Opérations Forestières

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Bucher en famille

La nouvelle administration de Dumas Canada est plus déterminée que jamais à relever les défis auxquels l’entreprise familiale est confrontée.

7 novembre, 2019  par Maxime Bilodeau


Dumas Canada récolte 160 000 m3 annuellement, dont le deux tiers en chemins gravelés.

Dans la cour de Dumas Canada, à Saint-Côme-Linière, en Beauce, des dizaines de machines sont au garde-à-vous. Trois ébrancheuses, autant de débusqueuses, deux abatteuses, quelques pelles hydrauliques et même des bulldozers : toutes étaient immobilisées depuis bientôt un mois lors du passage d’Opérations forestières, en mai dernier. Normal : la fonte de la neige les a chassées des 60 000 hectares de forêts mixtes et d’érablières où l’entreprise familiale opère environ dix mois par année pour le compte de la papetière québécoise Domtar. En tout, 160 000 m3 sont récoltés annuellement, dont le deux tiers en chemins gravelés.

Le garage de Dumas Canada, en revanche, fourmille d’activités. Dans un coin, des mécaniciens s’affairent autour d’un camion semi-remorque éventré. Plus loin, d’autres employés passent au peigne fin une chargeuse de marque Volvo qui, on le devine, a du vécu sous le capot. L’heure est manifestement à l’entretien de la machinerie. « Certaines de nos machines ont plus de 30 000 heures d’utilisation », souligne Serge Bourque, nouveau propriétaire de Dumas Canada. « Quand nous rentrons dans le bois, en juin, c’est le temps de travailler, pas de réparer. Il faut que ça roule. »

L’homme de 47 ans, un solide gaillard, a racheté l’entreprise le 1er février dernier avec sa conjointe Dominique Dumas, 46 ans. Pour cette dernière, c’est la suite logique des choses : elle était déjà propriétaire avec ses frères Daniel et Pierre Dumas, tous deux dans la cinquantaine, depuis 1995. Les deux hommes resteront dans les parages pendant quelque temps afin d’épauler l’administration rentrante. La durée de la transition n’est pas encore déterminée. « On parle probablement de quelques années », confirme Daniel Dumas, rencontré sur place.

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Des nouveautés
Serge Bourque connaît bien Dumas Canada : il y a commencé en tant que mesureur il y a 23 ans. Puis, il a géré la logistique des transports; la dizaine de camions semi-remorques de l’entreprise effectue plus de 5000 voyages de bois par année. Au fil des ans, la supervision du tronçonnage et des opérations s’est ajoutée à sa liste sans cesse grandissante de responsabilités. « À part de la plantation, nous nous occupons de tout, de la planification des chantiers au transport en passant par le voirie et la technique forestière. Nous sommes audités chaque année pour les normes Forest Stewardship Council (FSC) », énumère-t-il.

Les timoniers de Dumas Canada auront fort à faire dans les prochains temps. En septembre, Domtar va modifier son usine de pâte et papier de Windsor, près de Sherbrooke, pour le bois multilongueur. À terme, la société acceptera des billots de bois jusqu’à 24 pieds de long. Heureusement, Dumas Canada est déjà équipée de tronçonneuses afin de couper le bois franc en billots de 8 pieds. « Je vois cette nouveauté d’un bon œil. Nous devrons certes effectuer une certaine quantité supplémentaire de tronçonnage. Mais, nous pourrons dorénavant valoriser l’ensemble des produits de la coupe, il n’y aura plus de pertes », se réjouit Serge Bourque.

Cette ouverture pourrait amener Dumas Canada à investir dans une nouvelle ébrancheuse dans les années à venir. Chose certaine : son acquisition se fera chez Pro Pac, une entreprise spécialisée dans ce type de machinerie qui a elle aussi pignon sur rue à Saint-Côme-Linière. « Ils sont dans notre cour arrière : on serait bien fou de ne pas faire affaire là! Surtout, ils font des produits simples et efficaces et sont très attentifs à nos besoins », indique Serge Bourque. Récemment, l’entreprise a en outre acquis une abatteuse-empileuse à chenilles 822D ainsi qu’un débardeur à grappin 630E, tous deux de Tigercat.

Le défi de la main-d’œuvre
Le principal défi demeure néanmoins celui de la main d’œuvre. Comme partout ailleurs, Dumas Canada manque de travailleurs qualifiés. La situation est encore plus alarmante en Beauce, l’endroit où le taux de chômage est le plus faible au Québec, à 2,7 %. « On ne se bat pas contre la forêt, mais bien contre d’autres entreprises qui recherchent elles aussi des gens compétents et motivés. C’est une guerre de salaires, de conditions de travail, de compétitivité », résume l’entrepreneur forestier, qui dirige une équipe de cinquante personnes. Fait à noter : les opérateurs de machinerie sont employés et syndiqués chez Domtar.

