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Le Groupe Crête investit massivement dans son usine de Chertsey pour en faire une usine modèle au Québec

6 octobre, 2016  par Simon Diotte


L’histoire du Groupe Crête commence en 1949 à Saint-Séverin-de-Prouxville, en Mauricie, par la construction d’un moulin sur les terres familiales par le fondateur, Gérard Crête. Au fil des années, l’entreprise prend de l’expansion, opérant jusqu’à une douzaine d’usines au Québec et aux États-Unis. Mais en 2006, en pleine crise forestière, toutes les usines de Gérard Crête & fils passent sous le contrôle de la multinationale Kruger, qui était déjà un partenaire majeur de l’entreprise depuis le début des années 1990.

Toutefois, la foresterie coule dans les veines de la famille Crête. Pour Martin Crête, fils de Gérard Crête, et Sébastien, le petit-fils, il n’était pas question de se retirer éternellement de cette industrie. « On a toujours manifesté la volonté de revenir dans le milieu », affirme Sébastien Crête, 45 ans, président du Groupe Crête, qui vient tout juste de prendre la relève de son père Martin.

L’occasion se présente trois ans plus tard, en 2009. Alain Gagnon, directeur de l’usine Riopel de Chertsey, approche les Crête puisque le propriétaire envisage la retraite.

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« On a sauté sur l’opportunité, car l’usine avait survécu à la crise forestière et était à jour au niveau des opérations », explique Sébastien Crête. Deux ans plus tard, le Groupe Crête achète une 2e usine à Saint-Faustin-Lac-Carré, dans les Laurentides, solidifiant son retour dans le sciage.

Depuis, le Groupe Crête, dont Alain Gagnon est aussi partenaire, a mis le paquet pour relancer l’usine de Chertsey qui transforme sapins et épinettes en bois d’œuvre et en revêtement extérieur. Les investissements, de plus de 4,5 M$, ont fait passer la production de 30 millions de PPM en 2009 à 50 millions en 2015, en plus de maintenir plus de 70 emplois. À peu près toutes les étapes de production ont été revues et améliorées.

Le plus récent investissement majeur est l’ajout d’un système complet d’optimisation de la classification au rabotage, pour un coût total de 850 000 $. « Cette technologie a augmenté la productivité de 20 % à l’usine de rabotage et a éliminé notre problème de goulot d’étranglement », explique Marc Beaupré, contremaître à l’usine de Chertsey.

Cet optimiseur linéaire, qui provient de VAB Solutions, une entreprise de Lévis qui se spécialise dans les instruments de vision pour l’industrie forestière, fait la lecture des planches de bois à chaque 1/4 de pouce, détectant le moindre défaut, enlevant ainsi la nécessité de la classification manuelle des planches. « On diminue ainsi les risques d’arrêt de production et d’indemnisation concernant les employés qui effectuaient autrefois ce travail de classification, souvent aux prises avec des problèmes de santé reliés aux mouvements répétitifs », explique Jessy Ross, coordonnateur aux ventes chez VAB Solutions.

En plus d’augmenter le rythme de production, cette technologie augmente aussi considérablement les gains de valeur. « L’optimiseur hausse le pourcentage de bois Premium tout en diminuant par la fait même la quantité de bois de moindre valeur. On peut aussi garantir à l’inspection l’uniformité des grades à 99,5 % », ajoute Jessy Ross. Selon l’entreprise, le retour sur investissement se fait en l’espace de quatre à neuf mois.
« Ce n’est même pas une dépense », ajoute le contremaître Marc Beaupré, enchanté par sa nouvelle machine.

Le Groupe Crête a aussi procédé, en 2015, au reconditionnement de son optimiseur d’éboutage par l’équipementier Comact, un investissement de près de 350 000 dollars. « On a conservé la structure de l’optimiseur, mais on a complètement refait l’électronique », explique Stéphane Desjardins, vice-président à l’optimisation chez Comact. Le reconditionnement a l’avantage d’éviter les frais d’installation d’un nouvel appareil, en plus d’accélérer sa mise en marche. Le reconditionnement peut aussi se faire en l’espace d’un week-end, ce qui permet un redémarrage rapide de la production.

