Opérations Forestières

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Un géant à la conquête de nouveaux marchés

Produire 7 milliards de bâtonnets en bois c’est bien, mais pourquoi s’arrêter là quand c’est possible de conquérir de nouveaux marchés.

31 mars, 2016  par Guillaume Roy



Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous avez mangé un « popsicle » ? Vous ne la regarderez plus jamais de la même façon après avoir lu ce texte sur le géant des bâtonnets de bois qui fournit la très grande majorité des entreprises en Amérique du Nord.

Créée en 1915, l’entreprise John Lewis a d’abord fabriqué des semelles de bois pour se lancer dans l’industrie du bâtonnet avec des usines dans le Maine, au Nouveau-Brunswick, à Dolbeau, en Abitibi et à Grand-Mère. Puis en 1978, c’est à La Tuque que l’entreprise décide de s’implanter pour optimiser ses opérations dans la « région du jardin du bouleau blanc ».

C’est en Haute-Mauricie que l’on retrouve la plus belle qualité et densité de bouleau blanc, l’essence de bois recherchée pour faire des bâtonnets alimentaires. « C’est une des essences qui offre le moins de migration de goût vers le produit alimentaire », explique Frédéric Tremblay, directeur manufacturier de l’usine John Lewis depuis 2006, qui note que la couleur blanche du bois est un facteur de confiance pour les clients.

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De plus, le bouleau « Lewis » (nommé ainsi par les clients) est un bouleau nordique qui croît plus lentement et qui a une très bonne densité, lui permettant de mieux résister aux impacts lors de sa transformation », ajoute Éric Bouchard, vice-président des opérations manufacturières et du développement corporatif chez Rémabec, l’entreprise qui a mis la main sur John-Lewis en 1997, en partenariat avec la Corporation Banque Royale et une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec. En 2002, Rémabec a racheté les parts de ses associés et est devenu l’unique propriétaire de l’entreprise juste avant que la concurrence chinoise vienne mettre en péril la rentabilité du fleuron latuquois.

La réplique chinoise
C’est en 2003 que les producteurs chinois ont bousculé le marché du bâtonnet en coupant presque le prix en deux, soutient Éric Bouchard. « Il y a eu une vague chinoise quand le gouvernement chinois a créé des zones détaxées et offert des subventions pour développer la zone industrielle, ce qui a permis à la Chine d’émerger avec prix très bas, mais avec une qualité très variable », note ce dernier. À partir de ce moment, les clients américains ont commencé à demander le prix chinois, mais avec la qualité nord-américaine.

Remabec forme sur une coentreprise avec un partenaire japonais et lance une usine de bâtonnets en Chine. Le but : fabriquer un produit de qualité nord-américaine avec la main-d’œuvre chinoise.

Pendant ce temps, l’entreprise modifie son modèle d’affaires pour améliorer la compétitivité de l’usine de La Tuque. De 2004 à 2006, l’usine opère quatre mois par année. « On a refait un plan d’affaires, en incluant nos employés, les fournisseurs et même nos clients, pour s’assurer de bien connaître leurs besoins actuels et futurs, ajoute Éric Bouchard. Puis on a investi 2,5 M$, pour redresser l’usine qui faisait des pertes. C’était ça ou on fermait ».

Pour se repositionner, l’entreprise décide de laisser tomber certains produits comme les abaisse-langue et les bâtons à peinture, car les quantités fabriquées étaient trop petites et le prix de revient trop élevé. Rémabec mise alors sur l’automatisation pour produire faire passer la production est passée de 5 à 7 milliards de bâtonnets par an et que l’entreprise est devenue rentable en 2009.

Lorsque les subventions ont disparu, les Chinois ont commencé à augmenter leurs prix. De plus, le gouvernement a instauré une taxe destinée aux produits à usage uniques. C’est à partir de ce moment que les producteurs chinois se sont tournés vers des produits à plus forte valeur ajoutée que les bâtonnets.

Marges minces et gros volumes
« Il faut que tu en fasses beaucoup pour que ça devienne intéressant. Même si c’est un marché de niche, on travaille avec de gros acheteurs qui ont un certain pouvoir », affirme M. Bouchard. La marge de profit se compte en fraction de cents pour chaque bâtonnet produit.  

Aujourd’hui, Remabec fait beaucoup plus d’argent avec les bâtonnets qu’avec le bois d’œuvre. « C’est peut-être 100 fois meilleur, mais c’est parce qu’on ne fait pas d’argent avec le bois d’œuvre », martèle M. Bouchard. Le gros avantage du marché du bâtonnet, c’est que les prix sont négociés longtemps à l’avance, assurant ainsi une meilleure stabilité. Les défis demeurent toutefois importants, surtout depuis l’instauration du nouveau régime forestier, qui a fait hausser les couts de planification et le cout de la fibre. « Les marges de profit sont de plus en plus minces », ajoute-t-il.

