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La recette du succès pour broyer la biomasse en forêt

Broyage RM a développé une technique pour broyer la biomasse en forêt de manière rentable

4 janvier, 2018  par Guillaume Roy


Habituellement, la biomasse est broyée sur les sites de coupe de bois en longueur, parce que les arbres sont ébranchés en bordure du chemin.

Parti de rien, Broyage RM a développé une expertise unique qui lui permet de broyer 225 000 tonnes de biomasse par année pour de gros clients comme Domtar, Acadian Timber et Irving.

À près d’une centaine de kilomètres de l’usine de pâte de Domtar en Estrie, Marco Gaudette remplit son grappin de branches amassées sur un monticule de biomasse. Il secoue le lot pour faire sortir la terre et les roches, avant de le déposer dans son broyeur Morbarck… qu’il contrôle lui-même à distance avec une grosse manette.

« Un seul opérateur pour deux machines, ça fait toute la différence pour rentabiliser les opérations », lance fièrement Marco Gaudette, propriétaire de broyage RM qui a commencé à broyer la biomasse en 2009. Si la technique réduit évidemment les coûts, il est toutefois plus difficile de trouver les opérateurs qui sont en mesure de faire les deux tâches en même temps.

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« Il n’y a même pas de formation offerte pour devenir opérateur de broyeur », ajoute Mélanie Roy, ingénieure forestière pour l’entreprise et conjointe de Marco. Assis dans sa pelle Case 210, Marco doit être en mesure de bien choisir son matériel pour évirer la contamination.

Et ce n’est pas tout, l’opérateur doit aussi être doué en mécanique, car la maintenance est primordiale pour éviter les bris majeurs sur les broyeurs. « Il y a des gars qui roulent jusqu’à tant que ça brise, mais quand ça brise, ça coute 10 000 $ au lieu de 200 $ », remarque l’homme d’affaires qui investit 25 000 $ dans chaque broyeur, lors de la période annuelle de maintenance au printemps.

Même si la récolte et la transformation de la biomasse en forêt n’a rien d’évident, Marco Gaudette est un des rares entrepreneurs à avoir réussi à développer des techniques lui permettant de rentabiliser ses opérations. Depuis 2009, il a réussi à faire passer le temps de chargement d’un camion de 90 à 30 minutes. En empilant les tas de biomasse un an à l’avance, il a réussi à améliorer la qualité du matériel livré tout en permettant la remise en production des sites de récolte plus rapidement, pour le plus grand plaisir de Domtar.

En fait, c’est toute la chaine des opérations qui a été optimisée, si bien qu’il est en mesure de livrer 10 à 12 camions de 35 tonnes de biomasse, en moyenne, à l’usine de Domtar en une journée lorsqu’il se trouve à une centaine de kilomètres de l’usine, à Lingwick, comme c’est le cas en cette journée de septembre.  

Mais la route a été parsemée d’embûches pour arriver à un tel niveau de productivité.

Une idée qui surgit autour de la piscine
Marco Gaudette est en fait un entrepreneur en série. Avec son père, il a d’abord lancé une entreprise en construction en 2001, alors qu’il avait à peine 18 ans, puis une compagnie de récupération de palette. « Le déclic pour se lancer dans la biomasse s’est fait un beau dimanche après-midi sur le bord de la piscine, se souvient Marco. On avait d’énormes rejets de palettes et mon père a dit : “on devrait acheter un broyeur” ».

Marco Gaudette passe alors un coup de fil à Domtar pour savoir s’ils voulaient lui acheter de la biomasse, afin de justifier l’achat du broyeur. « Je me suis présenté à une rencontre pour leur vendre de la biomasse, mais ils étaient plutôt à la recherche d’un entrepreneur pour broyer leur matériel en forêt, explique-t-il aujourd’hui. On s’était mal compris, mais c’était un heureux hasard, parce qu’on a fait un prix et on a obtenu le contrat. »

C’est ainsi qu’est né Broyage RM, alors que Marco et son équipe ne connaissaient absolument rien au broyage de biomasse ! Il acquiert alors une pelle et un Rotochopper, un broyeur sur roue afin d’éviter de déplacer l’équipement sur un fardier, pour réaliser ses premiers contrats pour Domtar.

En 2010, il fait ensuite l’acquisition d’une première machine Vermeer pour broyer les résidus de construction dans les centres de tri, un nouveau créneau dans lequel s’est lancé Broyage RM pour développer de nouveaux marchés.

« En 2014, on a pris la décision de lâcher les centres de tri et d’aller juste en forêt, explique l’entrepreneur de Saint-Hyacinthe. Dans les centres de tris, tu es toujours en train de pogner un morceau de fer, tu es toujours brisé et tu as plus de downtime. En plus de perdre de l’argent parce que tu ne travailles pas, tu mets plus argent dans la machine. » Il remplace alors son broyeur Rotochopper pour une deuxième machine Vermeer.

