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Compenser les aires protégées en intensifiant la production forestière

Les écosystèmes forestiers et le monde changent rapidement. En 2018, serait-il possible de marcher, mâcher de la gomme…et jongler?

13 Décembre, 2017  par André Gravel Directeur Approvisionnement en fibres Domtar


Il y a un peu plus de 25 ans, je joignais l’équipe de forestiers de Domtar en Abitibi. Mes premières tâches? Réaliser un contrat de reboisement de plus de 6 millions d’arbres, une contribution à l’objectif de René Lévesque de planter 300 millions d’arbres par année au Québec. Mon travail principal cependant était d’implanter un système de cartographie numérique. Et oui, à l’époque, les cartes étaient encore colorées manuellement. En travaillant et en étudiant en Ontario et au Nouveau-Brunswick, j’avais remarqué que ces provinces avaient une avance de près de 10 ans sur l’implantation de cette technologie qui jumelait la cartographie aux bases de données. Un nouveau mot était inventé, la géomatique.  

A l’époque, la nouvelle loi sur les forêts de 1986, communément appelé le régime des CAAF, avait remplacé le régime des concessions et avait amené une série de changements dont l’obligation du rendement soutenu, la remise en production des aires non-régénérées, l’implantation du règlement sur les normes d’interventions (l’ancêtre du RADF) et la stratégie de protection des forêts (fin de l’usage de pesticides et phytocides chimiques). Par la suite, j’ai migré vers la forêt publique de l’Outaouais et depuis l’année 2000, en Estrie dans la forêt privée du sud du Québec. Durant ces années, le concept d’aménagement forestier durable a évolué progressivement à partir du Rapport Bruntland, de la Gestion intégrée des ressources,  de la consultation des peuples autochtones et des parties intéressées, du film l’Erreur boréale, du développement du réseau des aires protégées,  du rapport Coulombe, de la crise dans l’industrie, de la certification FSC, de la loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, de l’usage du bois pour stocker du carbone, de l’importance des communautés forestières et de l’aménagement écosystémique. Voilà autant de jalons et de changements qui ont marqué mes années à titre de forestier. Pour ma part, en plus d’avoir la chance de mettre en valeur une ressource renouvelable, la reconnaissance qu’il y a « beaucoup plus que du bois dans les bois »  traduit la volonté des gestionnaires de territoires forestiers à tendre vers l’équilibre entre les dimensions sociales, économiques et environnemental.

Malgré tous les changements auxquels j’ai assisté depuis plus de 25 ans, au moins, il y avait une certitude : Les écosystèmes forestiers ne changeaient pas. C’était écrit dans mes livres d’écologie forestière et de foresterie. Les forêts évoluaient, certes, vers un état stable. Croire que la forêt ne change pas est l’un des grands paradigmes que je partage avec les forestiers. Alors qu’avec les changements climatiques et les espèces envahissantes, les forêts changent rapidement.

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Tout cela m’amène à vous parler d’un livre tout simple qui a marqué mon année 2017 : The art of thinking clearly, de Rolf Dobelli. Chacun des 99 chapitres a trois pages. Ces chapitres traitent des paradigmes et biais qu’ont les femmes et les hommes. Chaque profession a ses propres paradigmes. Ce biais, la déformation professionnelle se résume par : « Ceux qui ne savent que manier le marteau, n’ont que des clous comme solution ».

Un ami trappeur, dont le territoire est situé au 49ième parallèle, près de Lebel-sur-Quévillon, m’a dit que depuis quelques années il observait des pistes de chevreuil. Mon voisin de Magog me montrait récemment des photos d’un opossum qu’il a capturé dans sa cour arrière. J’ai dû ajuster mes paradigmes car pour moi, jusqu’à présent ces deux exemples étaient inimaginables.

Chaque intervenant forestier observe la forêt selon un angle différent. Or les forêts changent rapidement. A court terme, les groupes intéressés par la forêt auront à faire face à trois enjeux de taille : les ravageurs forestiers et les espèces envahissantes, la mise en place de nouvelles aires protégées pour atteindre les objectifs gouvernementaux et la lutte aux changements climatiques par l’intensification de l’aménagement forestier.  

Jusqu’à présent, au Québec, hormis le projet Triade en Mauricie et certaines propriétés privées, ces dossiers sont en général traités parallèlement. Comme s’il ne devait pas y avoir de lien entre l’intensification de l’aménagement forestier et la conservation. Pourtant, ils devraient être intimement liés car ils concernent le territoire forestier. D’ailleurs, je crois qu’aucun de ces types de zonage ne devraient être autorisé sans avoir préalablement identifié et faire accepter la contrepartie. Pour ce faire, il y aurait lieu d’assoir à la même table tous les intervenants afin que pour un territoire donné, la création d’aires protégées soit compensée par l’intensification de l’aménagement forestier.  Afin d’atteindre des objectifs multiples, contribuer à la lutte aux changements climatiques et rendre les forêts plus résilientes. Finalement les écosystèmes forestiers changent rapidement. Notre gestion des forêts doit devenir beaucoup plus proactive et dynamique. En 2018, je pense qu’il est possible de marcher, mâcher de la gomme…et jongler?

Bonne Année 2018 !

André Gravel, Domtar

Pour écouter André Gravel sur le sujet, regardez cette vidéo: https://mirador.domtar.com/video/amenagement_forestier/intensification_amenagement_forestier.html


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