Se démarquer avec une qualité irréprochable
L’usine John-Lewis se distingue de ses concurrents en étant un leader en termes de quantité, de qualité, de coûts et de livraison en fonction des besoins des clients, soutient Éric Bouchard. « On veut enlever des problèmes à nos clients, en comblant leurs besoins », lance le vice-président qui veut insuffler cette philosophie et cette image de marque à toutes les filiales de Rémabec.

La qualité du bâtonnet et la constance du produit, qui se mesure en millième de pouce, sont en fait le nerf de la guerre. « Un bâtonnet, ç’a l’air simple, mais c’est très complexe », note M. Bouchard. Si la géométrie, l’épaisseur, la couleur ou tout autre défaut technique est présent, le bâtonnet sera dégradé pour faire des bricolages, un marché qui représente 700 millions d’unités annuellement.

Pour assurer une qualité irréprochable, les Industries John-Lewis ont aussi obtenu la certification SQF alimentaire en 2009.

Nouveau marché de la saucisse enrobée
Les Industries John Lewis ont atteint une bonne maturité et fourni la grande majorité des gros joueurs de l’industrie des sucettes glacés. Pour croitre, il fallait donc trouver des nouveaux marchés. C’est ainsi que Remabec a décidé de miser sur le marché de la saucisse enrobée, aussi connu sous le nom générique « Pogo ».

« La réputation des Lewistick, le nom de marque des produits fabriqués à La Tuque, a mené certains clients à faire des approches pour développer le créneau des saucisses enrobées », explique Éric Bouchard. Remabec a alors décidé de faire un projet de développement en travaillant avec un gros client américain il y a deux ans.

Au début de 2015, Rémabec a investi 2,3 millions de dollars pour construire un nouveau bâtiment dédié à la production de bâtonnets de saucisses. Pour l’instant, deux lignes de traitement ont été installées dans le but de produire 650 millions de bâtonnets. « On est capable de doubler notre production rapidement, car il y a de la place pour quatre machines et le bâtiment a été conçu pour être rallongé », mentionne M. Bouchard.

Étant donné que les Industries John-Lewis travaille dans un créneau très niché, le développement des nouveaux équipements se fait souvent à l’interne et parfois avec des partenaires industriels. Pour les saucisses enrobées, des sableuses à haute vitesse ont été développées avec Inotech, pour traiter les bâtonnets à 16 km/h !

Après deux ans de développement, les premières ventes commencent à se concrétiser. « D’autres groupes commencent à faire des demandes et c’est de bon augure », ajoute ce dernier. D’ici un an ou deux, les Industries John-Lewis comptent s’implanter de manière définitive sur ce marché qui tourne autour de trois milliards d’unités annuellement.

« C’est fini le temps où on pouvait s’asseoir et regarder passer le train. Si tu veux garder ta place, tu dois être en avant. L’usine John-Lewis est une belle vitrine pour démontrer le savoir-faire et les réalisations de Rémabec », conclut Frédéric Tremblay.

L’usine John-Lewis en chiffres

  • 135 employés
  • Transforme de 50 à 55 000 m3 par an

Production annuelle des Industries John-Lewis

  • 7,2 milliards de bâtonnets pour sucettes glacées
  • 700 millions de bâtons de bricolage.
  • 650 millions bâtonnets pour les saucisses enrobées

Lignes de production

  • 15 lignes pour sucettes glacées de format régulier
  • 3 lignes pour sucettes glacées de format papillon
  • 2 lignes pour les saucisses enrobées
  • Note : les bâtonnets déclassés sont utilisés en tant que bâtonnets pour le bricolage

Site Vallières : Comment se partager la ressource
Avec des partenaires comme WestRock (pâte et papier), Commonwealth Plywood (déroulage), Boiserie Safco (palette), Remabec opère un site de partage de la ressource forestière unique au Québec : le site Vallières. Mis en place en 2003, les différents utilisateurs mettent en commun leur approvisionnement forestier et utilisent les arbres dont ils ont besoin. Par exemple, les arbres de plus belle qualité prennent le chemin du déroulage, alors que les arbres de moindre qualité et les têtes d’arbres seront transformés en pâte. « Ça nous permet de maximiser la forêt et de réduire le gaspillage », soutient Éric Bouchard, VP de Rémabec.


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