En plus de maximiser la valeur de chaque planche en choisissant la solution d’éboutage la plus profitable, ce système de mesureur géométrique, qui a été manufacturé à Mirabel, analyse et optimise la présence de pourriture avec beaucoup plus de précision qu’un opérateur. « Les têtes lasers émettent un rideau de points lasers qui permettent de détecter la forme exacte de la pièce scannée. La disposition des têtes à 90° par rapport à la pièce permet une lecture optimale du format et de la profondeur de la pourriture, en plus d’assurer une lecture précise de ses défauts géométriques tels que la présence de flache, d’omission et de trous », explique Stéphane Desjardins. Le concepteur d’appareil de transformation de bois estime que le retour sur cet investissement se fait en quelques mois seulement.

L’année 2015 a été ponctuée aussi de plusieurs autres investissements: moulurière d’embouts en tenon et mortaise, de marque Marinus End-Match, un investissement de 300 000 dollars; mégadôme servant à entreposer les produits haut de gamme conçu par les Industries Harnois (200 000 dollars); chargeuse à billots Liebherr 924 (430 000 dollars); chargeuse Volvo L-110G (225 000 dollars); lecteur d’humidité permettant de distinguer l’épinette du sapin de SCS Forest Products (75 000 dollars), sans compter des travaux d’asphaltage sur les terrains de l’usine. Les investissements soutenus ont permis à la scierie de Chertsey de se classer parmi celles qui obtiennent le meilleur rendement matière au Québec, selon les compilations du ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs, indique avec fierté Sébastien Crête.

La situation géographique de la scierie Chertsey, à seulement 70 km de Montréal, constitue un avantage en raison de sa proximité au grand marché de Montréal. Le Groupe Crête écoule 70 % de sa production au Québec, et 20 % en Ontario et 10 % aux États-Unis. Toutefois, cette localisation, en zone de villégiature des Montréalais, rend de plus en plus difficile l’approvisionnement en bois. « C’est notre principal défi à venir », admettent Alain Gagnon et Sébastien Crête.

Les opérations forestières en terre publique suscitent de plus en plus d’opposition. Dans les derniers mois, le maire de Chertsey, Michel Surprenant, ainsi qu’un groupe de pression, appuyé par des personnalités du monde artistique, se sont opposés vivement à de nouvelles coupes forestières dans la Forêt Ouareau, un parc régional de 120 km². Pourtant, les 120 km de sentiers du parc ne sont nullement affectés par les coupes, affirme David Lapointe, directeur général de la Société de développement des parcs régionaux de la Matawinie, gestionnaire de ce territoire à vocation multiple.

Malgré tout, le ton des opposants est enflammé. On parle de forêt saccagée et autres enflures verbales.
« On travaille désormais dans une forêt habitée, ce qui implique qu’on doit sensibiliser davantage les gens à nos méthodes de coupes, beaucoup moins intrusives que dans le passé. Nous aussi, on a à cœur de protéger la forêt. On veut la cultiver comme un jardin. Malheureusement, les opposants n’acceptent aucun compromis et refusent nos invitations à visiter notre usine et nos territoires de coupe », déplore Sébastien Crête.

Il y a deux ans, ce sont des coupes planifiées par le Groupe Crête dans les hauteurs du mont Kaaïkop, à Sainte-Lucie-des-Laurentides, non loin de l’usine, qui avaient suscité une levée de boucliers. « L’approvisionnement à l’usine n’est pas compromis, mais l’opposition de plus en plus grande aux coupes oblige l’entreprise à récolter son bois de plus en loin, augmentant ainsi le coût de sa matière première », conclut Sébastien Crête.


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