En 2015, une nouvelle opportunité émerge pour Broyage RM… lors d’un voyage en amoureux en Gaspésie. « Je me suis trouvé une job à Matane et comme il n’y avait pas beaucoup de preneurs pour la biomasse, je suis allé rencontrer les gens de l’usine de pâte de Twin Rivers, à Edmunstun, soutient l’homme de 34 ans, qui a fait partie du palmarès des étoiles de la relève forestière 2017 du magazine Opérations forestières. Un concours de circonstan­ces a fait en sorte que je me suis retrouvé assis dans le bureau du vice-président d’Acadian Timber. Il pensait qu’il n’y avait pas de marché pour la biomasse. Je suis allé voir ce qu’il y a avait en forêt et je savais qu’il y avait un potentiel. De fil en aiguille, on décidé d’acheter la biomasse d’Acadian Timber pour la vendre ensuite à Twin Rivers pour leur besoin de chauffage. » Alors que plusieurs entrepreneurs s’étaient plantés avec un tel mandat, Broyage RM réussit à rentabiliser les opérations.

Si bien que Broyage RM transforme désormais 1300 tonnes de biomasse pour Twin Rivers chaque semaine. Pour y parvenir, l’entreprise utilise un broyeur Vermeer HG600 (2014) et une pelle Case 210. En cas de bris, un deu­xième broyeur Vermeer HG6000 (2010) est aussi disponible, pour réaliser les opérations au Nouveau-Brunswick, qui comptent pour 60% des opérations.

Plus récemment, c’est Domtar qui a augmenté ses commandes, qui attei­gnent désormais 18 000 tonnes vertes annuellement. Et les besoins du géant papetier pourraient augmenter avec la mise en fonction d’une nouvelle turbine de 18 MW propulsée à la biomasse.

Pour répondre à cette demande supplémentaire, Broyage RM a mis la main sur un nouveau broyeur Morbark 3200 Wood Hog en janvier 2017. Plus économique, ce broyeur « upswing », qui broie le matériel par en haut, permet de réduire la présence de contaminants, qui tombent plutôt sur le convoyeur, note Marco Gaudette. Un déclencheur automatique permet aussi d’ajuster la résistance des dents pour éviter les bris majeurs, ajoute l’homme qui voit cette acquisition comme un complément à ses machines Vermeer, plus résistantes, mais aussi plus couteuses à réparer. Pour optimiser la Morbark, Marco Gaudette a aussi demandé des modifications pour contrôler le convoyeur arrière avec la télécommande, pour ajouter un convo­yeur directionnel dans le but de charger directement dans les camions. « Au début, on faisait des tas par terre avant de charger les camions, dit-il. Aujourd’hui, on sauve une étape en chargeant directement. »

Et ce n’est qu’une des améliorations faites par Broyage RM. Pour optimiser la logistique et évi­ter des frictions lors des temps d’attente, l’entreprise a intégré le transport à la transformation de la biomasse en forêt en achetant, depuis 2013, cinq camions articulés, en plus d’embaucher des sous-traitants selon les besoins. Pour augmenter la cadence de décharge à l’usine de Windsor, Marco Gaudette investira prochainement dans l’installation d’un quatrième plancher mobile, fabriqué par Féricar, un investissement de près de 120 000 $.

Toutes ces améliorations font en sorte que la transformation de la biomasse est de plus en plus rentable. Résultat : la récolte peut se faire de plus en plus loin, parfois jusqu’à 175 km de l’usine. « On est capable d’aller chercher plus de volume en allant plus loin quand on fait une moyenne des coûts pour respecter l’enveloppe budgétaire », explique Éric Lapointe, coordonnateur aux opérations forestières pour Domtar.

Afin de réduire la durée de la période d’inactivité au printemps, Broyage RM a aussi accumulé 10 000 tonnes de billots dans la cour à bois de Twin Rivers. 


un marché de niche
Alors que c’est son entreprise en construction qui a financé Broyage RM au cours des premières années d’opération, c’est maintenant l’entreprise de broyage qui génère 75 % des revenus des business des entrepreneurs. Et c’est aussi dans ce secteur, où l’on retrouve peu de compétition, que le potentiel de croissance est le plus grand.

« Quand ça va bien, Marco doit trouver autre chose, un autre problème, un autre défi », mentionne Mélanie Roy.

Assis dans sa machine, Marco Gaudette pense donc constamment à de nouvelles opportunités de développement. Pour optimiser le déplacement des camions, il a récemment offert de transporter de la cendre produite à l’usine pour fertiliser les terrains forestiers. Il regarde aussi les opportunités d’affaires en forêt publique, particulièrement où l’on retrouve des opérations de bois en longueur, car c’est à ces endroits où la biomasse est rassemblée à un endroit, près des sites d’ébranchage. « On cherche d’autres débouchés. Si on a de l’ouvrage et qu’on a du monde pour opérer cinq broyeurs, on pourrait en avoir cinq, mais il faut développer le marché tranquillement », conclut Marco Gaudette, qui pense aussi investir dans un plan de transformation de biomasse pour contrôler la chaine de valeur.


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