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Prendre la vague biomasse

5 mars, 2019  par Guillaume Roy


La 2e conférence sur le chauffage à la biomasse forestière résiduelle a rassemblé plus de 150 personnes à Québec le 8 novembre dernier. Opérations forestières vous présente un tableau des différents défis et opportunités présentées lors de cette journée.

Un outil de lutte aux changements climatiques
Au-delà des considérations techniques et économiques, la biomasse forestière résiduelle est aussi un outil de lutte aux changements climatiques, qui fait partie du panier de solutions qui permettra de réduire de 40 % l’utilisation de produits pétroliers, a mentionné Xavier Brosseau, directeur, approvisionnements et biocombustibles, ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles.

« Dans les prochaines années, la filière aura a contribué à l’objectif de la politique énergétique qui vise à augmenter de 50 % la production de bioénergie d’ici 2030 », estime Amélie Saint-Laurent Samuel, porte-parole de Vision Biomasse Québec (VBQ).

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Pour Évelyne Thiffault, il est toutefois préférable de travailler main dans la main pour utiliser davantage de biomasse. « On fait tous partie de la même équipe de super héros pour la lutte aux changements climatiques, dit-elle. Le défi est immense et on ne peut pas se permettre de se chicaner ».


Granules à exporter…
La capacité de production de granules augmentera de 250 % pour atteindre 1,115 millions de tonnes au cours des prochaines années, avec l’arrivée de nouveaux producteurs comme Granules 777, à Chapais, sur le marché.

Déjà, la production québécoise excède déjà les besoins de consommation d’environ 150 000 tonnes de granules. Au Québec, les 10 producteurs de granules de bois ont produit 286 000 tonnes de granules l’an dernier, alors que la capacité de production est de 460 000 tonnes. « On utilise juste 62 % de la capacité », a noté John Arsenault, directeur du groupe granules de bois, Bureau de promotion des produits du bois du Québec (QWEB). « On a un surplus de capacité », dit-il.

Faute de marchés au Québec, ces granules prendront le chemin de l’exportation. L’Europe est particulièrement friande des granules canadiennes, car en plus d’être de bonne qualité, c’est un produit qui permet aux pays européens de réduire leur empreinte climatique en misant sur une source d’énergie renouvelable, notamment pour remplacer les centrales au charbon, ajoute de dernier. Au-delà des marchés européens, le Japon et la Corée du Sud consomment aussi de plus de plus de granules pour remplacer l’utilisation du charbon.

Pour augmenter la consommation de 500 000 tonnes de granules, André Bédard de Granules LG a lancé un défi à l’industrie : dénicher 50 projets agricoles, 50 projets d’érablières, 50 projets de serres, 500 projets dans les écoles, 50 000 clients résidentiels, 5 clients industriels (comme des mines ou des villages nordiques isolés) et 55 projets de réseau de chaleur comme on retrouve à la cité Verte à Québec.


Un réseau d’approvisionnement pour solidifier la filière
« On travaille sur un projet pour créer un réseau d’acteurs d’approvisionnement en plaquette forestière qui permettra d’assurer la plus large couverture du territoire québécois sur des circuits courts, pour livrer des plaquettes de qualité qui permet d’alimenter notamment les chaudières automatisées », a mentionné Eugène Gagné, directeur adjoint et du développement, à la Fédération des coopératives forestières du Québec, en citant des exemples d’entreprises françaises qui gèrent près d’un million de tonnes de biomasse par an.


Miser sur la qualité
Au cours des dernières années, certains projets de conversion à la biomasse n’ont pas fonctionné, alors que les équipements et l’approvisionnement n’étaient pas adéquats. Un des problèmes majeurs est la qualité de la biomasse, estime Evelyne Thiffault, professeure adjointe et membre du Centre de recherche sur les matériaux renouvelables à l’Université Laval. « Il n’y a pas de raison de ne pas contrôler la qualité de la biomasse parce que l’information existe », a-t-elle dit en faisant référence à un rapport écrit avec plusieurs experts internationaux sur le prétraitement de la biomasse. Et avec les faibles coûts de l’énergie au Québec, « on n’a pas vraiment le droit à l’erreur » quand vient le temps de faire une conversion énergétique, ajoute-t-elle.


Biomasse et gaz naturel : une bataille à finir ?
La conversion au gaz naturel n’est pas une bonne solution pour lutter contre les changements climatiques dans un contexte de surplus d’énergie renouvelable, estime Normand Mousseau, professeur, Département de physique, et directeur académique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal.

« Il ne faut pas considérer le gaz naturel comme une énergie d’avenir », dit-il. Même si on réalise une économie de gaz à effet de serre de 30 % en remplaçant un système au mazout par du gaz naturel, après ça on frappe un mur, parce qu’on ne peut pas réduire plus. C’est une solution qui ne nous amène nulle part, parce qu’on a des objectifs de réduction de 80 % des GES en 2050. »

Selon ce dernier, il faudrait plutôt comparer toutes les alternatives d’énergies renouvelables entre elles lorsque vient le temps de faire une conversion énergétique, plutôt que de se comparer au gaz naturel, d’origine fossile. D’autant plus que le Québec, comme toutes les autres provinces canadiennes, ratera ses objectifs de réduction des GES de 2030, selon une étude publiée récemment, ajoute-t-il.


Transformer le bois en gaz naturel renouvelable?
D’ici 2030, près de la moitié du gaz naturel du Québec pourrait être produit à partir de résidus forestiers, selon une étude commandée par Énergir. Cette étude n’est pas une feuille de route, mais elle démontre le potentiel de valorisation de la biomasse qui peut être transformée à un prix de 15 $/GJ. Toutefois, la technologie pour transformer le bois en gaz naturel ne sera mature que dans quelques années.

Alors que les technologies de première génération transforment le bois grâce à la biométhanisation, avec un taux de conversion de 55 à 60 %, Énergir mise plutôt sur une technologie de 2e génération, l’hydrogénation pyrocatalytique, développée par l’entreprise britanno-colombienne G4 Insights. Cette dernière estime que la biomasse pourra être achetée à un prix se situant entre 50 à 60 dollars par tonne, spécifiant que presque toutes les qualités seront acceptées.
(Note : Ce sujet n’a pas été traité lors de la conférence sur la biomasse.)


Le plan de la Capitale-Nationale pour développer la filière biomasse
Dans le cadre de la Stratégie gouvernementale pour assurer l’occupation
et la vitalité des territoires 2018-2022, le forum des élus de la Capitale-Nationale ont déterminé que l’utilisation de la biomasse forestière est une des cinq priorités sur le territoire. Une étude sur le sujet, réalisée par DGR Consultants Forestiers, a permis d’évaluer la quantité de biomasse forestière résiduelle à 273 000 tonnes. Pour stimuler le développement de la filière, l’étude a ensuite ciblé les bâtiments à plus fort potentiel de conversion. Sur les 81 organisations contactées, 53 d’entre elles ont démontré un intérêt. Les 21 projets les plus porteurs permettraient notamment de valoriser 7290 tonnes de biomasse, évitant au passage 15 831 tonnes de GES.


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