Opérations Forestières

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Comment produire 4 fois plus de bois par hectare

22 novembre, 2018  par Guillaume Roy



L’intensification forestière en Finlande permet de produire quatre fois plus de bois sur un hectare de forêt que ce que l’on produit au Québec. Devrait-on s’inspirer de ce modèle scandinave ?

Même à près de 2000 kilomètres plus au nord que Saguenay, on aperçoit des champs de céréales, des vaches qui broutent dans les pâturages arctiques et d’immenses forêts, avec des arbres majestueux qui ont un diamètre impressionnant de plus de 50 centimètres. Jamais on aurait pu penser voir d’aussi gros arbres dans le cercle polaire arctique, à une latitude plus élevée qu’Iqaluit ! On ressent pleinement toute la puissance du Gulf Stream (le courant dans l’océan Atlantique qui réchauffe le nord de l’Europe).

Au-delà de la présence d’arbres à une latitude aussi nordique, une autre chose impressionne : toutes les forêts (ou presque) sont ultra aménagées, si bien que les arbres sont énormes et on ne retrouve aucun arbre mort au sol ! 

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Sur une superficie forestière presque deux fois plus petite que celle du Québec, le pays scandinave, qui produit principalement du pin sylvestre, de l’épinette de Norvège et du bouleau, a récolté 64 millions de mètres cubes de bois alors que le Québec en a produit 27,7 millions.

« Les forêts finlandaises, où l’on retrouve un climat et des sols comparables au nôtre, produisent de 5 à 6 mètres cubes par hectare par an, alors que nous on en produit 1,5 », note Christian Messier, professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal. 

La clé du succès finlandais : l’aménagement intensif. À peine cinq ans après le reboisement, une éclaircie précommerciale est effectuée. Par la suite, de deux à quatre éclaircies commerciales sont faites pour réduire la densité du peuplement et laisser davantage de ressources aux arbres restants.  

Ces pratiques d’aménagement intensif sont même ancrées culturellement, chez la plupart des propriétaires de boisés forestiers. Marko Mattila, un ingénieur forestier de 44 ans qui travaille pour le manufacturier de machines forestières Ponsse, se souvient des balades qu’il faisait en forêt avec son grand-père, alors que ce dernier lui expliquait la valeur des arbres. « Pour chaque arbre que je coupais, je devais lui expliquer pourquoi j’avais pris cette décision, en justifiant, par exemple, la présence d’une fourche dans l’arbre, dit-il. On m’a transféré le savoir, comme c’était le cas pour la majorité des gens de ma génération, que chaque arbre vaut de l’argent. Et cette valeur doit être maximisée. »

« Après la guerre, la foresterie est devenue un projet national », remarque Timo Kuuluvainen, professeur d’écologie forestière à l’Université d’Helsinki. Pour rembourser sa dette de 226,5 millions de dollars américains à l’Union soviétique, mais aussi pour créer de la richesse, les chantiers se sont multipliés pour couper les forêts matures et pour aménager les forêts plus jeunes, ajoute Kari Wuolijoki, directeur des opérations forestières pour le Groupe Keitele, un important transformateur en Finlande. De grandes superficies de tourbières ont aussi été drainées pour augmenter la productivité des forêts. 

Au fil du temps les techniques se sont raffinées et le rendement forestier moyen est passé de 75 m3/ha en 1970 à 111 m3/ha aujourd’hui, une augmentation de 48 %. Pendant ce temps au Québec, la productivité forestière se situe plutôt aux alentour de 25 à 30 m3/ha. 

« Le système est très bon d’un point de vue forestier, mais pas pour la biodiversité » souligne Timo Kuuluvainen, car 814 espèces forestières sont en danger et 70 % des habitats forestiers sont menacés en Finlande.

Pour augmenter la possibilité forestière, Québec planche aussi sur une Stratégie d’intensification forestière où l’on ferait de l’aménagement intensif sur 25 % du territoire. « On a de la chance au Québec, parce qu’on a un grand territoire où l’on peut tout faire. On peut s’inspirer de la Finlande pour produire plus de bois, mais seulement sur une partie du territoire », note Christian Messier, qui trouve la proportion de 25 % un peu élevée. 

D’autres chercheurs comme Daniel Kneeshaw, le directeur du programme de doctorat en sciences de l’environnement, estiment que ce plan d’intensification devrait être lié avec l’objectif de protection de 17 % du territoire.

La forêt commerciale en Finlande 

Forêt commerciale : 230 000 km2

25 % public, 75 % privé

Rendement annuel : 6 m3/ha/an

Récolte : 64 millions de mètres cubes 

Emplois : 65 000

La forêt commerciale au Québec

Forêt commerciale : 425 696 km2 

82 % public, 18 % privé

Rendement annuel : 1,51 m3/ha/an

Récolte : 27,7 millions de mètres cubes (en 2017)

Emplois : 60 000


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