Les conditions de travail sont pourtant très enviables chez Dumas Canada. Les horaires sont articulés autour de deux quarts de travail quotidiens, de 5 h 30 à 14 h 15 et de 14 h 15 à 0 h 45. Résultat : les forestiers retournent chez eux tous les soirs. « Des journées marathons de seize heures, ça n’existe pas chez nous », affirme Serge Bourque. La stratégie semble payante : une poignée d’employés revendiquent plusieurs décennies d’expérience chez Dumas Canada, dont le mécanicien Jacques Simard (42 ans) et le superviseur Benoît Larochelle (21 ans).

Malgré tout, ça ne se bouscule pas aux portillons. Si, jadis, trois à quatre personnes par semaine venaient porter leur curriculum vitae pour se faire embaucher, ils ne sont plus que trois à quatre par année. De là l’importance d’offrir aux travailleurs ce qu’ils recherchent : de la flexibilité pour conjuguer la vie professionnelle avec le personnel et le familial. « Je suis moi-même père de quatre enfants, je sais ce que c’est la conciliation travail-famille! Nous ne sommes plus à l’époque où le ménage était la chasse gardée exclusive de la conjointe… », fait-il remarquer.

Et la relève?
La famille, il faut le dire, est une valeur phare chez Dumas Canada. L’entreprise a été fondée dans le Maine par Léopold Dumas lors de la première moitié de 20e siècle, avant d’être reprise par son fils en 1959. La troisième génération des Dumas a repris le flambeau en 1995, peu après l’obtention d’un contrat clé en main de la part de Domtar, qui a par ailleurs marqué la fin de la parenthèse américaine de l’entreprise. Une quatrième génération pourrait-elle éventuellement reprendre les rènes de Dumas Canada? « Pour l’instant, il y a un de mes enfants qui démontre un intérêt manifeste. S’il est prêt à relever de nouveaux défis, il a sa place », conclut-il.

Les usines, auprès tout, auront toujours besoin de bois.

Transfert d’entreprise : aidé par des pros
Pour assurer un transfert d’entreprise sans écueil, Dumas Canada a travaillé avec une équipe de spécialistes du cabinet Fortin Gaignard Groupe Conseil. « Nous sommes des professionnels spécialisés dans l’évaluation d’entreprises et dans le transfert d’entreprises », mentionne Jean-Stuart Tardif, un comptable qui détient une expertise dans le domaine.

En faisant appel à des experts indépendants, les parties s’assurent notamment d’avoir l’heure juste en ce qui a trait à la valeur de l’entreprise, souligne ce dernier. Mais ce n’est pas tout, car les experts permettent aussi de bien encadrer les différents facteurs qualitatifs qui entourent la transaction. « On aide les parties à prévoir la durée de la période de transition pour la passation de pouvoir, qui a le contrôle de l’entreprise avec le nombre de droits de vote pour la prise de décision, cite en exemple M. Tardif. Il faut bien écouter les gens pour comprendre la relation des intervenants, parce qu’il n’y a pas de “one size fit all” ».

Selon la complexité du dossier et le financement du projet, il faut généralement compter entre 3 mois et un an pour l’accompagnement dans le processus de transfert d’entreprise. Mais il faut partir sur de bonnes bases pour que tout se déroule comme prévu. « La réussite d’une transaction dépend de la qualité de l’entente initiale entre les parties. Avant d’aller plus loin, il faut clarifier le plus possible les bases de la transaction en tenant compte d’une part des attentes et des enjeux de chacune des parties, et d’autre part, de la réalité économique et financière de l’entreprise », conclut Jean-Stuart Tardif.

Selon Serge Bourque, un des nouveaux acquéreurs de Dumas Canada, l’accompagnement de professionnels était essentiel. « Il y a beaucoup de choses auxquelles on n’aurait pas pensé, dit-il. Notre spécialité, c’est de couper du bois. Le travail de notaire, d’évaluation d’entreprise, c’est leur spécialité ». 

Toute une flotte d’équipement
Dumas Canada compte toute une flotte d’équipement. En voici la liste : 2 abatteuses Tigercat : 822D et Tigercat 855C, 3 débusqueuses  : Tigercat 630E (2), John Deere 748H, 3 ébrancheuses : Caterpillar 320C FM, Caterpillar 320D FM, John Deere 2054, toutes équipées de la PP-453 de Pro Pac, 3 tronçonneuses : Tanguay TS150, Hood 24000, Pro Pac 600, 3 pelles hydrauliques : Caterpillar 329, Caterpillar 322, Kobelco 200, 2 chargeuses, une douzaine de camions, une quinzaine de remorques, 3 camions à benne, 2 bulldozers et une niveleuse.


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