Opérations Forestières

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« Attachez vos ceintures, turbulences en vue ! »

24 novembre, 2016  par Richard Garneau



Malgré les efforts conjugués de l’industrie québécoise et du gouvernement du Québec pour faire reconnaître la nature foncièrement « marché » du nouveau régime forestier québécois, et la nécessité qui en découle d’exclure nos exportations de bois d’œuvre de tout nouvel accord restreignant l’accès au marché américain pour les exportations canadiennes, rien n’est moins sûr à ce moment-ci.

Les discussions bilatérales lancées à la mi-mars par le président Obama et le premier ministre Trudeau n’ont servi jusqu’ici qu’à faire ressortir l’intransigeance de la Coalition américaine, et la difficulté canadienne d’en arriver à un consensus de défense d’intérêts divergents. La Coalition reste campée sur son objectif de limiter au moyen d’un contingentement ferme (hard-cap quota) de la part canadienne de leur marché à 22 %, un écart énorme avec le niveau de nos exportations d’avant l’ABR de 2006 (34 %, jugé non préjudiciable par les autorités américaines à l’époque). Le Canada a présenté un certain nombre d’alternatives qui permettraient de tenir compte des différences régionales, jusqu’ici sans succès. Avec la fin, le 12 octobre, du moratoire de non-agression de 12 mois contenu dans l’ABR, la Coalition est maintenant libre de déposer de nouvelles accusations de subventionnement et de dumping, ou mieux, de convaincre le gouvernement américain de le faire à sa place. On a déjà vu ça. Il est tout à fait vraisemblable que la Coalition souhaite une répétition du scénario de 2006, alors que la volonté expresse du « nouveau gouvernement » canadien de M. Harper de conclure un accord à tout prix, s’est soldée par une rançon d’un milliard de dollars, dont la moitié est allée directement aux huit bailleurs de fonds de la dernière attaque, une concession sans précédent de la part du Canada, aux dépens de sa propre industrie.

À quoi peut-on s’attendre maintenant ? Des plaintes de subventionnement et de dumping alléguant des marges encore plus élevées que dans le passé : même si elles sont sans fondements, ces plaintes ont un effet immédiat sur les marchés, en étranglant les exportations sous la menace de dépôts très coûteux à la frontière, augmentant du même coup la pression sur le Canada de « régler » hors cours, au diable l’absence de culpabilité.

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Ce scénario est prévisible, et il risque d’être encore plus menaçant que la dernière fois. Les autorités américaines, armées de la nouvelle mouture de leur loi sur le commerce international, vont imposer des dépôts préliminaires exagérément élevés. L’expérience en cours de la cause du papier surcalendré, où le Canada est traité comme la Chine, est peut-être un avant-goût de ce qui nous attends.   Ces dépôts vont être réduits, probablement à zéro, avec le mécanisme des appels, mais cela pourrait prendre 2 ou 3 ans, moins de temps que la dernière fois, vu les causes qui sont intervenues depuis, et qui interdisent certaines des enfarges utilisées par la partie américaine la dernière fois. Les dépôts déjà perçus seront retournés à l’industrie canadienne, à moins bien sûr que le gouvernement canadien n’en donne une partie aux Américains, dans le cadre d’un mauvais règlement comme en 2006…

Ces années pourraient être très douloureuses pour l’industrie. Le gouvernement du Canada doit d’abord et avant tout concentrer ses efforts à aider l’industrie et les provinces à se défendre, plutôt qu’à essayer de conclure en parallèle un mauvais accord. Nous devons également poursuivre un effort de tous les instants vers nos alliés naturels que sont nos acheteurs et les consommateurs aux États-Unis. Ils sont nos alliés naturels, mais le Canada les a abandonnés dans le passé, et ils sont réticents à se rapprocher de nous une nouvelle fois. Bien sûr, le climat protectionniste qui sévit aux États-Unis, exacerbé par la campagne électorale, est un facteur qui vient compliquer encore un peu plus la situation. Cependant, nous disposons d’un argument de poids : la construction domiciliaire et l’industrie de la rénovation sont des industries clé pour la reprise économique en cours, et la restriction de l’offre de matériaux et les prix artificiellement élevés qu’elle entraine viennent contrarier et, à terme, retarder cette reprise. 


Richard Garneau, président directeur général de Produits forestiers Résolu


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