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Payer sa dette : la biomasse et l’enjeu climatique

On ne tarit pas d’éloges sur les avantages de l’utilisation de la biomasse forestière pour la production d’énergie en remplacement des combustibles fossiles.

1 mai, 2014  par Amélie St-Laurent Samuel


La biomasse forestière résiduelle, l’énergie verte de demain?

On ne tarit pas d’éloges sur les avantages de l’utilisation de la biomasse forestière pour la production d’énergie en remplacement des combustibles fossiles. La création et la consolidation d’emplois, la diversification économique des communautés, l’indépendance au pétrole, la lutte aux changements climatiques ou la diminution des coûts pour les utilisateurs : autant d’arguments souvent évoqués pour promouvoir les nouvelles filières énergétiques liées à cette ressource. Différents acteurs s’interrogent toutefois sur leurs impacts et sur leur réelle capacité à générer tous ces bénéfices.

Partant du principe que toutes les filières énergétiques engendrent des conséquences sur le milieu dans lequel elles sont implantées, il est nécessaire de mettre systématiquement en place des mécanismes pour veiller au déploiement harmonieux et durable des projets mis en œuvre. La recherche, et plus particulièrement les études terrains, concoure à documenter les impacts et à définir de bonnes pratiques qui pourront contribuer à les atténuer ou à les éviter. Encore faut-il que les intervenants qui participent de près aux projets s’approprient et appliquent ces balises environnementales.  

Au Québec, la filière du chauffage à la biomasse forestière n’a pas encore atteint le stade de la maturité. Une multipli-cité d’acteurs — équipementiers, consultants, fournisseurs de matière première, organismes de développement économique, chercheurs, environnementalistes, etc. — travaille encore à lui donner des assises stables. Dans ce secteur en ébullition, le maillage complexe entre les acteurs peut entraîner de la confusion pour les municipalités et institutions souhaitant mettre sur pied des projets de production de chaleur à partir de la biomasse forestière. De surcroît, les enjeux environnementaux, en l’absence de porte-paroles officiels, pourraient passer entre les mailles du filet. Une question demeure : comment offrir à ces enjeux toute l’importante qu’ils méritent?

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les « conditions gagnantes »
La réelle contribution de la biomasse forestière comme outil de lutte aux changements climatiques fait encore l’objet de débats sur la scène publique. Pourtant, la communauté scientifique s’entend généralement sur les « conditions gagnantes » à rassembler pour que la production d’énergie à partir de cette ressource renouvelable maximise la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Les émissions de CO2 par unité d’énergie produite lors de la combustion de la biomasse forestière sont plus élevées que celles produites par les combustibles fossiles. Par conséquent, le choix de la biomasse pour la production d’énergie entraîne un surplus initial d’émissions de GES, une « dette de carbone », par rapport aux combustibles conventionnels. Fort heureusement, le cycle du carbone lié aux processus biologiques contribue au remboursement de cette dette temporaire. Ainsi, le cycle du carbone des combustibles fossiles, qui s’étend sur plusieurs millions d’années, est beaucoup plus long que celui de la biomasse. En effet, ce dernier repose sur la croissance et la décomposition naturelle des arbres et ne s’échelonne que sur quelques décennies. Avec le temps, la séquestration de carbone par les arbres compense les émissions supplémentaires liées à l’utilisation de la biomasse et génère des bénéfices climatiques permanents qui s’accumulent dans le temps.

Dans ce cas, pourquoi donc se préoccuper autant de cette « dette de carbone »? Le CO2, dès qu’il est émis dans l’atmosphère, a des impacts non négligeables sur le climat. À son tour, le climat influence les milieux naturels, la santé et le bien-être de la population, les infrastructures et les activités économiques, ce à plusieurs niveaux. Par conséquent, une période de remboursement trop longue pourrait nuire à l’atteinte à court et moyen termes des cibles de lutte aux changements climatiques adoptées par de nombreuses instances gouvernementales à différentes échelles.

Un remboursement rapide de la « dette de carbone » doit ainsi être visé. Ce dernier s’articule autour de trois facteurs principaux, c’est-à-dire le choix : du mode de conversion énergétique préconisé, du combustible fossile remplacé et du type de biomasse forestière utilisé.

En choisissant un mode de conversion énergétique plus efficace comme la production de chaleur ou la cogénération, plutôt que la fabrication de biocarburant, la dette de carbone est plus petite.

La substitution des combustibles fossiles les plus polluants, comme le charbon ou les produits pétroliers, réduit également la dette.

