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Maibec a transformé sa scierie en usine intelligente, où les données permettent de prendre des décisions en temps réel à toutes les étapes du processus de sciage.

23 février, 2017  par Guillaume Roy


Joël Morneau, l’opérateur au sciage, contrôle à lui seul l’entrée du bois dans l’usine jusqu’à la sortie de la ligne de sciage, grâce à de multiples écrans et des cadrans qui indiquent la performance des machines en temps réel.

En regardant son ordinateur, la responsable de la relation avec les clients Isabelle Moreau peut voir les données en temps réel sur la production de l’usine pour planifier la cédule de sciage et re rabotage. « Avec toutes les données disponibles, je peux facilement planifier les opérations pour répondre aux besoins des clients en moins de deux heures par semaine, dit-elle. C’est une révolution, car il y avait une personne à plein temps dédiée à cette tâche dans le passé ».

Comment est-ce possible? Depuis 2006, la scierie de Saint-Pamphile de Maibec a investi près d’un million de dollars dans l’acquisition de données de performance à tous les stages du processus de sciage, suivant la fibre de la forêt jusqu’au client (ou presque). Et pour chaque phase d’investissement, le remboursement s’est fait en moins de trois mois.

Toutes les données sont compilées pour faciliter la prise de décision lors de la planification, note François Léger, le fondateur de PMP Solutions, fournisseur de la technologie développée pour l’industrie du sciage. « On n’aurait pas pu développer un outil de planification précis sans avoir des données précises à toutes les étapes du sciage », ajoute ce dernier.

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Chaque semaine, Isabelle Moreau tient une rencontre d’environ une demi-heure avec les superviseurs de la production, du rabotage et de la qualité pour prendre les décisions optimales selon les inventaires disponibles. « On veut optimiser les séchoirs et le rabotage, tout en s’assurant que les clients reçoivent leur commande à temps », commente la jeune femme qui joue le rôle de chef d’orchestre.

Selon les priorités établies (production ou des produits spécifiques), le logiciel de PMP Solution propose un calendrier hebdomadaire optimal de séchage, en utilisant les 15 recettes acceptées dans les 5 séchoirs. « Avec toutes les données qu’on a recueillies, on sait quels produits peuvent être séchés ensemble au lieu de faire des suppositions », ajoute Mme Moreau. Par exemple, les données ont démontré que le 2×6 ne sèche pas bien avec le 2×3 ou le 2×4. Lorsque nécessaire, des produits supplémentaires peuvent être ajoutés dans le calendrier pour satisfaire au besoin d’un client.

Non seulement l’usine sauve-t-elle un salaire à temps plein, mais elle a aussi amélioré les délais de livraison… et les relations avec les clients. « Je peux dire au client ce qui est disponible, ce qui est en retard et modifier les commandes en conséquence, ajoute Moreau. Les clients n’ont jamais été aussi contents. »

Avec les systèmes d’information en place, les superviseurs ont délaissé la technique d’essais et erreurs. Ils peuvent désormais prendre de meilleures décisions basées sur des données solides. Et les résultats sont impressionnants : l’usine a amélioré la proportion de produits à valeur ajoutée (plus de 60 $/1000 PMP en moyenne) de 25 à 40 %, tout en augmentant la capacité de séchage de 20 %.

Les débuts de l’usine intelligente
En 2006, Jean-Sébastien Pelletier, le directeur de l’usine de Saint-Pamphile manquait de capacité de séchage. Mais au lieu d’acheter un nouveau séchoir, François Léger l’a convaincu d’investir dans la gestion de données de l’usine pour améliorer son efficacité de séchage.

Avec quelques indicateurs clés, François Léger a rapidement démontré que les produits n’étaient pas séchés de manière optimale. « Quand on a commencé à mesurer les ingrédients que l’on mettait dans les séchoirs, en notant la manière dont on mélangeait les produits, on a rapidement amélioré la qualité de séchage, la productivité et la quantité de produits à valeur ajoutée », note Pelletier, un maniaque d’amélioration continue qui, avec ces données, pouvait enfin laisser tomber les tests basés sur les essais et erreurs. La prise de données a fait passer la capacité des séchoirs de 90 M PMP à 115 M PMP.

Après cette première étape d’acquisition des données concluante, un système similaire a été rapidement intégré au rabotage. « Pour lier les étapes du séchage et du rabotage, on avait besoin de traçabilité. C’est pourquoi on a mis en place un système d’étiquettes et de code à barres sur chaque paquet », explique Léger.

Pour rentabiliser ce système d’étiquetage, l’usine l’a intégré aux systèmes d’inventaires et transactionnels, qui sont alors devenus complètement automatisés. « Toutes les erreurs ont été éliminées avec l’automatisation », lance François Léger. « On est passé d’un inventaire normal ou 60 % de nos produits avaient un écart à un inventaire extrêmement fiable ou moins de 10 % des paquets ont un écart », ajoute le directeur d’usine.

Quand le système de gestion des données a été intégré sur la ligne de sciage et aux opérations de livraison, des équipes d’amélioration continue ont été mises sur pied pour analyser les données disponibles. « Les équipes se rencontrent chaque semaine pour voir si ce qu’on a fait au sciage nous donne les résultats que l’on veut avoir comme produits finis pour nos clients. Si le résultat n’est pas comme on veut, on regarde ce qui peut être fait pour améliorer nos procédés », explique Pelletier.  

