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Relève : des efforts soutenus, des résultats encore mitigés

L’industrie forestière se transforme, change, et voit enfin poindre à l’horizon un début de relance de la demande pour certains produits.

5 juin, 2013  par Alain Castonguay


Le CFP de Dolbeau-Mistassini offre également six formations en foresterie. CFP Dolbeau-Mistassini

L’industrie forestière se transforme, change, et voit enfin poindre à l’horizon un début de relance de la demande pour certains produits. Mais la durée de la crise structurelle a incité les jeunes à se détourner de la forêt pour d’autres secteurs plus attirants. Comme la relève se fait rare dans plusieurs secteurs, les entreprises forestières ont une pente encore plus raide à gravir.

En juin 2012, le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) sonnait l’alarme. Selon Germain Gaudreault, qui est aussi coprésident du Comité sectoriel de main-d’œuvre des industries de la transformation du bois (CSMOBOIS), cette alerte était devenue nécessaire. « On avait atteint le fond du baril en terme de recrutement des diplômés. Il est trop tôt pour voir des résultats, car notre campagne a été lancée après les inscriptions de 2012-2013, et on ne connait pas encore les résultats pour les nouvelles cohortes qui entreront à l’automne. Il y a quand même une tendance légèrement à la hausse au Cégep de Sainte-Foy en transformation du bois. Tout le monde met la main à la pâte, incluant nos deux comités sectoriels qui font du bon boulot », dit-il.

M. Gaudreault cite l’exemple de la réouverture prochaine de l’usine de Produits forestiers Résolu à Gatineau. Le redémarrage est facilité par le contrat entre Résolu et Hydro-Québec pour l’achat d’électricité à partir de la biomasse. Certains des métiers dont l’exploitant aura besoin sont assujettis aux mêmes normes que celles en vigueur dans le secteur de la construction. « Prenons le mécanicien de machine fixe qui aurait à entretenir la chaudière, dont la taille exige qu’il ait un permis de classe 1, lequel est obtenu après 15 900 heures passés par l’apprenti avec son compagnon. Vous comprendrez qu’il est impossible de recruter un tel mécanicien en ce moment. Pour l’ensemble des ouvriers spécialisés, on a beaucoup de misère à recruter. »

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Études professionnelles
À l’École de foresterie de Duchesnay, dans la région de la Capitale-Nationale, la scierie-école forme des ouvriers spécialisés en affûtage et en classement des bois feuillus débités. Le 28 mars dernier, le directeur Luc Tremblay a pu attirer une belle foule à Duchesnay pour applaudir la quinzaine de finissants de son programme de classement. Le Club des Bois-Francs de Montréal et le Comité sectoriel ont profité de l’occasion pour tenir leur réunion du conseil d’administration à Duchesnay. Par l’entremise du Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre (FDRCMO), 12 des 15 finissants ont ainsi amélioré leurs qualifications alors qu’ils travaillent déjà dans les usines de Preverco, C.A. Spencer, Goodfellow, Bois Lambert, Bois Jacques Voyer, etc.

Florent Boivin, coordonnateur de formation au CSMOBOIS, est actif dans le milieu associatif du sciage des feuillus depuis plusieurs décennies. Il a félicité les partenaires fondateurs de la scierie-école « qui ont été des visionnaires ». Réjean Saint-Arnaud, directeur général du Comité sectoriel, a assuré les participants que l’amélioration des compétences du personnel était une nécessité pour les industriels. « Nous allons continuer de développer de nouveaux programmes qui correspondent à vos besoins et faire rayonner l’industrie partout au Québec », a-t-il indiqué.

« Nos plus vieux membres le disent, le métier de mesureur classificateur a souvent été considéré comme l’un des plus beaux métiers du monde », a lancé le président du Club des Bois-Francs de Montréal, Marius Blanchette, de Produits forestiers DMB. Le professeur Mario Welsh a de son côté remercié les nombreux partenaires de l’industrie qui ont donné de leur temps et du matériel ou contribué à des visites industrielles.
 
Cégeps et université
Au début avril, le Cégep de Baie-Comeau a confirmé la relance du programme de technologie forestière à l’automne 2013, après quatre années où les cours n’ont pu être donnés faute de candidats en nombre suffisant. Au 1er avril, 25 personnes avaient déposé une demande d’admission et le Cégep rappelle qu’elles seront acceptées jusqu’à la première semaine de cours, qui reprennent le 19 août 2013. Lors d’un événement tenu avec les entreprises de la Côte-Nord en janvier, la direction du Cégep avait annoncé la mise en place d’une passerelle entre le diplôme d’études professionnelles (DEP) en aménagement forestier offert à Forestville et le diplôme d’études collégiales (DEC) en technologie forestière à Baie-Comeau. Les diplômés de Forestville pourront ainsi obtenir leur DEC en deux ans, au lieu de trois.

À l’Université Laval, on recommence à respirer au Département des sciences du bois et de la forêt. Mais on part de très loin : en février dernier, la Faculté de foresterie, de géomatique et de géographie (FFGGUL) soulignait qu’en 2012, 62 offres d’emplois destinées aux diplômés en génie du bois ont été affichées par le Service de placement de l’Université Laval « pour seulement deux finissants ».

