront à la déchiqueteuse pour réaliser un empilement de 1000 tonnes. « On peut parler du double de production lorsque nous déchiquetons du bois vert, ajoute Dany Lemay. »

À partir des empilements de bois trié, une excavatrice Komatsu 300 munie d’un godet de 3 verges cubes, alimente la trémie de la Morbark qui déverse les copeaux à la portée d’une chargeuse Komatsu 380 qui approvisionne la réserve. Une remorque de l’entreprise, d’une capacité de 30 tonnes à plancher mobile, effectuera la livraison du combustible. Il arrivera également qu’on se serve des conteneurs de 40 v3 pour livrer les copeaux.

Les corps étrangers tels le fer, le béton et les cailloux font la vie dure à la déchiqueteuse qui ne semble toutefois pas encore en souffrir. « Notre plus grand problème demeure encore les pellicules de plastique et le plastique rigide, de même que le sable, qui contaminent nos copeaux avant la revente, précise le responsable. Il faut être très attentif. »

Peu d’enfouissement
Plus d’une vingtaine d’équipements mobiles sont à l’œuvre pour la compagnie. En plus de la déchiqueteuse Morbark, on dénombre notamment sept excavatrices Komatsu et sept chargeuses, de même que deux bouteuses, deux camions remorques, trois camions à glissement de benne et un nouveau concasseur mobile de marque Rubble Master. Plusieurs millions de dollars d’équipements pour parvenir à recycler plus de 85 % des matériaux qui transite sur le site.

Même si le bois constitue le gros vo-lume solide recyclé annuellement, plus de 25 000 tonnes de boues de papetières sont également transformées en terreau par un procédé de compostage. Ces boues des papetières occupent des centaines d’hectares, elles y resteront pour environ trois ans avant d’être tamisées et de produire un compost. On a aussi aménagé un site exclusivement voué au traitement des sols contaminés qui seront oxygénés et traités par l’ajout des nutriments nécessaires. De plus, depuis quelques semaines on effectue également le concassage du béton, de la brique et de l’asphalte pour desservir le marché de la construction de routes. Tout ce qui res-tera à enfouir sera la faible proportion de plastique et de matériaux non recyclables comme le bardeau d’asphalte.

Même si le site est exploité depuis 1982, soit plus de 25 ans, une forte proportion de la superficie est encore dis-ponible pour enfouissement avant que le territoire ne soit fermé. Le recyclage prolonge donc de beaucoup la durée de vie des sites d’enfouissement. « Il est pratiquement impossible de dire quand le site sera complètement rempli, précise Dany Lemay. Il y a même des secteurs qui contiennent encore des matériaux récupérables. » Et même si à partir de janvier 2009, la loi est modifiée et que les rebuts secs ne pourront plus être enfouis dans cette région, l’entreprise Enfoui-Bec dispose d’un autre terrain d’égale dimension à quelques dizaines de kilomètres de là qui peut servir à enfouir les matériaux non recyclables.        


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