Cette opération a aussi été mise en place pour créer des liens entre les départements du sciage, du séchage et du rabotage, car toutes les équipes travaillent désormais ensemble. Si des défauts sont notés lors du rabotage, il est possible de retracer le chemin parcouru par un paquet afin de constater ce qui a causé les défauts. Le logiciel peut aussi faire ressortir ou se trouvait le produit dans le séchoir, pour voir s’il y a des problèmes de performance. Ainsi, les superviseurs travaillent maintenant avec tous les départements de l’usine au lieu de travailler en silo comme c’était le cas par le passé.

Cette première série d’investissement s’est déroulée lors de la dernière crise forestière, entre 2006 et 2009, à une époque ou Maibec n’avait pas les moyens de faire de grosses dépenses pour réduire les coûts de production. « Au lieu de ne rien faire, on a réussi à améliorer la valeur sortante des produits. Sans ces investissements, on n’aurait pas passé à travers la crise », note le directeur de l’usine. En chiffres, les produits Maibec valent désormais 50 $ de plus par 1000 pieds que l’indicateur « random length », alors qu’avant l’installation du système de données, la valeur des produits était sous cet indicateur.

Mais le changement ne vient pas aisément, soutient Jean-Sébastien Pelletier. « Il faut être en mesure de gérer le changement, parce que ça peut créer des frustrations, dit-il. Tu ne peux pas installer des outils comme ça en pensant que tout le monde va l’accepter d’emblée. Il faut donner de la formation et fournir toutes les informations disponibles au personnel, tout en démontrant du leadership pour que les gens te suivent ». Grâce au leadership de ce dernier, la scierie de Saint-Pamphile a reçu un important prix d’innovation manufacture (PM100 Award) aux États-Unis en 2001. « Tout ça n’aurait jamais été possible sans l’implication de toute l’équipe », ajoute-t-il.

Par la suite, Maibec voulait savoir quel était le bon prix d’achat des différents lots de bois qu’ils achetaient en forêt privée, où l’entreprise trouve la majorité de son approvisionnement. C’est alors qu’ils ont implanté un système d’information pour l’approvisionnement. « Pour chaque secteur de coupe, on prend un échantillon de quelques vans de bois. On le scie et on analyse le panier de produits qu’on peut sortir. On peut alors dire combien vaut le bois dans ce secteur », explique Pelletier. Cet outil conserve les données de chaque fournisseur de bois tout en tenant compte du marché du bois et du taux de change.

En 2012, Maibec a implanté le système de planification évoqué au début de cet article, avant d’investir 28 M$ dans la modernisation de l’usine, réduisant alors le cout de production. Puis, en 2015, l’usine a installé le PMP TeamMate, une plateforme de données de la performance de la production en temps réel.

« Presque toutes les usines ont des données en temps réel aujourd’hui, mais est-ce que ces données poussent à l’action ? demande François Léger. Nos produits ajoutent un contexte en comparant les données actuelles aux objectifs fixés par l’usine, dans une interface intuitive qui encourage les gens à réagir rapidement. » Par analogie, c’est un peu comme une voiture qui dit à quelle vitesse tu roules, comparativement à une voiture qui te dit à quelle heure tu arriveras à destination, en prenant en considération la vitesse, le trafic et la route choisi. « C’est un environnement complet ou les employés ont accès à toutes les informations sur des cadrans simples dans l’usine et sur leur téléphone intelligents », ajoute Léger.

Si les performances de l’usine s’éloignent trop des objectifs fixés, une alerte est déclenchée, poussant à l’action. Mais la plupart du temps, les alertes ne sont pas nécessaires, car les gens réagissent en amont.

Lorsque Jérôme Poulin, l’ingénieur de procédé de l’usine de Saint-Pamphile, a ouvert son ordinateur pendant sa routine quotidienne lors de la visite de l’usine, il a tout de suite constaté que quelque chose clochait. « Je pouvais voir qu’on avait une perte de volume au “canter” sur l’écran », dit-il. Il a fouillé dans les données sur la transformation primaire et les produits étaient bien placés. Quand il a regardé du côté de la transformation secondaire, il a vu une image floue et il a résolu le problème simplement en essuyant la poussière sur le scanneur. « Sans le système de données en temps réel, je n’aurais pas vu le problème aussi rapidement et on aurait perdu de l’argent », ajoute ce dernier.

Le système de gestion des données a transformé les tâches de la plupart des employés. Au département du sciage, le nombre d’employés est passé de 28 à 14, mais tout le monde a été relocalisé. « On veut que nos employés pensent plus à ce qu’ils font, pour voir comment on peut améliorer le procédé », note Poulin, qui a cessé de faire d’innombrables fichiers Excel depuis l’installation de PMP TeamMate. « Je trouve maintenant l’information au lieu de la chercher ».

Non seulement le système produit-il des analyses et des rapports détaillés sur les indicateurs de performance clé chaque jour, mais il conserve aussi toutes les données générées par l’usine. « Je peux utiliser l’historique de l’usine pour voir les tendances », commente l’ingénieur qui a récemment analysé 30 000 billes par classe de diamètre pour trouver un potentiel caché.

Cette énorme base de données, qui permet aussi de faire des simulations, a permis de déterminer quels produits devraient être éliminés, tout en aidant à choisir les nouveaux produits.

Plus flexible et moderne que par le passé, la scierie Maibec de Saint-Pamphile a encore plusieurs idées pour s’améliorer. « Éventuellement, on aimerait être en mesure d’utiliser le meilleur bois disponible dans la cour pour saisir différentes opportunités commerciales. On aimerait aussi connecter nos données avec l’usine de Masardis, dans le Maine, pour optimiser tous nos procédés », rêve maintenant Jean-Sébastien Pelletier.


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