Pour assurer la mise en place du nouveau régime forestier et profiter de la relance, « nous aurons besoin d’une main-d’œuvre qualifiée en génie forestier et en génie du bois. Les besoins de relève sont préoccupants. La pénurie se fait déjà sentir », souligne Luc Bouthillier, professeur-chercheur en politique forestière. Le 26 avril dernier, lors de la remise des joncs par l’Institut forestier du Canada (IFC) à Québec, la cohorte de diplômés de 2013 comptait 18 finissants. Quand M. Bouthillier a terminé ses études au baccalauréat en 1978, « nous étions 140 », rappelle-t-il.

Lors de cette cérémonie de l’IFC, Sylvie Carles est devenue la première diplômée en génie forestier de l’École de Nancy (France) qui pourra pratiquer sa profession au Québec, en vertu de l’Entente Québec-France sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Immigré au Québec en 2001, Sylvie Carles y a fait ses études de maîtrise et de doctorat à l’Université Laval. « Dans le contexte de pénurie appréhendée d’ingénieurs forestiers au Québec, c’est une belle nouvelle qui, je l’espère, saura inspirer d’autres diplômés français à venir s’établir ici. C’est une grande fierté pour nous que de pouvoir compter dans nos rangs une ingénieure forestière d’un tel calibre », a déclaré le président de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ), Denis Villeneuve.

Des chiffres révélateurs
À l’OIFQ, il faut reculer à 2005-2006 pour trouver une année où le nombre de permis délivrés et de réinscriptions a été supérieur à celui des décès, retraites et démissions. Depuis ce gain de cinq membres actifs, la différence entre ces deux chiffres a été importante, l’écart atteignant 70 personnes en moins en 2010-2011. Le nombre d’inscriptions dans les trois programmes du baccalauréata atteint un creux en 2008-2009 avec 40 nouveaux étudiants, avant de remonter à 62 en 2011-2012.

En novembre 2012, l’OIFQ et l’Université Laval ont lancé une série de vidéos sur le réseau YouTube où six ingénieurs forestiers parlent des différentes facettes de leur métier.

Luc Lebel, directeur du consortium Forac et professeur en opérations forestières à l’Université Laval, a dirigé la publication du recueil « L’entrepreneur forestier du Québec » paru en 2010. On y trouvait les résultats des travaux du Programme de recherche sur les entrepreneurs forestiers de récolte et de transport.

« L’avenir de la foresterie est prometteur, car il repose sur un matériau noble, renouvelable et performant. Mais un matériau ne révèle tout son potentiel que si des entrepreneurs sont là pour le valoriser », écrivait-il alors. M. Lebel met beaucoup d’espoir dans le projet de recherche qu’il mènera jusqu’en 2014 sur les fournisseurs-intégrateurs dans le cadre du nouveau régime forestier. Cette analyse socio-économique s’inspirera du réseautage et de l’intermédiation qui existe au sein des entreprises sylvicoles, principalement les coopératives forestières.

La nécessité de créer des équipes multidisciplinaires pour résoudre les problèmes est bien comprise au consortium Forac. À la fin février, l’équipe a été lauréate du prestigieux prix Brockhouse du Canada remis par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ce qui lui a valu une subvention de 250 000 $.   

De grands besoins
(A.C.) Après avoir constaté la pénurie de relève dans une analyse publiée il y a deux ans par le Conseil sectoriel des produits forestiers (CSPF), l’Association des produits forestiers du Canada (APFC) a lancé la campagne www.lamaindoeuvrelaplusverte.ca. Les chercheurs d’emplois peuvent y trouver de l’information sur la grande variété de métiers spécialisés. Des liens permettent aux futures recrues de contacter directement les employeurs qui ont des postes à pourvoir ou de simplement offrir leur service.

Entre 2003 et 2009, le nombre de travailleurs a chuté de 260 000 à 150 000 travailleurs au Canada. Entre 2011 et 2020, selon les scénarios conservateurs ou optimistes du CSPF, l’industrie allait devoir recruter entre 40 000 et 120 000 nouveaux travailleurs. Même si le nombre d’emplois demeure stable, il faudra bien remplacer bon nombre des quelque 50 000 travailleurs qui prendront leur retraite durant la même période. Or, les jeunes « perçoivent toujours le secteur des produits forestiers comme une industrie agonisante, en déclin et offrant peu de carrières intéressantes par rapport à d’autres secteurs », écrivait le CSPF en 2011.

La quasi-totalité des immigrants s’installe dans les métropoles tandis que les usines papetières sont majoritairement établies loins des grands centres urbains. L’APFC a ainsi ciblé les communautés autochtones dans ses campagnes de recrutement. Ses efforts se butent à la féroce concurrence de l’industrie pétrolière et gazière ou encore celle des exploitants miniers.

L’évolution de la demande pour les produits du bois destinés à la construction aux États-Unis déterminera la vigueur des besoins de main-d’œuvre en usine. Or, les scénarios du CSPF étaient basés sur une demande annuelle moyenne allant de 1,4 à 1,7 millions d’unités mises en chantier. En mars 2013, en tenant compte des variations saisonnières, la demande était plutôt de 902 000 unités résidentielles par année. 

Au Québec aussi, l’industrie forestière tente de valoriser le bois par l’entremise de la campagne « Passez au carbone propre » (voir www.carbonepropre.com).


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