Le choix de la source de biomasse est plus complexe. Il s’agit d’utiliser celle qui se décomposerait le plus rapidement si elle n’était pas utilisée pour la production d’énergie afin de boucler plus hâtivement le cycle biologique du carbone.

Bien que les émissions liées à la chaîne d’approvisionnement de la biomasse soient grandement inférieures à celles des combustibles fossiles, une optimisation des processus, particulièrement du transport, doit quand même être effectuée. Par exemple, la réduction de la distance de livraison de la matière première contribuerait aussi à la réduction des émissions de GES.

Les dÉfis De l’industrie
Au-delà des « conditions gagnantes » considérées individuellement, c’est plutôt leur agencement au sein d’un projet concret qui sera garant de la maximisation du potentiel de l’utilisation de biomasse comme outil de lutte aux changements climatiques. Aucun aspect ne doit donc être mis de côté lors de la planification. Les défis résident dans la disponibilité et l’accessibilité des connaissances, ainsi que des moyens techniques, de même que dans la communication entre les différents acteurs.

Le développement et la diffusion d’outils de transfert de connaissances sont primordiaux. D’une part, les
utilisateurs doivent être informés des conséquences sur le climat de leurs choix en ce qui concerne l’approvisionnement de leur projet en biomasse. Ils doivent être en mesure d’exiger des intrants qui reflètent leurs objectifs (sources liées à une courte dette de carbone), tout en respectant leur capacité à payer. D’autre part, les fournisseurs de biomasse doivent être capables de satisfaire les exigences de leurs clients (quantité et qua-lité de la ressource), et ce, à un coût de production acceptable. Pour ce faire, ils doivent notamment pouvoir compter sur des processus de récolte, de traitement et de transport plus efficaces, ainsi que sur une demande stable. Ainsi, au fur et à mesure que la filière se conso-lide, les entrepreneurs forestiers peuvent acquérir de nouveaux moyens de fournir une biomasse dont les caractéristiques permettent de répondre à l’enjeu climatique, tout en respectant la capacité de soutien des écosystèmes.

La communication efficace entre les intervenants de chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement est aussi essentielle. C’est en exprimant clairement leur objectif de contribuer à la lutte aux changements climatiques que les
utilisateurs de biomasse pourront intégrer chacune des « conditions gagnantes » en amont de la planification de leur projet. Par exemple, c’est en raffinant l’arrimage entre les différentes étapes du processus, notamment en s’interrogeant sur le taux d’humidité de la biomasse à transporter ou en prévoyant un espace d’entreposage intermédiaire, que les besoins en transport pourront être diminués de manière à réduire les émissions de GES. Les efforts de communication doivent aussi viser la population afin qu’elle soutienne la création de projets qui contribuent réellement à faire face à l’enjeu climat. Cette réalité met en lumière l’importance, pour les utilisateurs de biomasse, de s’entourer de professionnels qui n’hésiteront pas à leur présenter un éventail d’options afin de répondre adéquatement à leurs besoins et à leurs buts, autant du point du vue économique, que social ou qu’environnemental. Ces professionnels éviteront aussi de travailler en silo.

Saisir l’occasion
Ce type de réflexion peut s’appliquer à tous les autres enjeux de développement durable des filières de production d’énergie grâce à la biomasse. Par exemple, le respect de la qualité de l’air pour des questions de santé ou le maintien de la biodiversité passent tous les deux par l’identification de bonnes pratiques, grâce à la science. Ces bonnes pratiques doivent être appliquées à chacun des projets. La démarche de planification et de communication demande incontesta-blement des efforts supplémentaires. Il faut néanmoins saisir cette occasion rare que nous offre la biomasse, comparativement aux combustibles fossiles : celle de bâtir des projets qui se démarquent par leur faible empreinte écologique et qui profitent réellement aux communautés qui les accueillent.

Amélie St-Laurent Samuel est chargée de projet Forêt/Biomasse chez Nature Québec. Ce projet, financé par le Fonds d’action québécois pour le développement durable, offre un service d’accompagnement gratuit aux institutions qui souhaitent convertir leurs systèmes de chauffage aux combustibles fossiles vers des systèmes à la biomasse forestière.

 facteurs influencant
 Pour en apprendre plus au sujet de la dette de carbone, consultez l’avis scientifique intitulé L’utilisation de la biomasse forestière pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, présenté par le ministère des Ressources naturelles du Québec, en ligne : http://www.mrn.gouv.qc.ca/publications/forets/biomasse-reduction-emission.pdf



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